Pour CAA-Québec, la pratique de courtier en assurance de dommages est entravée par de nombreuses sources potentielles de conflits d’intérêts. L’une d’elles a trait à la commission de contingence, que le club automobile propose d’abolir.

Et ce n’est là qu’une des propositions de CAA-Québec, qui a choisi d’intervenir dans le débat de la règle des 20 % puisqu’elle détient un cabinet en assurance de dommages qui distribue des produits d’assurance auto et habitation auprès de ses membres. Le Journal de l’assurance s’est aussi entretenu avec Suzanne Michaud, vice-présidente, assurances, de CAA-Québec.

Elle souligne que CAA-Québec s’est toujours donné pour mission d’intervenir dans les enjeux qui affectent la protection des consommateurs, notamment par la conception de son palmarès des pires routes au Québec. Le club automobile l’a d’ailleurs fait dans la récente consultation sur l’assurance voyage. Intervenir dans la consultation de la règle des 20 % semblait opportun pour CAA-Québec, mais aussi pour faire connaitre au ministre des Finances du Québec d’autres enjeux qui méritent son attention, dit Mme Michaud en entrevue.

Une divulgation déficiente

Et pour bâtir son mémoire, CAA-Québec a pris compte des conversations que ses agents tiennent avec des consommateurs lorsque ces derniers demandent une soumission. Mme Michaud a elle-même écouté plusieurs enregistrements de conversations.

« On parle avec eux et on se rend compte qu’ils pensent que lorsqu’ils traitent avec un courtier, ils recevront plusieurs soumissions. Ils sont étonnés quand ils n’en ont qu’une seule. En assurance, on connait cette réalité que certains courtiers magasinent auprès d’un seul assureur. Les consommateurs ne la connaissent toutefois pas », dit-elle.

Mme Michaud rappelle qu’il est obligatoire pour les agents œuvrant pour un assureur direct de divulguer qu’ils offrent exclusivement les produits que d’une compagnie. C’est d’ailleurs le cas pour les employés du cabinet de CAA-Québec, qui n’offre que les produits de Prysm, une filiale d’iA Auto et habitation. « Nous sommes les plus transparents ! Et c’est sain de le divulguer ! Tout est plus clair ainsi », dit-elle.

Mme Michaud dit toutefois croire qu’il y a encore des courtiers qui font des démarches auprès de plusieurs assureurs pour obtenir la meilleure protection pour leur client. « On sait toutefois que plusieurs courtiers n’ont que deux choix. Un assureur auprès de qui ils concentrent jusqu’à 90 % de leurs affaires et un autre pour les cas de sous-standard s’il ne peut être placé chez l’assureur primaire. La notion de magasinage n’est pas la même que celle dont le consommateur s’attend. »

Pour régler le problème, CAA-Québec propose que les courtiers qui concentrent dévoilent d’emblée quelle proportion de leur volume est placée chez un assureur, mais aussi de donner la liste des assureurs auprès de qui le courtier magasinera. « On entend aussi de nos clients se faire dire par un courtier qu’ils ont accès à tous les assureurs. Ce n’est pas vrai qu’ils ont accès à Desjardins ou à La Capitale. Pourtant, plusieurs personnes ont cette perception », dit-elle.

Un titre à définir

Quel titre donner aux courtiers qui concentre ? CAA-Québec ne croit pas que les autorités règlementaires permettraient à ceux-ci de porter un double titre. Mme Michaud souligne aussi que les courtiers ont un profond attachement au titre de courtier. Tenant compte de cela, CAA-Québec a proposé l’instauration de trois titres, qui préserverait le statut d’entrepreneurs des courtiers en situation de concentration.

La première catégorie serait celle des agents d’assurance employés par un assureur ou un cabinet d’assurance et vendant exclusivement les produits d’un seul assureur.

La seconde est celle des agents d’assurance ayant le statut de travailleur autonome ou constitué en entreprise et vendant exclusivement les produits d’assurance d’un seul assureur. Les agents affiliés autonomes et les courtiers concentrés se trouveraient dans cette catégorie qui resterait à nommer. CAA-Québec a avancé le terme d’agent général, puisqu’il existe en assurance vie, mais tout en étant conscient que ceux-ci n’exercent pas les mêmes fonctions.

Vient finalement celle des courtiers d’assurance ayant le statut de travailleur autonome ou constitué en entreprise et vendant les produits de plusieurs compagnies d’assurance.

Invitation à revoir à la hausse le commissionnement de base des courtiers

Pour CAA-Québec, certains courtiers se placent en situation de conflit d’intérêts parce que des assureurs par courtage leur offrent des incitatifs financiers lorsqu’ils placent une grande proportion de leur volume d’affaires chez eux, limitant ainsi leur capacité à vraiment magasiner pour leurs clients. Et l’organisme cite en premier lieu la commission de contingence, versée par l’assureur au courtier à la fin de l’année et qui correspond à une participation à ses profits.

« C’est devenu au fil des ans un incitatif à placer un très gros volume chez un assureur en particulier. Le courtier en perd son indépendance à notre avis », dit Mme Michaud.

Elle propose toutefois une solution pour éviter ce conflit d’intérêts : abolir la commission de contingence. En contrepartie, les assureurs à courtage devraient hausser leur commission de base en assurance auto, qui est de 12,5 %, et en assurance habitation, qui est de 20 %.

« Les primes ont peu évolué au cours des dernières années. Leurs commissions sont demeurées les mêmes alors que le cout de la vie augmente. Il y aurait lieu pour les courtiers qu’elle soit revue. Ça contribuerait à garantir l’indépendance des courtiers. Y aurait-il toutefois un assureur qui aura le courage de hausser la commission versée aux courtiers en premier ? »

4 soumissions à présenter

Autre proposition de CAA-Québec : les courtiers indépendants devraient présenter quatre soumissions à leurs clients. L’organisme n’est pas le premier à faire cette proposition. L’assureur Aviva Canada a aussi fait de même dans son mémoire déposé au ministère des Finances du Québec.

Mme Michaud dit que son organisation en est venue à cette conclusion en questionnant les membres qui appellent chez eux pour obtenir une soumission. CAA-Québec évalue que les gens de 25 ans et plus magasinent auprès de trois assureurs, tandis que ceux âgés de 16 à 25 ans magasinent auprès de quatre assureurs. « Même si le nombre d’assureurs à courtage a diminué au cours des dernières années, on croit que le courtier indépendant peut présenter quatre soumissions à son client. »