2020 a été une année inhabituelle pour tous.
Chez Promutuel Assurances, elle l’a été doublement, alors que l’assureur a subi une cyberattaque en fin d’année.
Malgré tout, l’assureur a dégagé une rentabilité en hausse au terme de 2020. Les objectifs de 2021 sont aussi sur la bonne voie d’être atteints, a confié sa cheffe de la direction Geneviève Fortier, en entrevue au Portail de l’assurance.
« 2020 a été une année inhabituelle qui nous a permis de dégager des résultats exceptionnels. Tous nos indicateurs sont maintenant au vert », dit-elle.
L’assureur a terminé 2020 avec un actif de 1,8 milliard de dollars (G$). Quant à son volume de primes, il s’approche du milliard de dollars en s’établissant à 950 millions de dollars (M$). Son bénéfice net s’est quant à lui établi à 138,2 M$.
Avant même que le Québec soit confiné à cause de la pandémie de COVID-19, l’exercice 2020 était bien enclenché côté rentabilité, relate Mme Fortier. « Dame Nature a été de notre côté. Les Québécois se sont aussi moins déplacés. Ça a donc eu un impact favorable à notre sinistralité. »
Promutuel travaille ainsi à accroitre sa présence au Québec, dit Mme Fortier. Bien que son entreprise soit la quatrième plus grande compagnie d’assurance de dommages au Québec, sa part de marché n’y est que de 8 %. « Nous avons de la place pour croitre. Nous croyons que la proximité que nous avons avec nos membres assurés est un élément distinctif qui nous permet de bien répondre à leurs besoins, peu importe le canal qu’ils utilisent, soit les agents, les courtiers ou le Web », dit-elle.
Promutuel tire encore près de 75 % de son volume du mode de distribution directe et une autre proportion de près de 25 % du courtage. Le Web y a une petite part grandissante, souligne-t-elle.
Vitesse de croisière retrouvée
Qualifiant de parenthèse la cyberattaque subie à la mi-décembre, Mme Fortier relate que l’assureur a su se concentrer sur la relation avec ses membres. Au point tel que les scores de rétention de la clientèle du début de 2021 ont été les meilleurs enregistrés par rapport aux trois années précédentes.
Oui, l’assureur a connu un ralentissement au niveau de ses nouvelles affaires. Mais cela est désormais chose du passé, dit la cheffe de direction. « Les opérations sont reparties à la mi-février et nous avons retrouvé notre vitesse de croisière », dit-elle.
Mme Fortier se dit sûre que la mutuelle qu’elle dirige atteigne ses cibles de 2021. « Nous restons concentrés sur notre plan de croissance rentable. Nous sommes en bonne voie d’atteindre nos cibles de fin d’année », a-t-elle révélé, sans toutefois dévoiler en quoi consistaient ces cibles.
Enquête terminée
Mme Fortier a toutefois dévoilé au Portail de l’assurance que Promutuel a terminé son enquête en ce qui a trait aux causes de la cyberattaque qu’elle a subie. Des validations se poursuivent. Elle ne peut toutefois en dévoiler les détails, donnant suite à une demande des corps policiers de ne pas divulguer d’information en ce sens.
L’enquête a aussi permis de déterminer comment les pirates s’y sont pris. Ainsi, l’attaque subie par Promutuel était une menace externe, par le biais d’un rançongiciel. La thèse d’une infiltration interne, comme ce fut le cas au Mouvement Desjardins, est exclue.
« La clé, pour faire face à ce type de menace, c’est d’être préparé. C’est dans cette optique que nous avions lancé une protection pour les PME face au cyberrisque, avant d’être nous-même attaqués. Notre engagement de protéger les données de nos clients et de nos employés se poursuit », souligne-t-elle.
Mme Fortier dit avoir beaucoup appris de cette parenthèse, tout en prenant le soin de spécifier que chaque cas est unique et que ce que d’autres institutions financières ont vécu ne s’applique pas au cas de Promutuel. « Nos équipes ont travaillé très fort pour redémarrer les opérations de la bonne façon. Oui, il fallait faire vite, mais il fallait aussi bien faire. De l’externe, ça a pu sembler long, mais pour nous, ça a été un travail 24/7, incluant Noël et le Jour de l’An. Sans compter l’appui de nos employés et de nos 16 mutuelles, incluant leurs administrateurs », dit-elle.
Concertation d’industrie
Durant cette crise, Mme Fortier a-t-elle pu profiter de l’échange avec d’autres collègues de l’industrie œuvrant dans des entreprises concurrentes ? Oui, a-t-elle révélé au Portail de l’assurance.
