Les institutions financières multiplient leurs offres de services pour plaire au plus grand nombre de consommateurs. Or, « trop de choix est une entrave à la satisfaction du consommateur, une source d’angoisse, et est néfaste à la fois pour le bienêtre et pour le portemonnaie », dit le professeur à l’université de Waterloo, Mark Webber citant le psychologue Barry Schwartz au panel sur la satisfaction du consommateur lors du plus récent Rendez-vous avec l’Autorité des marchés financiers.

« Les consommateurs ont une part de responsabilité dans leur satisfaction, tout comme l’industrie et le régulateur aussi », dit d’entrée de jeu la présidente du comité consultatif des consommateurs de produits et utilisateurs de services financiers de l’Autorité, Brigitte Boutin.

Des problèmes d’informations

Pour le directeur principal des opérations d’encadrement et de la distribution de l’Autorité, Antoine Bédard, une des problématiques majeures provient du fait que « les gens font des recherches en amont auprès de Docteur Google et tentent de régler leurs problèmes par eux-mêmes. Ils vont ensuite chez un intervenant en services financiers pour valider leur information », dit-il. C’est à ce moment que les embuches surviennent parce que l’information n’est pas toujours la même ou la mieux adaptée à la situation du client, soutient-il.

« En cette ère informatique, le consommateur se retrouve souvent laissé à lui-même. L’information est abondante et complexe. Le consommateur est perdu. On lui envoie des documents à remplir à la maison, par courriel, et la personne avec qui il traite au téléphone n’est jamais la même. Il n’y a pas forcément de lien qui se crée, les renseignements ne sont pas les mêmes, et l’information n’est pas aussi précise. Pour éviter les délais administratifs, le client complète quand même les documents du mieux qu’il peut, sans assistance, mais ça, c’est dangereux », avertit Brigitte Boutin. Le client se trouve à signer des documents qu’il ne comprend pas, ajoute-t-elle.

Il y a aussi une problématique au niveau de la cristallisation de l’entente, souligne M. Bédard. « Il y a un écart dans l’interprétation de l’information, ce qui fait en sorte que tout ce qui n’aura pas été adressé de façon claire dès le départ, notamment en ce qui concerne les attentes signifiées, va amener les situations les plus difficiles à résoudre pour nous, lorsqu’on assiste le consommateur. »

Et comme le consommateur, devant son conseiller, « a toujours peur d’avoir l’air imbécile, il n’est pas porté à poser des questions », dit Mme Boutin. Le point de départ d’une solution pour favoriser la satisfaction du consommateur serait, en fait, de former le consommateur à poser des questions, à ne pas signer des documents qu’il ne comprend pas, pense-t-elle.

« C’est important de bâtir la littératie financière des gens. L’Autorité a une part de responsabilité là-dedans en tant que leadeur, mais je pense aussi que l’ensemble des intervenants ont dans leur intérêt à mieux préparer ce genre de situation », ajoute M. Bédard.

« Les intervenants doivent adapter leurs explications à la compréhension du consommateur », ajoute M. Webber.

Relation humaine avant tout

À l’Autorité, Mme Boutin observe que les gens se plaignent souvent du contexte situationnel qui leur renvoie l’impression d’être un numéro. « Ils se plaignent de la personne avec qui ils faisaient affaire, qu’elle ne comprenait pas leur situation, ne s’est pas adaptée à leur situation, mais aussi qu’ils n’avaient pas confiance en cette personne-là. Elle n’a pas pris le temps », dit la présidente du comité consultatif des consommateurs de produits et utilisateurs de services financiers.

« C’est important de bâtir une relation de confiance avec le consommateur et le consommateur s’attend à ça. Il ne s’attend pas forcément à avoir des rendements faramineux, mais au moins d’avoir un intervenant qui comprend qui il est », a-t-elle ajouté.

Pour M. Bédard la relation humaine doit être au cœur des activités. « On parle beaucoup de produits et de services, mais ça ne reste foncièrement une industrie de personnes », dit-il.

« Par souci de rentabilité, l’industrie ne prend pas assez le temps. Et, à la longue, quand on ne prend pas le temps, on en perd énormément à négocier avec le client insatisfait. C’est très demandant pour les ressources. Alors on doit bâtir là-dessus : prendre le temps pour satisfaire le client dans ses besoins dès le départ. On va en sauver énormément », dit Brigitte Boutin.

« On a des situations où le client est dans une position vulnérable, laissé à lui-même et je pense que l’industrie devrait prendre le temps d’investir et d’y travailler », a-t-elle poursuivi.

Du temps et de l’écoute

« La satisfaction du consommateur ne passe pas toujours par le fait qu’on lui donne raison, mais bien parce qu’on a pris le temps de discuter, d’analyser sa demande, de faire les démarches pour tenter de régler son problème. Ce n’est pas une logique de confrontation, mais bien de discussion et de compréhension », dit Antoine Bédard.

Il faut une souplesse dans la manière et la multiplication des canaux mis à la disposition des gens pour qu’ils puissent porter plainte sans être intimidé de confronter leur intervenant et pour qu’ils puissent avoir accès à de l’aide ou à une médiation. Il y a aussi le processus informel qui est centré sur la relation et sur les besoins du consommateur qui vit une situation difficile.

Pour Brigitte Boutin les solutions à la satisfaction du consommateur passent par le fait de ne pas avoir à faire répéter sans cesse son histoire. « Cela le décourage et lui envoie comme message que les services sont inaccessibles. On mise souvent sur la compétence des gens, mais on devrait miser sur l’empathie. Avoir quelqu’un de bête au téléphone n’aide pas la résolution de conflit. L’importance de l’écoute et de la règle des 11 secondes sans être interrompu », conclut-elle.