Les changements climatiques apportent avec eux une augmentation et une intensification des catastrophes naturelles, touchant 1,5 million de maisons canadiennes. Ces propriétés représentant 10 % du marché immobilier sont situées dans des zones à haut risque où elles sont inadmissibles à l’assurance contre les inondations. À ce jour, les inondations sont la cause la plus onéreuse de dommages matériels au Canada. 

Un nouveau rapport du Groupe CSA, intitulé Gestion des inondations et de l’érosion à l’échelle du bassin versant : Conseils pour aider les gouvernements à utiliser des solutions fondées sur la nature, a été publié sous la direction du Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université de Waterloo. Il met en évidence les solutions fondées sur la nature (SfN) pour lutter contre les risques climatiques.

En 2021, les inondations en Colombie-Britannique ont révélé que les mesures prises pour lutter contre les inondations pouvaient être inefficaces et causer des dégâts considérables aux systèmes fluviaux, submergeant certaines villes. 

Le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités doivent s’impliquer dans la gestion des risques d’inondation. Bien que deux programmes de financement contribuent à atténuer les catastrophes naturelles, ils ne sont pas répartis équitablement entre les provinces. Il n’existe pas actuellement d’approche commune entre les provinces et les territoires canadiens. 

Les objectifs du rapport 

D’après le rapport de l’Association canadienne de normalisation (CSA), le rôle des SfN dans la gestion des risques d’inondation et d’érosion est encore sous-estimé, bien que cette approche ait le potentiel de remplir plusieurs objectifs. La recherche sur l’utilisation des SfN au Canada fournit des données précieuses à des fins décisionnelles.

Michael Leering, directeur, Environnement et excellence en affaires du Groupe CSA, soutient que ces solutions fondées sur la nature doivent davantage être prises en considération. « Cette recherche soutient l’ajout de nouvelles normes relatives aux SfN qui améliorent un ensemble déjà solide de normes visant à atténuer le risque d’inondation », dit-il. 

Un autre point essentiel qui est évoqué dans le rapport concerne la gestion des bassins versants dans les provinces du Canada. Ces dernières adoptent des pratiques exemplaires en se basant sur les SfN, alors que d’autres n’en tiennent pas rigueur et se focalisent sur d’autres problèmes. Il y a donc un manque d’homogénéité dans la gestion des bassins versants au sein du même pays.

Pour l’instant, l’Ontario est la seule province qui détient des organisations — les offices de protection de la nature — dotées d’un mandat légal incluant la prévention des inondations fluviales, l’érosion et la conservation de la nature.

Le Canada est le deuxième plus grand pays au monde, avec des bassins versants de tailles très différentes. « Peu de provinces au Canada ont établi un mandat clair pour la gestion intégrée des bassins versants. De nombreux mandats provinciaux sont axés sur des problèmes spécifiques (exemple, protection des sources d’eau potable) ou des bassins versants particuliers, ou leurs responsabilités sont partagées avec d’autres organismes », révèle le rapport.

En conséquence, certaines provinces bénéficient d’un niveau plus élevé de financement et de fonds pour atténuer les catastrophes. Le rapport démontre l’efficacité de l’utilisation des SfN à l’échelle des bassins hydrographiques et les résultats positifs que peuvent offrir les provinces et les organismes locaux lorsqu’ils sont impliqués. 

L’importance des organismes  

Le rapport met l’accent sur l’importance des villes et villages pour la mise en place des projets de gestion des inondations. Ils sont les mieux placés pour comprendre les risques liés aux catastrophes climatiques et connaissent le mieux les particularités du territoire. Dans le passé, l’absence d’organismes a entraîné moins de demandes de financement et en fin de compte, moins de travaux ont été effectués pour réduire les risques d’inondation et d’érosion.  

Les offices de protection de la nature tiennent une place majeure dans la gestion des risques d’inondation et d’érosion en Ontario. Ils disposent d’un mandat juridique et fournissent des stratégies préventives à long terme. En outre, leur objectif est de protéger les personnes et de conserver au mieux les ressources naturelles face aux inondations et autres sinistres. 

Le rapport met en lumière l’importance des ressources au sein des organismes. Celles qui détiennent des ressources disponibles pour soumettre une demande reçoivent la majorité des fonds, ce qui reflète la difficulté pour les organismes moins bien dotés en ressources d’accéder à ce type de financement.

L’implication des gouvernements 

« Ce rapport intervient à un moment opportun, alors que le gouvernement fédéral cherche à finaliser la Stratégie nationale d’adaptation et à déterminer le rôle de la nouvelle Agence canadienne de l’eau. Il souligne une planification cohérente à travers les bassins versants pour tenir compte des différences entre les provinces et mettre en place des solutions fondées sur la nature », affirme Joanna Eyquem, directrice générale des infrastructures résilientes au climat du Centre Intact d’adaptation au climat.

Joanna Eyquem

Le gouvernement fédéral joue un rôle clé dans la gestion des risques d’inondation et d’érosion en fournissant des fonds pour contrer ces problèmes. Deux programmes de financement sont accessibles dont le Programme national d’atténuation des catastrophes (PNAC) et le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes (FAAC).

En 2018, le gouvernement fédéral s’est engagé à investir 2 milliards de dollars sur 10 ans dans le FAAC pour financer des projets d’infrastructure structurale et naturelle. Ces infrastructures visent à augmenter la capacité des collectivités touchées par les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques à mieux y résister.

La répartition des fonds 

Bien que le gouvernement offre des programmes de financement, ils ne sont pas distribués de manière équitable, indique-t-on dans le rapport. Le PNAC attribue le financement en se basant sur l’évaluation des demandes reçues, plutôt que sur l’évaluation du risque initial d’inondation et d’érosion à l’échelle nationale. Les offices de protection de la nature en Ontario, dotés des ressources nécessaires, ont obtenu avec succès le financement pour plusieurs projets. 

Le FAAC a accordé le financement à plusieurs provinces ayant le plus grand nombre de projets. L’Ontario, avec 17 projets, le Québec, avec 8, et la Colombie-Britannique, avec 7, ont reçu le plus de fonds, tandis que les autres ont obtenu cinq projets ou moins. L’analyse des titres et des descriptions de projets révèle que 45 des 70 demandes financées avaient un lien direct ou partiel avec la réduction des risques d’inondation et d’érosion des rivières. 

En sus, l’obtention du financement est accordée aux villes qui ne recherchent pas nécessairement des solutions préventives, mais plutôt à résoudre les problèmes actuels. « Le rapport plaide en faveur d’approches stratégiques de la gestion des risques d’inondation, donnant la priorité aux bassins versants à haut risque. Une part importante du financement fédéral a été allouée aux villes qui ne recherchent pas nécessairement des solutions en amont », précise Joanna Eyquem. 

Les solutions  

M. Leering est ravi de proposer des solutions concrètes. « Nous sommes encouragés par l’élan croissant vers l’adoption de nouvelles normes de résilience aux inondations au niveau régional et cette recherche est l’outil le plus récent offrant un soutien à tous les niveaux de gouvernement. » 

Le rapport expose plusieurs solutions pour gérer au mieux les risques d’inondation et d’érosion. Il recommande plus de collaboration et de soutien envers les gouvernements provinciaux en créant davantage de programmes de financement. Il suggère le renforcement des lois et des politiques provinciales, en considérant les SfN comme solution par défaut plutôt que comme solution innovante.

Enfin, il privilégie une planification cohérente et une approche stratégique, en priorisant les bassins versants à haut risque plutôt qu’au nombre de projets.