COVID-19 ou pas, il est difficile pour un bar de se trouver de l’assurance.

La crise de souscription en assurance des entreprises fait en sorte que les tenanciers ont vu leurs primes d’assurance augmenter de manière substantielle au cours des deux dernières années.

« Depuis plus d’un an, les primes de notre programme d’assurance ont augmenté. Notre courtier nous dit que les assureurs se retirent. Tout le monde a eu une augmentation de primes », constate Renaud Poulin, PDG de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec.

Son courtier, Tonino Di Corpo, vice-président du cabinet Racine & Chamberland, fait partie du conseil d’administration de la Corporation. Selon lui, présentement, la rentabilité de l’industrie des bars pour les assureurs n’est pas là et « en général, elle n’a jamais été là. Alors, quand la rentabilité n’est pas là, que fait-on ? On va augmenter les taux et espérer que cela soit rentable. »

Ce dernier soutient que les primes peuvent augmenter de 25 % à 100 % pour ces entreprises. « Dans certains cas, les primes doublent ou triplent », dit-il.

Pierre Thibault, président de la Nouvelle association des bars du Québec (NABQ), soutient qu’il est toujours possible de trouver des compagnies d’assurance offrant des produits à des prix « du marché ». Toutefois, d’après lui, aujourd’hui, « l’assurance fait partie des frais fixes importants d’un bar ».

Redressement du marché en cause

D’après Hubert Brunet, vice-président, assurance des entreprises, chez AssurExperts, la hausse des primes est élevée parce que les taux des grossistes étaient trop bas lors des dernières années.

Les taux offerts par la bannière ont donc augmenté, mais n’ont pas doublé ou triplé. « Ce sont vraiment les normes de souscription qui sont sévères. On est très sélectifs », dit M. Brunet.

AssurExperts a signé des contrats avec Intact, Aviva, Everest et L’Unique pour assurer des bars en pools. La bannière en assurance de dommages s’occupe de la souscription, de la tarification et de l’émission de la police d’assurance pour ses courtiers membres.

« On s’est entendu avec nos assureurs, on ne les engagera pas pour un montant supérieur à 250 000 $ par assureur », précise M. Brunet.

Impact de la COVID-19

« Le secteur des bars, c’est quelque chose qui n’a présentement n’a rien à voir avec la COVID-19 », dit Tonino Di Corpo, qui affirme que la crise de souscription en assurance des entreprises fait bien plus de dommages.

Néanmoins, il avoue que la crise sanitaire n’aidera pas. Tout comme les restaurants, les assureurs vont renouveler la majorité des polices, mais « si un propriétaire veut magasiner, il n’aura pas grand place où aller ».

« La seule chose qui touche la COVID-19, pour le moment, c’est que les assureurs sont très réticents à prendre de nouveaux clients qui sont des bars. C’est instable. On ne peut pas savoir s’ils vont rester ouverts ou s’ils vont fermer », dit le courtier.

Incendies et crime organisé

Les intervenants de l’industrie de l’assurance et des bars rencontrés par le Portail de l’assurance s’entendent : le crime organisé a été longtemps associé à ces entreprises. À cela s’ajoutent les nombreux feux qui surviennent dans ces établissements, surtout au Québec.

« On l’a déjà vécu en 2000 lors de la guerre des motards. On avait des fois trois feux sur la même rue », dit Renaud Poulin de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec.

« Ça a toujours été une réalité dans le monde des bars. Cela l’a été un peu du côté des restaurants, mais moins », confirme Hubert Brunet.

Benoît Frenette, directeur, assurance des entreprises, chez AssurExperts et M. Brunet ajoutent qu’ils ont une certaine crainte en ce qui a trait aux incendies criminels. Les problèmes de rentabilité causés par la COVID-19 pourraient pousser certaines personnes « malhonnêtes » à faire brûler leur établissement. En général, pour éviter cela, M. Brunet explique qu’il « essaie de se tenir loin des personnes à risque » en vérifiant les antécédents des propriétaires de bars.

« Nouveau modèle d’affaires »

Pierre Thibault reconnait qu’il y a eu « des années noires lors desquelles il y avait des bars qui explosaient » et « qu’il y a une époque où le crime organisé était présent dans certains établissements ».

Toutefois, selon lui, l’État, les banques et les compagnies d’assurance doivent commencer à voir le « nouveau modèle d’affaires des bars ».

« Si on voit des sommeliers qui ont fait le tour du monde et qui ouvre un bar à vin, ça n’a rien à voir avec le bar chez Jack qui offre des chips barbecue, des peanuts et de la grosse bière. C’est trop facile de ne pas observer cette réalité-là », dit-il.

Il croit qu’il faut « recatégoriser les bars comme étant des PME respectables, saines et efficaces au sein de l’économie du Québec, car si l’image envoyée par les différents gouvernements est positive, il sera plus facile de travailler avec des partenaires comme les assureurs ».

La solution à Londres ?

M Thibault soutient avoir rencontré un courtier d’assurance à Montréal au cours des derniers mois et que ce dernier envisageait d’aller négocier avec des syndicats du Lloyd’s of London.

« Ce dernier nous a dit que s’il y a un rassemblement avec plusieurs adresses différentes, et bien qu’il allait se déplacer au Royaume-Uni et qu’il allait négocier avec les grands courtiers et les grandes compagnies d’assurance de ce monde. L’idée, c’est qu’on étudie cette possibilité-là d’y aller avec un rassemblement pour avoir un prix de gros pour ne pas avoir à remplir des milliers de documents et questionnaires », dit M. Thibault, qui n’a pas voulu dévoiler l’identité du courtier.

Le Lloyd’s se retire pour certains contrats

Toutefois, d’après Tonino Di Corpo, plusieurs syndicats du Lloyd’s ont récemment décidé de se retirer de certaines catégories de risques non standards, comme ceux liés aux bars, pour certains de leurs contrats.

C’est également ce qu’ont entendu Benoît Frenette et Hubert Brunet de chez AssurExperts.

« Les grossistes ne peuvent plus écrire les bars dans leur contrat de Lloyd’s. C’est un problème majeur, parce qu’on se retrouve avec des assureurs locaux qui font affaire avec des grossistes et pour qui la tarification a explosé », dit M. Di Corpo.

Lloyd’s Canada n’a pas donné suite à la demande d’entrevue du Portail de l’assurance.