Roee Ben-Eli

Directeur, programmes stratégiques de Soins virtuels TELUS Santé, Roee Ben-Eli n’y va pas par quatre chemins. Il estime que les programmes de soutien en santé mentale sont souvent comme une façade, et ne parviennent pas à offrir aux employés l’aide dont ils ont besoin. « Les employés ne se sentent pas équipés et les employeurs ne savent pas où investir pour offrir les programmes dont ils ont besoin », lance-t-il en entrevue avec le Portail de l’assurance

« La recherche montre qu’il existe encore de nombreuses lacunes, et que les employés souffrant de problèmes de santé mentale demeurent confrontés à des obstacles importants à l’accès aux services », ajoute M. Ben-Eli. Des barrières auxquelles les entreprises ne s’attaquent pas, selon lui. Il les a énumérés : 

  • La couverture en services de santé mentale offerte par les régimes d’assurance collective est souvent insuffisante pour couvrir les besoins des employés ; 
  • L’accès aux services est compliqué par des plates-formes numériques difficiles à utiliser, ce qui confond les employés quant aux services disponibles et au fonctionnement de la couverture ; 
  • Le manque de professionnels en santé mentale au Canada fait en sorte que les employés font souvent face à de longs délais d’attente et les entreprises ne sont pas en mesure d’aider à accélérer ce processus. 
  • Des régimes offrent souvent aux employés des services gratuits inefficaces et inappropriés à leur situation, ou un soutien pour problèmes légers comme la gestion du stress ou de l’anxiété en les présentant comme des services complets. 

« Plusieurs employés ne sont pas au courant des services que leur offre leur entreprise », insiste Roee Ben-Eli. Il ne reproche pas ces lacunes aux entreprises, surtout les plus petites. Selon lui, elles en sont réduites à avancer à tâtons en matière de soutien psychologique. « Elles ne sont pas certaines de ce qu’elles devraient faire. Elles voient que les programmes d’aide aux employés (PAE) ne suffisent pas. La plupart des PAE sont utilisés par moins de 8 % des employés… Devraient-elles recourir à la télémédecine, à la thérapie cognitive comportementale ? Il est difficile à une petite entreprise qui n’a ni les ressources ni les consultants d’une grande entreprise de répondre à ces questions. »

Télémédecine : promotrice des PAE 

Le directeur des programmes stratégiques de TELUS ne cache pas son penchant pour la télémédecine, qu’il voit comme un service complémentaire essentiel aux programmes d’aide aux employés (PAE). Il a acquis cette conviction après 21 ans d’expérience dans le réseau de la santé, entre autres au service de EQ Care, acquis par TELUS Santé en décembre 2020. Après avoir acquis la firme de télémédecine, TELUS l’a renommé Soins Virtuels TELUS Santé. « Il faut veiller à offrir aux employés ce qui est le mieux pour eux, au moment où ils en ont besoin, que ce soit virtuellement, au téléphone ou en personne. Les gens veulent voir les professionnels en personne, leur parler au téléphone et avoir l’option de les rencontrer virtuellement. Ils veulent pouvoir se procurer les services qu’ils veulent au moment de leur choix », soutient Roee Ben-Eli.  

Plus de 70 % des consultations virtuelles auprès de TELUS ont eu lieu pendant les heures de travail, révèlent ses données internes sur plus de 1 000 patients recueillis en janvier 2021. Des données internes d’avril 2021 révèlent quant à elles que plus de 80 % des consultations sont résolues au moyen de l’application de soins virtuels, sans qu’une visite en personne soit nécessaire. Selon ces données, les affections cutanées, les problèmes respiratoires et les problèmes de santé mentale ont été les trois principales raisons de consulter les soins virtuels. 

Rassurer et déstigmatiser 

M. Ben-Eli relate l’expérience du PAE de TELUS Santé Parcours de vie, un PAE numérique. « Nous avons dès le départ inclus la santé virtuelle parce que nous savions que cela augmenterait l’utilisation du PAE. » Il souligne que si les programmes d’aide aux employés (PAE) sont sous-utilisés, il dit ne pas douter que plusieurs programmes d’aide aux employés fonctionnent. « Des compagnies ont un taux d’utilisation élevé, de 25 % à 30 %. Pour d’autres, le taux d’utilisation est très bas. » 

La stigmatisation est moins présente, mais demeure beaucoup trop élevée. 
— Roee Ben-Eli

En l’utilisant plus, les participants de régime apprennent à connaître la plate-forme et développent le réflexe de consulter, observe-t-il. « J’ai besoin d’une radiographie ? Mon enfant a besoin de médicaments pour la toux ? L’utilisation rassure les gens, qui deviennent alors moins hésitants parce qu’ils comprennent que le service est confidentiel. Viennent ensuite les demandes de soins psychologiques », croit-il. 

M. Ben-Eli remarque toutefois que la stigmatisation demeure un frein aux consultations en soins psychologiques. « La stigmatisation est moins présente, mais demeure beaucoup trop élevée. Les gens sont mal informés. Ils croient que l’employeur sera au courant qu’ils ont consulté un psychologue par l’entremise du programme, ce qui n’est pas le cas. Les interventions sont confidentielles. Elles ne sont pas divulguées à l’employeur », ajoute-t-il. 

Convaincre les PME du retour  

Roee Ben-Eli rappelle qu’il y a eu une forte croissance de l’utilisation des soins de santé virtuels au début de la pandémie. La distribution de ces services est revenue à des niveaux plus normaux, dit-il. Mis à jour en septembre 2020, le rapport de TELUS Santé sur le secteur des soins virtuels avait révélé une croissance de 240 % des nouveaux visiteurs en soins virtuels, et de 144 % en santé mentale virtuelle.

Le directeur des programmes stratégiques de TELUS se souvient qu’avant la pandémie, il fallait convaincre les PME d’utiliser ces services. « Après la pandémie, c’était un peu la panique de savoir comment donner les bonnes ressources aux employés et aux citoyens. Depuis, la discussion tourne plutôt autour de la bonne solution au bon groupe, selon ses valeurs et ce qui est susceptible de lui rapporter le plus », rapporte M. Ben-Eli.

Selon les estimations qu’il tire de ses recherches, chaque 1 $ investi dans un programme de soins de santé virtuels rapportera un retour de 4 $, et chaque 1 $ investi dans un programme d’aide aux employés rapporte 8 $, « quand le programme est bien développé, communiqué et utilisé ». Le retour sur l’investissement n’est pas gratuit, ajoute-t-il. « Ce n’est pas un chiffre à jeter en l’air ni un 25 sous déposé dans un automate qui nous rend une boisson gazeuse. Il faut y mettre des efforts, un modèle de communication et une culture d’implantation. »

Il croit qu’une approche modulaire conviendra parfois mieux à une PME. Il s’agira par exemple d’implanter la télémédecine et ensuite parler du programme d’aide aux employés, de la façon de l’implanter en aidant l’entreprise à communiquer l’initiative le mieux possible aux employés. Roee Ben-Eli dit que les discussions avec les clients se sont aujourd’hui transportées vers comment construire votre solution de ressources humaines, de rétention des employés dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. 

Cet article est un Complément au magazine de l'édition d'octobre 2022 du Journal de l'assurance.