Au moment où Ottawa annonce une série de gestes pour réduire les vols de véhicules au pays, une action citoyenne vient de se mettre en marche à Québec. Un assuré qui s’était fait dérober sa Toyota Highlander veut lancer un recours collectif contre 18 constructeurs mondiaux : il leur reproche d’avoir facilité le vol de leurs produits avec leurs clés électroniques Key fob.
En qualité de représentant désigné pour la poursuite, André Lacroix leur réclame des indemnités qui dépasseraient les 100 millions de dollars. Une partie de cet argent serait versée à des gens dont le véhicule a été subtilisé pour compenser les troubles et inconvénients que ce vol a eu dans leur quotidien. L’autre partie irait à un organisme de protection des consommateurs dans le domaine automobile ou œuvrant dans le vol de véhicules.
Demande de permission pour un recours
Le bureau québécois d’avocats qui pilote ce dossier, Bouchard+Avocats, a déposé une demande de permission d’intenter ce recours collectif auprès de la Cour supérieure le 2 mai au Palais de justice de Québec.
Ils affirment que l’ampleur des vols de véhicules est la conséquence directe des fautes des constructeurs qui équipent leurs véhicules d’un système de déverrouillage et de démarrage qu’ils savaient vulnérables à une attaque par relais.
L’un des avocats au dossier, Me Jean Rhéaume, est persuadé que la Cour supérieure autorisera cette poursuite.
« On pense que nos chances sont très bonnes. Nous ne nous serions pas lancés dans ce processus si nous n’étions pas convaincus que la Cour acceptera notre cause », a-t-il commenté en entrevue avec le Portail de l’assurance.
Il s’attend à ce que les constructeurs s’opposent à cette action, mais les avocats de M. Lacroix vont se battre pour obtenir cette permission. Ils veulent que la cause soit entendue à Québec, où vit leur client.
Les constructeurs visés
Les fabricants visés par l’action sont tous des filiales canadiennes des géants de l’automobile : Toyota Canada, Honda Canada, Hyundai Auto Canada, Nissan Canada, Mazda Canada, General Motors du Canada, FCA Canada (Chrysler), Ford du Canada, Audi Canada, BMW Canada, Jaguar Land Rover, Kia Canada, Mercedes-Benz Canada, Mitsubishi du Canada, Automobiles Porsche Canada, Subaru Canada, Groupe Volkswagen Canada, Automobile Volvo Canada Limitée. D’autres noms pourraient s’ajouter si certains fabricants ont été oubliés.
L’assuré leur reproche d’avoir utilisé une clé électronique personnelle « key fob » dans leurs véhicules. Ce système de déverrouillage et de démarrage permet également à toute personne qui a accès à la prise on-board diagnostic (port OBD) de se programmer une nouvelle clé automobile.
« Ces innovations sont appréciées des consommateurs, mais aussi des voleurs », martèle la poursuite.
Devoir d’informer les acheteurs
Selon les avocats d’André Lacroix, les constructeurs se devaient d’informer les acheteurs de ce défaut de sécurité et des mesures pouvant réduire le risque de vol lié à ce défaut. Ils ne l’ont pas fait.
L’Association allemande Allgemeiner Deutscher Automobile-Club réalise depuis 2013 des essais de sécurité sur les systèmes d’accès et de démarrage avec une clé électronique, citent-ils dans leur requête de 28 pages. En date du 12 février 2024, sur 648 véhicules testés, seuls 50 modèles étaient convenablement sécurisés.
Or, une grande partie des modèles à risques sont commercialisés au Québec.
Les avocats québécois soutiennent que les choix des constructeurs en matière de sécurité ont facilité l’exécution des vols et permis la revente des véhicules dérobés dans un bon état.
« Il y a là une faute contributoire des défenderesses qui les rend responsables du vol des véhicules », estiment-ils.
Ils soulignent que les manuels de propriétaires des dix véhicules les plus volés au Québec en 2023, selon l’Association Équité, ne font pas mention du risque de vol par attaque relais du signal de la clé électronique.
La poursuite allègue que les fabricants ont ainsi « passé sous silence un fait important », selon l’article 228 de la Loi du consommateur. Ils ont ainsi commis une faute intentionnelle puisqu’ils ne pouvaient ignorer le défaut de sécurité de leurs clés qui les rend très vulnérables au vol.
Les consommateurs inclus par le recours
Les consommateurs inclus par le recours sont les résidents du Québec qui ont été victimes d’un ou de plusieurs vols de véhicules munis du système « key fob » durant les trois dernières années.
Les assurés dont la voiture a été volée, rappellent les avocats, ont dû payer une franchise en plus de subir beaucoup d’inconvénients à la suite de la disparition de leur véhicule. Ceux qui se procurent des équipements de sécurité et de repérage doivent assumer des montants d’argent pour pallier le défaut de sécurité des voitures neuves.
Les victimes ont le droit d’être indemnisées, prétendent les procureurs d’André Lacroix, et il faut aussi une mesure dissuasive à l’encontre des constructeurs.
Ils réclament des dommages compensatoires de 1 500 $ pour chaque propriétaire dont le véhicule a été volé durant la période visée et une autre somme de 1 500 $ en dommages punitifs par véhicule commercialisé ou loué au Québec durant les trois dernières années. Cela représente des dizaines de milliers d’unités. Sont exclus ceux qui sont munis de la technologie UWB qui utilise le cellulaire du conducteur. Au total, les indemnités demandées dépasseraient 100 millions de dollars.
D’autres mesures à travers le Canada
D’autres actions ont été envisagées ou mises en marche ces derniers jours pour s’attaquer au cancer que représente le vol de véhicules au Canada :
- Ottawa a annoncé le 20 mai des modifications au Code criminel pour rendre plus sévères les peines de vol de véhicules impliquant des actes de violence, le crime organisé et le blanchiment d’argent et introduire de nouvelles infractions visant la possession et la distribution de dispositifs facilitant ces vols. On fera aussi en sorte d’améliorer l’échange de renseignements entre les autorités policières et douanières et des moyens seront ajoutés afin d’examiner un plus grand nombre de conteneurs maritimes partant pour l’étranger.
- En Ontario, le gouvernement Doug Ford projette de suspendre le permis de conduire des personnes reconnues coupables de vol de voiture. Le règlement déposé prévoit une suspension du permis pendant 10 ans pour une première infraction, 15 ans pour les récidivistes et une suspension à vie pour ceux qui sont coupables à trois reprises de vol de voiture.