Professeur de finance à la Schulich School of Business de l’Université York. Moshe A. Milevsky a un faible pour les rentes différées. Selon lui, cette stratégie permet de maximiser les revenus de retraite. Il le démontre dans une étude de cas d’un nouveau retraité qui a le choix entre retirer dès maintenant sa rente d’un régime à prestation déterminée… ou d’attendre un certain nombre d’années.
Encore faut-il avoir les moyens d’attendre. Dans un récent webinaire intitulé A Fundamental Question of Retirement Income Planning, le professeur étudie le cas hypothétique d’une personne qui les a. Elle est admissible dès l’âge de 60 ans à une rente annuelle de 60 000 $, et détient un portefeuille de 1 million de dollars (M$), réparti dans des placements relativement sécuritaires (avec projection de rendement annuel de 4 %).
Elle peut choisir de toucher les versements de rente dès maintenant ou de les différer. Chaque année différée fait croître la rente de 7 %. La personne a un troisième choix : son régime lui offre un montant forfaitaire de 885 000 $ qu’elle peut encaisser au lieu de recevoir sa rente.
« Que recommanderiez-vous ? », lance Moshe Milevsky en posant l’hypothèse que cette personne de 60 ans voudra avoir le plus haut niveau de vie possible pendant les 35 prochaines années. L’étude de cas qui vise surtout à démontrer l’effet du délai sur la valeur de la rente ne tient compte que du niveau de vie recherché et non des sommes que la personne pourrait vouloir laisser en héritage, par exemple.
Stratégie optimale
Dans cette étude de cas, la personne pourrait choisir de recevoir sa rente de 60 000 $ par an maintenant. Elle pourrait aussi décider de différer le service de sa rente pendant 5 ans et ainsi toucher une rente de 85 000 $ à partir de 65 ans.
Si elle choisit d’encaisser le montant forfaitaire de 885 000 $ et de l’investir avec son portefeuille de 1 M$ (total : 1,85 M$) à un rendement annuel de 4 %, la personne peut espérer un revenu annuel de 100 000 $ pour les 35 prochaines années.
Or, vous pouvez faire mieux, croit M. Milevsky : différer la rente de 60 000 $ pendant 10 ans. Elle pourra ainsi produire un revenu annuel de 121 000 $ par an à partir de 70 ans, selon ses projections. Ce sera au prix d’épuiser complètement son portefeuille de 1 M$ au terme de ces 10 années d’attente, après en avoir retiré chaque année 121 000 $ pour obtenir le même niveau de vie que celui que produira la rente à partir de 70 ans. « C’est la stratégie optimale », tranche le professeur de finance de l’Université York.
Des fonds de longévité
Des fournisseurs de fonds de revenu se sont aussi penchés sur le risque de longévité, soit celui de survivre à ses épargnes. Parmi eux, Guardian Capital offre des produits de revenu en version fonds communs ou en version fonds négocié en bourse (FNB). Moshe Milevsky a aidé à structurer les solutions de longévité ParcoursGardé, à titre de chef de la conception des régimes de retraite en collaboration avec Guardian Capital.
Par exemple, le fonds Décaissement géré ParcoursGardé cible des rentrées de fonds de 8 % annuellement. Guardian Capital explique que ce fonds cherche à générer des rentrées de fonds stables pendant 20 ans « au moyen de techniques de gestion du risque sophistiquées visant à prolonger la durée de vie du portefeuille ». Selon la calculatrice de Guardian Capital, un placement de 500 000 $ produira une distribution annuelle de 40 000 $ pendant 20 ans, soit des distributions cumulatives de 800 000 $.
Pour sa part, le fonds Tontine moderne ParcoursGardé est conçu pour offrir un paiement forfaitaire important aux porteurs de parts survivants après 20 ans, en fonction de la croissance composée et de la mise en commun de ce que le manufacturier appelle les crédits de survie. Selon la calculatrice de Guardian, un investissement de 200 000 $ pour lequel on présume un rendement de 6 % produirait un montant forfaitaire d’un peu plus de 913 000 à chacun des porteurs de parts survivants.
Nouveau joueur sur le marché des FNB, Evermore Capital a créé une série de fonds à date cible pour rendre plus accessibles aux investisseurs individuels ces produits habituellement réservés aux régimes de retraite, a expliqué dans une dépêche Myron Genyk, cofondateur et président-directeur général de Evermore Capital. Les actifs d’un fonds à date cible sont automatiquement rééquilibrés à mesure qu’approche la date ciblée.
Vétéran de Bay Street depuis 15 ans, M. Genyk dit avoir créé les FNB Evermore Retirement pour « rendre l’investissement en vue de la retraite accessible à tous les Canadiens à un faible coût ». Ces FNB sont offerts à des frais de 0,35 %. « Les Canadiens sont confrontés à des défis de plus en plus importants à l’approche de leur retraite, dans un contexte de récession imminente », dit le PDG d’Evermore. Il affirme être le premier à apporter cette solution globale dans ce domaine. De type équilibré, les fonds FNB Evermore Retirement ont été constitués le 11 février 2022, selon le site Sedar.com.
Rentes pour bébé !
Les rentes ne s’adressent pas qu’aux clients les plus âgés. Les tableaux comparatifs du centre de veille concurrentielle sur les produits AssuranceINTEL, compagnie sœur du Portail de l’assurance, le démontrent avec éloquence. Plusieurs assureurs offrent des rentes qui peuvent être souscrites dès l’âge de 16 ans ou de 18 ans. D’autres vont jusqu’à les offrir dès la naissance (âge 0), dont Canada Vie, iA Groupe financier, Sun Life et Wawanesa Vie.
Elles peuvent être viagères : les paiements de la rente ne prennent fin qu’au décès du rentier. Elles peuvent être certaine : les paiements durent pendant une période déterminée. Elles peuvent aussi être réversibles : les paiements se poursuivent en faveur du conjoint, selon une proportion du montant initial choisie au départ. Certains assureurs offrent toutes ces options, dont Assurance vie Équitable.
Avant le décaissement
Souvent perçue comme un produit de décaissement, la rente peut aussi prendre l’apparence d’un produit d’accumulation, sous forme de dépôt à terme ou de fonds distincts, par exemple. Il s’agit alors d’une rente différée. Qu’elles soient immédiatement constituées ou différées, les rentes peuvent être ou non enregistrées, sous forme de REER ou de fonds de revenus de retraite (FERR).
Un des produits vedettes de la période des REER, les fonds distincts offrent au minimum une garantie de 75 % des sommes accumulées à l’échéance du contrat de fonds distinct ou en cas de décès de son titulaire. La majorité des assureurs offrent une protection de 100 % en cas de décès, et plusieurs offrent une protection de 100 % à l’échéance et au décès. Les assureurs rendent ce produit accessible aux plus jeunes en permettant de commencer à investir dans un fonds distinct avec un programme de dépôt préautorisé de 50 $ par mois, voire 25 $ chez certains assureurs, dont Canada Vie.
Les rentes enregistrées ne sont pas imposables durant la période différée. Elles le sont lorsque débutent les paiements. L’imposition d’une rente en phase de versement différera selon qu’elle soit ou non prescrite. Durant la période de versement, les paiements d’une rente prescrite sont considérés comme étant une combinaison uniforme d’intérêt et de capital. L’impôt prélevé sera donc fixe à chaque paiement de rente.
Le revenu d’une rente non prescrite sera quant à lui imposé annuellement sur l’intérêt gagné. Les montants imposables sont généralement plus élevés dans les premières années et diminuent par la suite.
Cet article est un Complément au magazine de l'édition d'octobre 2022 du Journal de l'assurance.