Selon René Beaudry, les fournisseurs de régimes collectifs doivent aider les plus salariés à prendre l’habitude de l’épargne. « Il faut dissocier l’épargne de la retraite et mettre l’accent sur l’épargne au sens large », dit-il.

M. Beaudry, cofondateur de Normandin Beaudry, était l’un des trois experts à un débat sur « l’autoroute de l’épargne », tenu le 5 novembre dernier dans le cadre du colloque sur la retraite. La 7e édition de cet évènement qui se déroulait à Québec était organisée par le Cercle finance du Québec et les CFA Québec.

 « L’autoroute de l’épargne » est une marque déposée de son cabinet qui inclut le mot « retraite », ici rayé. La réflexion au sein de l’organisation a été lancée lorsqu’il a fallu revoir le régime à prestations déterminées offert aux salariés.

La capacité d’épargner évolue selon les étapes de la vie. Les jeunes couples qui achètent une première résidence dans la région métropolitaine doivent souvent emprunter de 300 000 $ à 400 000 $. « Si en même temps, on leur dit de mettre 14 % de leur salaire de côté pour la retraite, ça se peut que le message passe mal », ajoute-t-il.

René Beaudry s’inspire de la pensée de Malcolm Hamilton, un vétéran de l’industrie chez Mercer. Ce dernier a publié un papier à l’Institut C.D. Howe intitulé Les Canadiens attendent-ils trop pour épargner ?. Selon M. Hamilton, cette théorie est exagérée, basée sur des présomptions erronées et des chiffres discutables, en plus de nier la diversité des besoins individuels à la retraite. M. Hamilton suggère plutôt d’augmenter la part du salaire voué à l’épargne à un plus stade avancé de la carrière.

Une marque d’employeur

René Beaudry suggère aux preneurs de régimes de créer une empreinte émotive forte afin de positionner l’employeur de manière distincte par rapport à la concurrence. « On veut encourager les employés à épargner et on doit valoriser cette épargne dans le contexte global de la rémunération », explique M. Beaudry.

Pour y arriver, l’employeur doit innover dans les méthodes proposées lors du dépôt de l’épargne et lors du retrait. Selon lui, il faut soutenir l’employé peu importe la nature de son projet d’épargne. « Aujourd’hui, quand on embauche quelqu’un, on sait que le contrat ne durera pas 30 ans », dit-il.

Le système offert aux employés doit prévoir l’optimisation du régime fiscal, par exemple en intégrant un CÉLI collectif comme option de cotisation des employés, alors que la contribution de l’employeur peut être déposée dans un autre véhicule. Les dispositions du régime doivent être flexibles afin de permettre au participant le choix du véhicule d’épargne le plus approprié pour lui.

Le nerf de la guerre dans ce contexte est la communication axée sur la flexibilité, la facilité et l’habitude du régime d’épargne. « Les gens sont très intelligents, mais ils veulent quand même qu’on leur suggère comment faire pour épargner, alors il faut leur offrir les bons véhicules de placement », note M. Beaudry.

Le célibataire de 25 ans ne pense pas à la retraite, mais plutôt à ses projets personnels. En développant cette habitude de l’épargne, il apprend à vivre avec une partie de son salaire net. Ainsi, en reportant la contribution à l’épargne pour la retraite à la période 45-64 ans, années où le salaire augmente, le salarié s’est habitué à vivre avec un revenu disponible un peu plus bas. Ainsi, le passage à la retraite sera moins pénible, estime René Beaudry.

REÉR ou CÉLI ?

Au Québec, l’employeur est désormais tenu d’offrir un régime volontaire d’épargne retraite (RVER), sauf s’il existe déjà un régime collectif de retraite, un REÉR collectif ou un CÉLI collectif. Il y a déjà 275 milliards de dollars (G$) qui ont été investis dans les comptes d’épargne libre d’impôts (CÉLI).

Chiffres à l’appui, on peut montrer que le rendement offert par le CÉLI est le même que celui du REÉR. Le CÉLI offre plus de flexibilité à l’épargnant, ajoute M. Beaudry. Comme on lui pose souvent la question : « REÉR ou CÉLI ? », il a conçu un tableau qui résume le sujet sur une seule page.

Si le taux marginal d’imposition au moment du dépôt de l’épargne est inférieur au taux qui sera applicable lors du retrait, ce qui est le cas lorsqu’on commence sa vie professionnelle, René Beaudry suggère d’utiliser le CÉLI. Si on approche de plus en plus de la retraite et que l’on prévoit retirer ses épargnes sur une période de 30 ans, il est fort probable que le taux marginal d’imposition à la sortie de fonds sera plus bas qu’au moment du dépôt. En conséquence, il recommande alors l’utilisation du REÉR, si on ne base la réponse que sur les considérations fiscales.

L’exemple de la Saskatchewan

Lors des échanges, René Beaudry raconte un récent voyage fait en Saskatchewan. Au Canada, les 25 plus gros régimes à cotisations déterminées (RCD) gèrent des actifs d’environ 33 G$, et la moitié d’entre eux sont dans cette province de 1,2 million d’habitants. Les deux plus gros RCD du pays s’y trouvent aussi.

Le régime des employés de la fonction publique provinciale, créé en 1970, gère un actif de 10 G$. À Régina, il a rencontré le dirigeant responsable. Le régime emploie une vingtaine de personnes au total, dont trois conseillers certifiés, pour 45 000 participants. « Ils travaillent, ces gens-là ! », lance-t-il, soulevant des rires dans l’assistance. « Ils sont heureux, les gens leur font confiance, ils savent qu’ils changent la vie de leurs membres », ajoute M. Beaudry.

Le lendemain, René Beaudry a visité un autre gestionnaire de régime à Saskatoon, fondé en 1949 et qui regroupe tous les employés du mouvement coopératif de la province et de l’Alberta. Là aussi, les conseillers financiers font la différence. « L’épargne, ça marche quand on nous l’explique », dit-il.

À l’Université Laval et à l’UQAM, on a créé des régimes à cotisations déterminées ou variables pour les chargés de cours, et M. Beaudry s’attend à ce que les institutions financières collaborent avec les employeurs pour développer des solutions de gestion innovantes.