« Le cybercrime est devenu un ennemi commun. Nous avons tout avantage à partager les leçons et apprentissages que nous en faisons. Des éléments sont bien évidemment confidentiels à chaque organisation, mais si l’on peut permettre aux autres d’en tirer des leçons d’apprentissage, il faut le faire. J’en ai bénéficié et j’ai aussi partagé des choses. Je salue cela. Nous pourrons ainsi nous unir face aux cyberpirates qui travaillent en tout temps. Nous avons eu une belle collaboration de l’industrie, notamment des courtiers », indique-t-elle.
Car lors d’une telle crise, il y a un danger à partager une information qui n’est pas vérifiée et corroborée. Tomber dans la spéculation peut être un piège, prévient-elle.
« Tout au long de cette parenthèse, nous voulions passer un message clair. Nous avons travaillé à communiquer de façon régulière à nos 650 000 membres assurés. Nous l’avons aussi fait avec le réseau de courtage pour qu’ils aient réponse à leurs questions », dit-elle.
Faire face à deux crises successives
Tous les PDG d’entreprises ont eu à faire face à la pandémie de COVID-19. Beaucoup moins ont dû faire face à une cyberattaque en même temps. Lequel des deux est le pire ?
Mme Fortier hésite à répondre, car elle en tire des leçons différentes.
De la pandémie de COVID-19, c’est l’agilité de ses équipes qu’elle retient, puisque les 2 000 employés de l’entreprise ont su se réorganiser dans un délai de deux semaines et demie pour implanter le travail à distance. « Les contributions et l’engagement de nos diverses équipes, notamment celle des technologies de l’information (TI), des ressources humaines ou encore celles sur le terrain, ont fait en sorte que nous avons pu entrer doucement dans un nouveau mode d’opération. »
Quant à la cyberattaque, elle a permis à la mutuelle de s’ancrer de nouveau dans ses valeurs, dit Mme Fortier, notamment celle de l’entraide et de la solidarité. « Nous avons eu un degré d’engagement incomparable de nos équipes pour franchir les bonnes étapes. Au final, les deux évènements ont eu un impact. Ça nous donne beaucoup de confiance pour la suite. C’est bien beau d’avoir des objectifs de croissance ambitieux, mais il faut les bonnes équipes pour les livrer », dit-elle.
Lorsque la pandémie a éclaté, Promutuel amorçait aussi son virage numérique. La COVID-19 a d’ailleurs fait en sorte que ses membres assurés ont découvert comment il pouvait être facile de traiter avec la mutuelle d’assurance via ses outils technologiques, dit Mme Fortier.
« On le voit dans toutes les industries. On le voit aussi en assurance. Ça sonne la cloche qu’il faut accélérer le virage numérique », dit-elle.
Ni la pandémie ni la cyberattaque n’ont trop ralenti les projets numériques de Promutuel, mentionne aussi sa cheffe de la direction. « Nous avons profité de ces pauses pour bien reséquencer nos projets, en fonction des besoins de nos membres assurés. Une organisation comme la nôtre doit être dynamique et moderne, mais aussi savoir s’adapter. Notre taille nous donne une certaine agilité par rapport à de plus grands joueurs. Notre bateau est plus facile à tourner », dit-elle.
Conseils de crises
Alors qu’elle occupe la fonction de cheffe de la direction de Promutuel depuis un an et demi, quels conseils donne Mme Fortier aux chefs d’entreprise qui pourraient vivre des crises successives à leur arrivée en poste ?
S’entourer d’une équipe compétente est la chose la plus importante, dit-elle.
« C’est ce qui fait la différence en gestion de crise. Que chaque personne comprenne ce qu’elle doit faire pour livrer le plan de match. Comme chef de la direction, on se doit d’être à l’écoute pour choisir les bonnes orientations. Pour cela, il faut mettre les joueurs dans les bons rôles. Il faut être capable d’inspirer et d’insuffler l’énergie nécessaire à nos équipes. Ça passe avant tout par l’écoute », dit Mme Fortier.
D’ailleurs, elle estime que d’avoir été à l’écoute de ce qui se disait sur le terrain a été la clé pour passer au travers de la cyberattaque subie à la mi-décembre. « Quand on vit ce genre de situation, le terrain a beaucoup de choses à nous dire. Il faut savoir ce qui en émerge. Il faut être capable de travailler avec les équipes, de les écouter, puis de les diriger. Car le vecteur de tout cela, c’est la force de l’équipe », dit Mme Fortier.
Pour la suite, elle souhaite que Promutuel joue un rôle actif dans la relance économique qui suivra le déconfinement du Québec. « Nous voyons la lumière au bout du tunnel. Promutuel est bien implanté dans toutes les communautés du Québec. J’ai la certitude que la province s’en sortira bien. Comme organisation, nous sommes très bien positionnés pour réussir notre plan de croissance rentable et contribuer à la croissance économique du Québec », dit-elle.