Lourde divulgation. Avantage supplémentaire aux directs. Confusion chez le consommateur. Ce sont quelques-uns des constats qui émergent du mémoire du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) dans le cadre de la consultation sur le projet de règlement du secteur.
Le Journal de l’assurance s’est entretenu avec Patrice Pouliot et Éric Manseau, respectivement président du conseil et directeur général du Regroupement. L’entrevue s’est déroulée juste après le dépôt du mémoire du syndicat des courtiers à l’Autorité des marchés financiers, qui a écrit les nouvelles règles qui entreront en vigueur le 13 décembre.
Pour le RCCAQ, le fait d’obliger les courtiers à divulguer la proportion de leur volume chez les assureurs sera complexe, en plus d’ajouter un fardeau aux courtiers. La proposition de départ de pouvoir prouver l’accès à trois assureurs leur semble la meilleure en termes d’efficacité opérationnelle, dit M. Pouliot.
« Les courtiers ne sont pas outillés pour offrir une soumission, en plus de leurs conseils en moins de dix minutes à leurs clients en ce moment. Mais dans trois ans, le courtage aura changé. Les courtiers seront à un autre niveau. On aimerait que ce soit pris en compte par l’Autorité dans sa réflexion » ajoute le président du RCCAQ.
Opposé à l’agence hybride
Le RCCAQ dit toutefois comprendre l’Autorité, ainsi que le ministère des Finances du Québec, d’ajouter des mesures pour protéger le public, d’où l’introduction de l’accès aux trois ententes pour s’afficher comme indépendant. Mais pas de là à appuyer le concept d’agence hybride, où un cabinet pourrait s’afficher comme agent en assurance des particuliers et courtier en assurance des entreprises.
Ce que craint particulièrement le RCCAQ avec l’agence hybride, c’est de voir des assureurs directs devenir propriétaires à 100 % de cabinets qui sont actuellement considérés comme des courtiers. « On craint l’effet de concentration qui en découlerait », spécifie Éric Manseau.
Selon le RCCAQ, la proposition initiale de demander au courtier de prouver qu’il a accès à trois assureurs suffirait pour permettre à l’industrie d’avoir un cadre adapté, mais aussi d’avoir une industrie saine et en bonne santé financière, poursuit le directeur général du RCCAQ. « Si on atteint l’objectif de protection du public, il n’y aura alors pas besoin d’introduire l’agence hybride. On invite l’Autorité à revoir sa position en ce sens. »
Concentration encore plus accrue
Le RCCAQ dit aussi craindre que la mesure de l’Autorité produise l’effet inverse de ce qu’elle recherche. L’avènement de l’agence hybride pourrait accentuer davantage le phénomène de concentration des affaires en assurance de dommages au Québec, affirme Patrice Pouliot.
Il donne comme exemple le cas fictif d’un cabinet ayant 100 millions de dollars (M$) de primes en assurance des particuliers, dont 85 M$ sont placés chez un assureur A et les 15 M$ restants chez les assureurs B et C. Le cabinet qui choisira l’option de l’agence hybride déplacera ses 15 M$ chez l’assureur A. On pense donc que certains plus petits assureurs en souffriront », dit M. Pouliot.
Le courtage se doit de garder une masse critique d’assureurs. Il donne en exemple le cas de Royal & Sun Alliance, devenue depuis RSA Canada, qui, à l’époque, avait quitté le marché de l’assurance des particuliers au Québec. Pour y revenir, il a acquis les activités de L’Union canadienne.
« Est-ce que l’on reverra ce genre de choses ? Les décisions prises en ce moment pourraient avoir des conséquences pour ces assureurs. Il sera toutefois trop tard à ce moment. Nous ne sommes pas certains que le régulateur a vu cela », dit M. Pouliot.
Le RCCAQ reconnait la créativité de l’Autorité pour avoir proposé cette solution. On ajoute toutefois qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.
Niveau d’inquiétude élevé
Comment se porte le réseau de courtiers dans ce contexte ? Il y a de l’inquiétude sur le terrain, confient les deux hommes. Sans compter que les courtiers pataugent dans un marché dur en ce moment.
« Il y a des assureurs qui ne renouvèlent pas des blocs entiers d’assurance, notamment pour des raisons de rentabilité. On voit des marchés où il n’y a que deux assureurs. Obliger d’avoir trois ententes dans certains segments ne sera pas aisé. Il y a de quoi être inquiet », dit M. Pouliot.
Cette inquiétude peut aussi s’accentuer en fonction de la situation géographique du cabinet, ajoute M. Pouliot. À Montréal, un courtier n’aura pas de difficultés à trouver des marchés. C’est une autre paire de manche à Amos ou à Sept-Îles, fait remarquer le président du RCCAQ. « Dans certaines régions, des assureurs imposent des restrictions », dit-il.
En mode discussion
Le RCCAQ souhaite donc rencontrer le PDG de l’Autorité Louis Morisset à ce sujet dans les prochaines semaines. « On veut travailler avec l’Autorité, dit Éric Manseau. On veut que le règlement soit gagnant pour tout le monde. Qu’il soit aussi adapté à la réalité du marché et qu’il soit équilibré. »