Une semaine après avoir déposé un mémoire à propos du projet de loi 68 visant à réduire la charge administrative des médecins, l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP) a fait connaître, en commission parlementaire le 19 septembre, ses vues à propos d’une nouvelle législation, le projet de loi 67 (PL 67).
Accueilli avec satisfaction par les ordres professionnels en santé, le PL 67 devrait avoir une foule de retombées positives pour les patients en améliorant les soins de santé, mais aussi des impacts concrets pour les assureurs, notamment en matière de médicaments.
En vertu des changements à venir, les « évaluations » faites à ce jour par de nombreux professionnels de la santé deviendront de véritables diagnostics, un acte qui fut très longtemps réservé aux médecins seulement. Cette avancée permettra notamment aux psychologues, aux infirmières, aux sexologues et même aux conseillers d’orientation de poser des diagnostics pour certains troubles mentaux, une mesure à laquelle souscrit l’ACCAP.
« C’est au preneur de régime, qu’il soit un employeur, un syndicat ou une association professionnelle, à qui revient la décision de rembourser ces services », a toutefois rappelé Lyne Duhaime, présidente de l'ACCAP au Québec, à la ministre qui pilote le projet de loi 67, Sonia Lebel.
Comme ils l’avaient fait avec le projet de loi 68, les assureurs ont tenu à rappeler l’importance du suivi et du plan de traitement pour les patients en invalidité et pour lesquels une médication est nécessaire. Dans un tel cas, réclament les compagnies d’assurance, le patient devra prendre rendez-vous avec son médecin ou une infirmière praticienne pour obtenir une ordonnance.
Attention aux coûts, dit l’ACCAP
L’ACCAP dit accueillir favorablement le projet de loi 67, car il améliorera la fluidité des soins et contribuera à désengorger l’accès aux médecins et aux urgences.
Ce qui devrait toucher le plus les assureurs, c’est l’élargissement des responsabilités des pharmaciens, dont le pouvoir de prescrire et de prolonger des ordonnances qu’ils avaient déjà depuis quelques années, sera encore plus étendu.
Toutefois, Lyne Duhaime a servi une mise en garde à la ministre : cet élargissement doit s’accompagner d’un meilleur contrôle des coûts des régimes d’assurance médicaments qui doit être équitable pour tous les Québécois, qu’ils soient assurés par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) ou couverts par un régime privé.
Des actes comme la prolongation d’une ordonnance, a-t-elle rappelé, sont couverts par le biais du Régime général d’assurance médicaments (RGAM). Quand c’est le cas, ces médicaments sont payés par la RAMQ pour les assurés du public ou par un régime privé d’assurance pour les assurés du privé.
« Ainsi, comme le projet de loi 67 vient retirer les délais pour la prolongation d’ordonnance, on peut supposer que le volume lié à cet acte augmentera », dit l’ACCAP dans son mémoire. « Nous estimons essentiel que leur élargissement n’exerce pas de pressions financières supplémentaires sur le RGAM et par le fait même, sur les régimes d’assurance collective. »
« L’élargissement des responsabilités des pharmaciens doit s’accompagner d’un meilleur contrôle des coûts », a réclamé la présidente de l’ACCAP au Québec, Lyne Duhaime.
Honoraires des pharmaciens
Mme Duhaime, qui est aussi vice-présidente, politique et réglementation des marchés de l'ACCAP, a profité de cette tribune pour rappeler à la ministre et aux élus que les honoraires des pharmaciens contribuent à l’augmentation du coût des médicaments pour les Québécois couverts par un régime privé. Au Québec, les pharmaciens sont libres de fixer les honoraires pour les assurés au privé alors qu’ils sont encadrés pour le volet public du RGAM.
« Les honoraires et les frais des pharmaciens sont de manière générale près du double que ceux facturés aux Québécois couverts par le régime public pour exactement le même médicament et le même service, a soulevé l’ACCAP dans son mémoire. Quand il s’agit de médicaments dits de spécialité (10 000 $ et plus), les honoraires sont en moyenne 40 fois plus élevés que ceux payés par le régime public ».
Cette situation engendre un écart significatif entre les volets public et privé du RGAM estimé à 18,8 % sur le montant total du médicament et à 29 % s’il s’agit d’un médicament générique.
« En clair, a ajouté la présidente de l’Association, cet écart se chiffre à plus de 650 millions de dollars par année, entièrement financé par les travailleurs, les employeurs, les syndicats et les associations professionnelles. Lorsqu’on se compare à l’Ontario, les Québécois paient en moyenne annuellement 117 % de plus pour le même service en pharmacie que les Ontariens, ce qui se traduit par des coûts moyens par réclamation 20 % plus élevés (selon Telus Santé) ».
L’ACCAP a donc redemandé au gouvernement d’intervenir à ce niveau en encadrant les honoraires des pharmaciens pour les Québécois couverts par le volet privé du RGAM afin de préserver la pérennité de leurs régimes.
Avantages à l’élargissement des pouvoirs des pharmaciens
Les assureurs de personnes pourraient toutefois trouver des avantages dans l’élargissement des responsabilités des pharmaciens qui pourrait se traduire par une diminution des coûts.
Plusieurs données a indiqué l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) lors de la commission parlementaire, montrent que lorsqu’on donne un droit de prescrire autonome aux pharmaciens, ils ont tendance à déprescrire davantage. Une étude récente a démontré que 51 % des ordonnances rédigées par des pharmaciens prescripteurs autonomes à Calgary sont des interruptions de traitement. Des données anglaises abondent dans le même sens avec 56,7 % d’interruptions de traitement lorsque les pharmaciens indépendants prescrivent.
« Dans un contexte où une proportion importante de personnes âgées prend plus de 10 médicaments de façon concomitante, commente l’OPQ, déprescrire est non seulement bon pour la santé des patients, mais a aussi pour effet de limiter des coûts inutiles au système de santé. »
Selon l’Ordre, avec les progrès prévus dans le projet de loi 67, le Québec formera l’une des juridictions les plus avancées au monde en matière d’exercice de la pharmacie.