Après avoir reconnu sa culpabilité aux deux chefs d’accusation, Jean-Marc Laurin a été condamné à une amende de 50 000 $ par le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages. De plus, il lui est interdit d’agir à titre de dirigeant responsable ou de directeur de cabinet pour une période de trois ans. La décision a été rendue le 13 juillet dernier.

L’ancien dirigeant du cabinet CGI experts en sinistres, figure bien connue dans l’industrie, est déclaré coupable de deux infractions au Code de déontologie des experts en sinistre. Les gestes qu’on lui reproche sont reliés à son travail de dirigeant du cabinet entre janvier 2005 et septembre 2008, au bureau ou dans les succursales de Montréal, Sherbrooke, Québec, Rimouski et Gatineau. Le comité de discipline a prononcé l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées aux deux chefs.

En sa qualité de dirigeant responsable du cabinet CGI experts en sinistre à l’époque, M. Laurin est coupable d’avoir fait preuve de négligence et de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer que les exigences en matière de certification soient respectées par le cabinet, ses dirigeants et ses représentants (chef no 1).

En agissant ainsi, il a toléré « l’exercice illégal de l’activité d’expert en sinistre par des employés du cabinet, sans prendre les mesures appropriées pour faire cesser immédiatement ces infractions ». Il a aussi autorisé « les directeurs de succursale agissant sous son autorité à continuer d’exercer les services de personnes ne détenant pas la certification requise, en exigeant seulement de celles-ci qu’elles s’engagent à s’inscrire aux examens préalables à l’obtention d’un certificat de la catégorie requise ». Ainsi, 16 personnes ont pu agir illégalement comme experts en sinistre. Cette infraction est sanctionnée par une amende de 50 000 $ et par l’interdiction d’agir comme dirigeant durant trois ans.

Durant la même période et alors qu’il occupait les mêmes fonctions, M. Laurin est aussi coupable de ne pas s’être assuré que les employés titulaires d’un certificat d’expert en sinistres en assurance de dommages des particuliers et ceux titulaires d’un certificat d’expert en sinistres limité à la catégorie de l’assurance des particuliers, ou à celle de l’assurance des entreprises, s’identifient de façon conforme dans l’exercice de leurs activités professionnelles en ajoutant, après le titre « expert en sinistre », la catégorie de discipline autorisée par leur certificat. Le comité de discipline lui impose une amende de 10 000 $ sur le chef no 2.

La totalité des amendes est réduite à un montant de 50 000 $, en fonction du principe de la globalité des sanctions. L’intimé est condamné aussi au paiement des déboursés et des frais de publication de l’avis disciplinaire. On lui accorde jusqu’au 1er octobre 2015 pour acquitter le montant des amendes, frais et déboursés. Ce délai a été réclamé par le procureur de M. Laurin.

« Culture de laxisme »

M. Laurin a soumis son aveu de culpabilité sur la plainte amendée après s’être désisté de la requête en arrêt des procédures soumise par son procureur. Ce faisant, il a reconnu la juridiction du comité, la validité de l’enquête et de la plainte logée contre lui et il a aussi confirmé la légalité de la nomination de Me Sylvie Poirier à titre de syndic ad hoc, souligne le comité.

Lors des discussions sur la sanction, Me Poirier a souligné que l’intimé « savait qu’il contrevenait » à la loi. « Toutefois, les expectatives de profits et une plus grande productivité ont été privilégiées par le cabinet, au détriment des règles mises en place par le législateur pour protéger le public, écrit le comité. Ce comportement dérogatoire résultait d’une culture de laxisme qui était fermement en place au cabinet à l’époque des faits en litige. »

Le comité de discipline a accueilli la suggestion commune des parties quant à la sanction, qui tient compte de celles imposées à Pierre Boulianne et Jacques Bouchard, lesquels agissaient sous la gouverne de l’intimé. Quelque 1 500 dossiers ont ainsi été traités par des employés ne détenant pas la certification requise. Aucun préjudice n’a cependant été noté du côté des assurés. M. Boulianne a été condamné à des amendes totalisant 35 000 $, de même qu’à deux réprimandes, tandis que M. Bouchard a été sanctionné par des amendes de 25 000 $ et à une réprimande. 

Le cabinet CGI est devenu Indemnipro en juillet 2008 à la suite de son acquisition par SCM experts en sinistre. Comme le révélait le Journal de l’assurance en janvier 2015, le comité de discipline a sanctionné de nombreux dirigeants et employés de CGI-Indemnipro pour des gestes survenus à partir de 2005 et qui se sont poursuivis, dans certains cas, jusqu’en 2012. M. Laurin était le 19e à subir les foudres du comité de discipline.

En entrevue avec le Journal en décembre dernier, la vice-présidente aux opérations chez Indemnipro, Suzie Godmer, avait assuré que le cabinet avait mis en place les mesures correctrices et utilisait les systèmes appropriés et les bons outils pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise.

Vérifications faites auprès de la Chambre, le montant global des amendes imposé à Jean-Marc Laurin n’est pas un record. L’amende maximale pour un seul chef est de 50 000 $, précise Joëlle Calce-Lafrenière, directrice des communications de la Chambre.

M. Laurin était officiellement administrateur de la Chambre depuis décembre 2010. Dès le début de l’enquête en mai 2014, M. Laurin a cessé de siéger au conseil. En vertu de la Politique de gestion des conflits d’intérêts de la Chambre, M. Laurin a dû se retirer des séances du conseil d’administration de la Chambre. Cette politique exige du membre du conseil de dénoncer sa situation, soit le fait d’être l’objet d’une enquête au bureau du syndic, au président du conseil d’administration. 

L’administrateur ne peut recommencer à siéger que si le dossier ne se retrouve pas au comité de discipline. Durant le processus disciplinaire, l’administrateur visé n’a pas non plus accès aux documents remis aux administrateurs. M. Laurin ne pourra plus se présenter de nouveau aux élections au conseil d’administration, puisque la sanction le rend inéligible, selon l’article 18 du Règlement intérieur de la Chambre.

Jean-Marc Laurin est désormais directeur des opérations sinistres chez RSA Canada. Après la transaction impliquant CGI et Indemnipro, il a été vice-président chez Cunningham Lindsey durant quatre ans. Puis il a travaillé deux ans chez Granite Claim Solutions. Il travaille en gestion de sinistres depuis 1980.

Son procureur devant le comité de discipline, Me Érik Morissette de Fasken Martineau, a soumis puis retiré une requête en arrêt des procédures durant le processus disciplinaire. Il n’a pas voulu nous préciser pour quelle raison son client désirait interrompre l’enquête le concernant. Me Morissette a refusé de commenter la décision et il a indiqué au Journal que Jean-Marc Laurin ne désirait pas le faire.