Canadian ETF Flows de Banque Nationale Marchés financiers (BNMF) résume bien l’année 2023 sur les marchés financiers. « Les investisseurs ont finalement eu l’occasion de reprendre leur souffle malgré une volatilité élevée, une augmentation des taux d’intérêt et une inflation tenace », énumère le bulletin mensuel consacré à l’évolution des actifs des fonds négociés en bourse (FNB), dans son édition du 3 janvier 2024. 

BNMF relate qu’après une année 2022 marquée par des baisses historiques dans les marchés des actions et des obligations, 2023 a vu les actions mondiales se redresser et approcher des sommets. Les FNB ont reflété ces tendances, selon Canadian ETF Flows. Par exemple, la baisse des marchés a entraîné en 2022 celle des actifs des FNB pour la première fois en 20 ans. 

La reprise a suivi en 2023. « Combinée à des entrées de fonds de 38,4 milliards de dollars (G$), une reprise rapide en fin d’année 2023, tant pour les actions que pour les obligations, a porté les actifs des FNB à un nouveau sommet historique de 383 G$ », peut-on lire. 

Aussi baromètres du marché des actions et des titres à revenu fixe, les régimes de retraite à prestations déterminées terminent l’année 2023 en meilleure posture qu’ils ne l’étaient à son début.

L’outil Pension Risk Tracker d’Aon révèle que le ratio de capitalisation global des régimes canadiens associés à l’indice composé S&P/TSX a augmenté à 101,8 % au 31 décembre 2023, par rapport à 100,7 % au 31 décembre 2022.

Du côté de Mercer, le degré de solvabilité médian des régimes qui figurent à sa base de données est passé à 116 % à la fin de 2023, comparativement à 113 % au début de l’année. 

Risques et intelligence artificielle 

Jason Malone

« Les régimes de retraite ont été volatils au cours de la dernière année », a déclaré pour sa part Jason Malone, associé principal, solutions pour le patrimoine, de Aon. M. Malone estime que la plupart des régimes au Canada ont terminé l’année en assez bon état pour pouvoir continuer de planifier des activités de réduction du risque. « Y compris l’achat de rentes et des stratégies de mise en veilleuse comme l’investissement guidé par le passif et l’utilisation judicieuse d’actifs de croissance diversifiés », ajoute-t-il. 

Mercer souligne pour sa part que les récentes améliorations des degrés de solvabilité des régimes de retraite à prestations déterminées (PD) canadiens arrivent après de nombreuses années de faibles taux d’intérêt.

F. Hubert Tremblay

« Les participants des régimes de retraite PD canadiens et leurs promoteurs auront à cœur de maintenir des degrés de solvabilité supérieurs à 100 % », pense F. Hubert Tremblay, membre du partenariat, Mercer Canada

« Ces régimes doivent continuer à faire preuve de vigilance dans leur gestion financière grâce à de bons processus de gouvernance et de gestion des risques. En 2024, l’intelligence artificielle sera à considérer dans la gestion des risques des régimes de retraite », prévoit M. Tremblay. 

Acteurs géopolitiques malveillants 

Les préoccupations changeront en 2024, selon un sondage réalisé entre octobre et novembre 2023 par Natixis Investment Managers, auprès de 500 investisseurs institutionnels répartis dans 27 pays.

La croissance durable, les taux d’intérêt et l’inflation céderont le pas au risque géopolitique, révèle le rapport Brave New World: Geopolitical and economic uncertainty clouds 2024 outlook for institutional investors, de Natixis. Les participants au sondage dont traite ce rapport sont 49 % à classer le risque géopolitique parmi les principaux risques macroéconomiques de 2024. 

Selon le sentiment des investisseurs sondés, ce risque résidera dans « les acteurs géopolitiques malveillants qui, par une seule action, peuvent bouleverser les hypothèses économiques et de marché à l’échelle mondiale ». Natixis évoque entre autres facteurs l’attaque terroriste du Hamas contre Israël, la guerre en Ukraine qui s’enlise et les tractations de la Russie avec l’Iran et la Corée du Nord pour obtenir de l’assistance militaire. 

Augmenter les taux : une erreur ? 

Deux autres risques jugés comme principaux apparaissent sur le radar des investisseurs, selon le sondage Natixis : celui d’un ralentissement des dépenses des consommateurs (pour 48 % des investisseurs) et celui d’une erreur de jugement de la banque centrale dans sa politique monétaire (pour 42 % des investisseurs). 

David Alexandre Brassard

Lorsque la Banque du Canada (BdC) a annoncé le 6 décembre dernier qu’elle maintenait son taux directeur (taux cible du financement à un jour) à 5 %, son gouverneur, Tiff Macklem, a dit qu’il ne fermait pas la porte à une hausse des taux d’intérêt au besoin.

