Le 25 juin 2024, le taux d’inclusion des gains en capital est passé de 50 % à 66,7 % pour les gains de plus de 250 000 $ réalisés à partir de cette date. Introduite par le budget fédéral du 16 avril, l’augmentation a eu l’effet de braquer les projecteurs sur l’assurance vie individuelle permanente. Elle est l’un des rares moyens de mitiger l’impact de la nouvelle fiscalité sur le patrimoine des particuliers propriétaires d’entreprise.

Le nouveau taux d’inclusion s’applique aussi aux compagnies et aux fiducies. Les gains des particuliers égaux ou inférieurs à 250 000 $ durant une année donnée continuent quant à eux de bénéficier du taux d’inclusion de 50 %.

Les nouvelles règles fiscales entrées en vigueur le 25 juin ont aussi l’effet de tenir les conseillers financiers en haleine. « Il influence beaucoup les discussions que nous avons avec les clients », lance Valérie Ménard, associée principale de Ménard & Associés, en entrevue avec le Portail de l’assurance. Son cabinet se spécialise auprès de la clientèle des gens d’affaires. 

Assurance contre fiscalité 

Lorsque nous nous assoyons avec nos clients pour réviser leur besoin d’assurance, c’est sûr que l’impôt sur les gains en capital est le sujet numéro un – Valérie Ménard 

« La facture fiscale de plusieurs familles vient d’augmenter », note Mme Ménard. Elle ajoute qu’en termes de planification successorale, la prochaine génération en sera affectée en tant que bénéficiaire d’un particulier qui n’aura pas réalisé tous ses gains de son vivant. « Lorsque nous nous assoyons avec nos clients pour réviser leur besoin d’assurance, c’est sûr que l’impôt sur les gains en capital est le sujet numéro un », ajoute la conseillère. 

Présidente de Zavitz Insurance and Wealth, cabinet torontois, Terry Zavitz, observe aussi que l’assurance vie joue aujourd’hui un rôle beaucoup plus important dans la planification successorale. « L’augmentation du taux d’inclusion des gains en capital à 66,7 % aura un impact majeur pour les clients qui déclencheront une imposition des gains en vendant leurs actions. Cet impact variera d’une personne à l’autre, selon le moment où elle vendra ses actifs », dit-elle. 

Mme Zavitz rappelle qu’avec l’augmentation du taux d’inclusion, l’impôt successoral sera plus élevé. « Nous avons amorcé la discussion. L’assurance est une des options qui permettent de réduire les impôts au décès, mais cela dépend des besoins du client. Par exemple, certains clients pourraient préférer faire un don de bienfaisance », souligne-t-elle. 

En cas de don de titres (actions ou autres) ou de fonds communs de placement, l’impôt sur les gains en capital ne s’applique habituellement pas. 

Tout est dans l’analyse des besoins financiers 

Pour sa part, Valérie Ménard rencontre deux situations lorsqu’elle révise les besoins d’assurance du client dans le cadre d’une planification successorale. Dans la première, le client possède une assurance dont le montant de protection est fixe, par exemple une assurance temporaire de 100 ans (T100). S’il veut augmenter son montant de protection à la hausse, il devra souscrire une nouvelle police à l’âge atteint, ce qui lui coûtera plus cher qu’il y a cinq ans, illustre-t-elle.

Dans la deuxième, le client possède une assurance vie entière avec participation. Selon Valérie Ménard, il sera moins affecté si sa facture fiscale prévue a augmenté, car il peut utiliser ses participations pour souscrire un montant de protection additionnel. « Il est un peu mieux protégé face à l’augmentation d’impôt », dit-elle.

Valérie Ménard offrira toujours les deux choix au client : la T100, moins coûteuse, et la vie entière, plus coûteuse. Si le client doit éventuellement absorber une facture fiscale, elle lui fera prendre conscience que cette facture peut augmenter avec le temps. Mme Ménard signale que la T100 peut en revanche convenir à un client qui a fait un gel successoral, puisque les gains en capital sur les actions de son entreprise sont cristallisés. Lors du gel, le propriétaire réalise ces gains immédiatement en une seule fois. La valeur de ses actions n’augmente pas par la suite. 

