Le projet de règlement concernant la traçabilité obligatoire pourrait être « tombé à l’eau » et pourrait être complètement réécrit.

Celui-ci avait été annoncé par le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques en avril 2019 et était censé être mis en place en aout dernier. Il faisait en sorte que les consultants en environnement devront se munir d’un système de traçabilité électronique avec GPS lorsque le projet sera mis en place.

Cette règlementation a pour but d’empêcher des entreprises d’aller disposer de sols contaminés excavés dans la nature. Le quotidien La Presse avait sonné l’alerte en 2017 en affirmant que des entreprises associées au crime organisé étaient payées pour faire disparaitre des sols.

Des associations et consultants en environnements avec qui les assureurs font affaire ont toutefois envoyé des critiques et recommandations au ministère après la publication du projet de règlement, ont indiqué des experts interrogés au Portail de l’assurance, pour réaliser ce dossier. Ainsi, un an plus tard, aucun règlement n’a été mis en place.

Encore plusieurs mois d’attente

Pierre Lupien, est chargé de cours en environnement à l’Université de Sherbrooke. Il a aussi été jusqu’à tout récemment directeur général de de l’Association québécoise de vérification environnementale (AQVE), un organisme qui regroupe des intervenants et des praticiens dans le domaine de vérification et de l’évaluation environnementale, en plus de régir un agrément que ses membres doivent obtenir.

La règlementation aura du bon, dit M. Lupien. Il dit croire que les techniciens qui utiliseront le système seront ainsi formés et certifiés. « C’est lui qui va signer le manifeste. C’est lui qui va faire en sorte que le système sera utilisé. C’est lui qui sera responsable de tout ça », précise-t-il.

Il sera possible de faire affaire avec quelqu’un qui n’a pas les permis du ministère et qui n’utilise pas un système de traçabilité. Avec un gros bémol, précise toutefois Jean-François Séguin président de la firme d’ingénierie Geninovaiton.

« Ce ne sont pas ceux et celles qui vont se conformer et adopter un système comme Traces Québec qui sont le problème, ce sont ceux qui ne vont pas se conformer à la règle encore une fois », renchérit Jean-François Séguin président de la firme d’ingénierie Geninovaiton.

Un appel d’offres s’en vient

Ghislain Vallée, directeur général de Traces Québec, affirme de son côté que le gouvernement devrait aller en appel d’offres dans les prochains mois pour choisir un système de traçabilité qui sera utilisé pour suivre le déplacement des sols.

« L’objectif est qu’il n’y ait qu’un seul système de traçabilité obligatoire pour l’ensemble du Québec », indique de son côté Ghislain Vallée. D’après lui, les entreprises devront utiliser de manière uniforme le système qui sera choisi par le gouvernement.

Certaines entreprises, comme Enviro Urgence, utilisent déjà un système de traçabilité électronique. Pourront-ils l’utiliser si Traces Québec est retenu par le gouvernement en appel d’offres ? Laurent Blais, président de l’entreprise, se questionne à ce propos.

« Cela dépendra des directives qui seront données par les instances, mais le système de traçabilité que nous utilisons depuis déjà plusieurs années est efficace. En plus, nous exigeons des sites de disposition des preuves et certificats de réception ou de traitement des sols ou des MDR afin de garantir la conformité de nos partenaires », indique-t-il.

Or, il n’est pas seul à se questionner quant au règlement. Éric Pinard, directeur, assurance qualité, et expert technique chez Laforge Environnement affirme que les modalités autour de l’implantation de ce système restent à définir. « Ce qui est certain, c’est que ça va être obligatoire pour tous. À quel moment par contre ? Est-ce que le règlement va sortir et le gouvernement va donner un an après la mise en ligne du système ? C’est complètement flou, on n’a aucune idée », dit Éric Pinard.

Un tout autre règlement

De telles recommandations font en sorte que l’application du règlement, qui était prévue pour le mois d’aout dernier, a été repoussée. « Ils vont modifier le règlement. Comment qu’ils vont le modifier ? On ne le sait pas encore. On a eu le projet de règlement, on a fait des mémoires, et on attend que la nouvelle version sorte », explique Pierre Lupien.

M. Pinard affirme avoir parlé avec le responsable de la rédaction du règlement. Il affirme que les délibérations et les consultations qui ont été tenues ont fait en sorte que celui-ci « est tombé à l’eau ».

« Tout est sur pause actuellement, dit l’expert technique. Ce qui va être adopté ou pas n’est pas clair actuellement. On ne sait pas non plus à quel point le règlement va être modifié. Ils pourraient même en écrire un nouveau. »

« Malheureusement, avec la crise de la COVID-19 que nous vivons actuellement, on ne sait pas quand il va sortir », ajoute M. Lupien. Il explique que le projet, selon lui, a beaucoup de chance d’être déposé à la fin de l’année ou au début de 2021.

L’avenir autour de la règlementation sur la traçabilité des sols contaminés demeure toutefois incertain, dit-il.

Impact chez les assureurs ?

Marie-Josée Bhérer, présidente de Laforge Environnement, a indiqué au Portail de l’assurance qu’elle utilisait présentement son propre système de traçabilité des sols contaminés, mais qu’il n’utilisait pas de traçabilité GPS comme Traces Québec le fait. Le tout, selon elle, n’est pas assez rapide pour répondre aux urgences comme le demandent fréquemment les assureurs.

« Pour initier une demande et utiliser le système Traces Québec, ça demandait un délai associé à l’enregistrement et à l’obtention en urgence, parce qu’on travaille souvent en urgence. Dans l’écosystème de l’assurance, ce sont des évènements soudains. Ainsi, lorsqu’on travaille sur des rejets accidentels, par exemple, et qu’il faut et pour opérer le système, le délai est trop long avant que nous puissions transporter des sols », explique Mme Bhérer.

Laforge utilise donc toujours son système de manifeste. Elle documente les va-et-vient des camions, en entrant à la main toutes les informations comme le numéro de plaque et le numéro de confirmation d’arrivée des sols auprès des sites autorisés. Pour le moment, « la technologie n’est pas suffisamment rapide dans ce domaine-là », dit-elle.