Un commentaire qui a créé un fossé avec des économistes. Parmi eux, l’économiste en chef de l’Ordre des Comptables professionnels agréés (CPA), David-Alexandre Brassard, a réagi au commentaire de Tiff Macklem dans une mise à jour économique. « J’ai été surpris que la Banque du Canada demeure prête à augmenter davantage les taux d’intérêt. Il y a peu ou pas de signes que l’économie canadienne en a besoin. Si quoi que ce soit, la plupart des économistes prévoient désormais des baisses de taux », écrit-il. 

Dans son aperçu macroéconomique mondial pour 2024, Placements Mackenzie écrit que la Banque du Canada a probablement fini de rehausser son taux directeur « pour ce cycle ». Le gestionnaire de fonds s’appuie sur le fait que les hausses de taux cumulées commencent à produire leur effet dans l’économie canadienne.

« Si l’inflation est désormais bien inférieure à son niveau le plus élevé, elle reste supérieure à l’objectif de la BdC », ajoute Placements Mackenzie dans son aperçu. Les taux d’intérêt semblent toutefois « suffisamment élevés pour freiner les secteurs de l’économie canadienne les plus sensibles aux taux d’intérêt, comme l’immobilier », estime le gestionnaire. 

Coût du logement 

Quant à la porte laissée ouverte à une hausse du taux directeur, David-Alexandre Brassard reconnaît qu’il est pertinent de la part de la Banque du Canada de considérer les coûts du logement comme moteur de l’inflation. L’économiste en chef de l’ordre des CPA s’interroge toutefois sur le mutisme de la Banque quant aux « impacts contre-productifs » des taux d’intérêt élevés sur cette composante de l’inflation. 

Selon les données de la Banque du Canada, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) global s’est maintenue à 3,1 % en novembre 2023, soit le même niveau qu’en octobre. En septembre, l’inflation mesurée par l’IPC global trônait à 3,8 %, loin du sommet de 8,1 % atteint en juin 2022. 

Le taux directeur de la banque centrale canadienne demeure à 5 % depuis le 13 juillet 2023. La hausse de juillet était la 10e depuis que la Banque du Canada a amorcé son resserrement le 3 mars 2022. Elle avait alors augmenté le taux directeur de 0,25 % à 0,50 %. Le taux directeur stagnait au plancher de 0,25 % depuis le 27 mars 2020. 

Encore la techno en 2024 

Selon les réponses au sondage de Natixis, plusieurs investisseurs institutionnels croient que le secteur des technologies de l’information demeurera un moteur de croissance sur les places boursières. Plus de la moitié (52 %) des investisseurs sondés prévoient que ce secteur surperformera par rapport à la moyenne des secteurs en 2024. 

Leurs inquiétudes envers une éventuelle récession et les taux d’intérêt élevés teintent davantage leurs appels à investir (calls) dans d’autres secteurs en 2024. Par exemple, seuls 17 % croient que le secteur des dépenses discrétionnaires des consommateurs (biens et services non essentiels) surperformera par rapport à la moyenne. 

Récessions tournantes 

Philip Petursson

Dans Perspectives des marchés 2024, IG Gestion de patrimoine conseille aux investisseurs de suivre les fluctuations sectorielles pour voir comment les marchés peuvent s’autocorriger et continuer d’avancer. 

« En ce moment dans le monde entier, y compris au Canada, on observe des récessions tournantes, c’est-à-dire des situations dans lesquelles certains secteurs prospèrent pendant que d’autres sont malmenés. Malgré cette incertitude sectorielle, les fondamentaux nous permettent de croire que nous nous acheminons vers une reprise économique mondiale plutôt que vers une récession », a déclaré Philip Petursson, stratège en chef des placements à IG Gestion de patrimoine.  

Dans Perspectives des marchés 2024, IG soulève que certains secteurs, comme l’industrie manufacturière et le commerce mondial, atteignent un creux, mais devraient se redresser en 2024. Ces récessions tournantes témoignent de la résilience d’une économie.

Durant ces phases économiques, une stratégie de placement à long terme rigoureusement suivie favorise une croissance durable. De plus, les risques de récession aux États-Unis en 2024 ont diminué et une reprise semble plus probable.

L’économie canadienne semble davantage à risque de récession, étant donné que les hausses de taux d’intérêt ont habituellement une incidence plus immédiate sur la consommation. En revanche, comme le marché boursier canadien est davantage tourné vers le monde, le TSX (indice S&P/TSX) devrait profiter d’une reprise économique mondiale.