Les dépenses d’assurance médicaments continuent de presser les régimes d’assurance collective. Les médicaments coûteux sont sur la sellette, mais les médicaments traditionnels viennent aussi jouer les trouble-fête.
Les tendances dévoilées dans les récents rapports des deux principaux joueurs en solutions de remboursement électronique des médicaments pour les régimes privés témoignent de la montée des coûts.
Deuxième joueur du marché du remboursement électronique, Express Scripts Canada (ESC) a publié dans son Rapport sur les tendances en matière de médicaments (édition 2023) que les dépenses globales des régimes en médicaments ont augmenté de 6,3 % en 2022, par rapport à 2021. La hausse avait été de 4,3 % entre 2021 et 2020. Le nombre de demandeurs a aussi augmenté en 2022, soit de 5,4 %.
Les médicaments coûteux continuent de représenter la part du lion. Selon le rapport d’ESC, ces médicaments de 10 000 $ et plus ont représenté 27 % des dépenses des régimes, alors que les réclamants de cette catégorie représentent que 0,7 % de toutes les demandes de règlement.
Coût du diabète en hausse
Les médicaments traditionnels créent aussi des remous. Principal joueur du marché du remboursement électronique, TELUS Santé a dressé un tableau selon lequel le diabète a pris le pas sur les maladies inflammatoires au classement des conditions de santé les plus coûteuses pour les régimes d’assurance collective privée en 2022. La tendance est tirée d’une présentation sur l’évolution du marché des médicaments faite par Blandine Mosna, pharmacienne de TELUS Santé.
À 745,2 millions de dollars (M$) en 2022, les coûts admissibles totaux du diabète sont en hausse de 16,6 % par rapport à 2021, signale TELUS Santé. Ses données révèlent en outre que les coûts totaux d’OZEMPIC ont monté en flèche entre 2021 et 2022, soit de 87,8 %.
Ce médicament fabriqué par la pharmaceutique Novo Nordisk a été approuvé par Santé Canada pour le traitement du diabète de type 2. Il s’agit d’un état d’hyperglycémie chronique, soit un taux trop élevé de glucose ou de sucre dans le sang.
Le tableau suivant d’ESC corrobore les données de TELUS Santé sur l’importance qu’a prise cette molécule dans les coûts des régimes privés.
Problème d’obésité
Mais les chiffres ne disent pas tout. L’absence de traitement approuvé par Santé Canada pour le traitement de l’obésité a contribué à propulser les coûts de l’OZEMPIC.
« Même si l’Organisation mondiale de la santé et l’Association médicale canadienne reconnaissent l’obésité comme étant une maladie chronique, il n’en demeure pas moins que 65 % des participants aux régimes ne disposent pas de couverture relativement aux médicaments antiobésité », déplore dans son rapport Dorian Lo, président d’ESC. Plusieurs participants de régimes semblent avoir trouvé une voie de secours avec OZEMPIC. Ses effets bénéficieraient aussi au traitement de l’obésité, en atténuant l’appétit.
Bien que ce médicament n’ait pas été approuvé comme traitement antiobésité, les assureurs semblent avoir toléré le double emploi pendant un moment. Plusieurs ont toutefois annoncé récemment qu’ils cesseraient de le faire, selon une lettre d’opinion publiée dans Le Devoir le 6 juin dernier, signée par Émilie Vigneault-Simard, infirmière praticienne spécialisée.
Parmi eux, Beneva a annoncé à ses intermédiaires et ses preneurs que le changement est mis en place « au 1er juin 2023, avec période de transition jusqu’au 16 juillet pour les cas existants », a révélé au Portail de l’assurance Éric Trudel, vice-président principal et leader de l’assurance collective de Beneva.
iA Groupe financier a fait de même. « Le comité d’évaluation des médicaments d’IA Groupe financier a pris la décision d’ajouter le médicament OZEMPIC et le capteur FREESTYLE LIBRE à sa liste de médicaments nécessitant une autorisation préalable. Cette mesure est mise en place pour favoriser l’utilisation optimale de ces produits », dit son communiqué du 19 mai dernier.
Explosions des demandes
Dans sa communication à son réseau de courtiers et de clients en collectif, Beneva dit mettre en place de nouvelles mesures de contrôle des coûts en raison d’une hausse des demandes de prestations liées à une catégorie de médicaments nommée agonistes du récepteur du GLP-1. Afin d’assurer une gestion optimale du coût des médicaments, un programme de thérapie par étapes et d’autorisation pour cette catégorie de médicaments sera mis en place.
« La classe thérapeutique des agonistes du récepteur du GLP-1 regroupe plusieurs médicaments destinés à la maîtrise glycémique pour les adultes atteints de diabète de type 2. Dans les derniers mois, l’OZEMPIC faisant partie de cette classe de médicaments a été exposé pour son effet sur la perte de poids. Ainsi, s'en est suivi la prescription de ce dernier pour une indication non conforme à celle de Santé Canada », peut-on lire dans le communiqué de Beneva. Ces récepteurs agissent lorsque la glycémie est plus élevée que la normale.
Phénomène jamais vu
À Beneva, Éric Trudel dit avoir cessé de rembourser « ceux qui prennent ce médicament sans être diabétiques de type 2 ». « C’est un phénomène qui n’était jamais arrivé qu’un médicament se mette à être prescrit hors indication principale de façon si importante. Nous avons suivi les remboursements pour cette molécule chaque mois, et nous avons vu les coûts exploser de façon exponentielle. Dans les dernières semaines, nous étions rendus à environ 50 % des cas d’utilisation d’OZEMPIC hors indication », lance M. Trudel.
Beneva a travaillé avec ses partenaires pour endiguer le phénomène. « Nous avons travaillé avec TELUS Santé pour pouvoir implanter une thérapie par étapes à partir du 1er juin. Pour être remboursée pour l’OZEMPIC, la personne devra prouver qu’elle est diabétique », explique M. Trudel.
Il y a tout de même de l’espoir pour les gens aux prises avec un problème de poids qu’ils souhaitent traiter. Dans son rapport, ESC dit s’attendre à ce que le sémaglutide (OZEMPIC de Novo Nordisk) soit également commercialisé au Canada sous le nom de WEGOVY comme médicament antiobésité.