« Tout est dans l’analyse des besoins financiers », insiste-t-elle. Mme Ménard scrute en priorité trois angles : l’âge du client, son état de santé et le degré de maturité de son entreprise. « Une assurance vie entière payable en 10 ans ne sera peut-être pas le meilleur choix pour le propriétaire d’une start-up (compagnie en démarrage), parce qu’il n’aura peut-être pas des liquidités suffisantes », explique Valérie Ménard. 

Un rôle pour chaque produit 

Dans un dossier de planification successorale, Terry Zavitz rappelle que la police d’assurance vie doit rester en vigueur pendant une longue période. « Je recommande de choisir une assurance permanente : parfois une assurance vie universelle, parfois une assurance vie entière, selon la situation et le niveau de confort du client envers le paiement des primes. »

Mme Zavitz ajoute que l’assurance vie entière coûte généralement plus cher que l’assurance vie universelle à coût d’assurance renouvelable annuellement (coût minimum). Certains clients optent pour une assurance permanente en raison des primes plus abordables ou parce qu’ils ne souhaitent pas qu’une valeur de rachat se développe. « Les polices d’assurance vie universelle offrent ces types de produits qui ne génèrent pas de valeur de rachat. Mais dans la plupart des cas, je trouve que les polices vie entière avec participation sont plus appropriées », ajoute Mme Zavitz.

La présidente de Zavitz Insurance and Wealth insiste sur l’importance d’une approche personnalisée : « Chaque client a des besoins uniques. Que ce soit par l’assurance ou une autre stratégie, la clé est d’avoir une vision claire de ses objectifs successoraux. » 

Le miracle de l’assurance vie 

Il est difficile de prévoir des solutions. C’est là qu’arrive ce que j’appelle le miracle de l’assurance vie – James McMahon 

S’il y a un décès demain matin, l’imposition du gain en capital s’applique immédiatement, a rappelé James McMahon, planificateur financier au sein du cabinet Planif-Globale inc., en entrevue avec le Portail de l’assurance. « Le défunt est présumé avoir disposé de ses biens 24 heures avant son décès. Il est difficile de prévoir des solutions. C’est là qu’arrive ce que j’appelle le miracle de l’assurance vie. Il vient régler le problème », lance-t-il. 

Conseiller en sécurité financière et partenaire de M. McMahon dans ce type de planification d’assurance, Jean-François Salvail a affirmé durant cette entrevue que l’imposition du gain en capital fait particulièrement mal aux propriétaires d’une entreprise détenue par une compagnie de gestion. 

Dans le cas d’une compagnie dont le prix de disposition net est de 10 millions de dollars (M$), réaliser cette valeur entraîne un gain en capital net de 10 M$. La portion imposable de ce gain était de 5 M$ avant le 25 juin 2024, et l’impôt sur ce gain était de 2,5 M$, en vertu du taux d’inclusion de 50 %. Depuis le 25 juin, le taux d’inclusion de 66,7 % fait passer à 6,67 M$ la portion du gain imposable. L’impôt à payer sera de 3,33 M$, soit 833 333 $ de plus qu’avant le 25 juin, précise M. Salvail.

Non seulement la compagnie paiera plus d’impôt, mais son actionnaire aura une moins grande exemption d’impôt – Jean-François Salvail 

En outre, la portion non imposable du gain en capital ne sera plus de 5 M$, mais uniquement de 3,33 M$. Mauvaise nouvelle pour le compte de dividendes en capital, une construction théorique créée pour éviter la double imposition des gains en capital. Alors que le gain non imposable aurait auparavant créé une exemption fiscale de 5 M$, celle-ci est maintenant réduite à 3,33 M$, dans l’exemple de M. Salvail. « Non seulement la compagnie paiera plus d’impôt, mais son actionnaire bénéficiera d’une moins grande exemption d’impôt. L’impact fiscal total pour la compagnie sera plus élevé d’environ 1,2 M$ qu’il ne l’aurait été avant le 25 juin », déplore-t-il.