Le nombre de cas de cancers est en hausse au Québec. En 2013, 49 140 personnes à travers la province avaient reçu un diagnostic de cancer. En 2023, ce chiffre est passé à 67 548, soit 18 000 de plus par année. Comme le rapportait récemment le Portail de l’assurance, cette maladie frappe aujourd’hui des populations plus jeunes, des gens dans la cinquantaine.

Cette augmentation du nombre de cancers annuels, liée à la baisse de la mortalité due aux progrès réalisés en oncologie, rattrape les compagnies d’assurance. Selon des données compilées par l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS), le montant qu’elles paient pour les antinéoplasiques et agents immunomodulants a presque triplé en six ans et atteignait 847 millions de dollars en mars 2023.

Les antinéoplasiques sont des molécules destinées à ralentir, à bloquer ou à détruire la prolifération des cellules cancéreuses. Depuis 2018, ce sont les médicaments qui ont le plus contribué aux dépenses du Régime public d’assurance médicaments (RPAM) ainsi que des hôpitaux et ils représentent maintenant plus de la moitié des médicaments payés ou remboursés par les assureurs privés. 

Progression de 100 M$ par année 

Depuis 2018, la progression des coûts de ces médicaments pour les compagnies d’assurance a été fulgurante. La facture a grimpé de près de 100 millions par année. À cet égard, la hausse a été plus rapide pour les assureurs que pour le RPAM. En 2023, pour la première fois, les assureurs de régimes ont davantage déboursé pour cette classe de médicaments que les établissements hospitaliers, comme le montre le tableau suivant : 

Explications de cette forte hausse 

Anne Beaudoin est pharmacienne et elle donne des cours à propos des antinéoplasiques et des agents immunomodulants à des étudiants au doctorat à l’Université Laval

Invitée par le Portail de l’assurance à expliquer cette explosion des coûts pour les compagnies d’assurance, elle y voit plusieurs facteurs. 

La plus importante raison, explique-t-elle, tient au fait que ces médicaments sont désormais donnés par voie orale. Ils ne sont pas fournis par l’hôpital, mais achetés en pharmacie et pris à la maison. 

Il y a aussi que des molécules récentes qui peuvent coûter extrêmement cher, des dizaines de milliers de dollars par année, par patients.

Autres facteurs qui jouent un rôle dans le fait que la facture a été multipliée par trois pour les assureurs, les programmes de prévention permettent de détecter plus de cas de cancers et assez tôt dans la vie.

Les progrès de la recherche ont par ailleurs permis de réduire la mortalité pour plusieurs cancers et, à l’inverse, d’augmenter la durée de vie des gens atteints.

Le vieillissement de la population entraîne aussi une augmentation du nombre de personnes qui vont développer une forme de cancer. En parallèle, la maladie touche de plus en plus de personnes dans la cinquantaine. 

En somme, puisque de nouvelles molécules voient le jour, que les autorités multiplient les campagnes de prévention, comme c’est le cas actuellement avec l’élargissement des tests de dépistage pour le cancer colorectal annoncé le 5 février par Québec, que la société vieillit et que le cancer s’étend à d’autres groupes d’âge, il est à prévoir que les coûts pour ces médicaments payés par les assureurs continuent de grimper dans les prochaines années. 

Hausse dans les autres classes 

Dans l’ensemble, en 2022-2023, indique par ailleurs l’INESSS, plus de la moitié des dépenses en médicaments des assureurs privés (61 %) et du RPAM (52 %) étaient liées à trois classes ATC (système de classification anatomique, thérapeutique et chimique) : 

  •  les antinéoplasiques et agents immunomodulants 
  •  les médicaments pour le système digestif et le métabolisme, y compris les médicaments pour la gestion du diabète 
  •  les médicaments pour le système nerveux (SN). 

Les montants payés par les assureurs privés ont augmenté durant la même période dans presque toutes ces catégories, sauf les maladies du système nerveux. Chez les anti-infectieux, la facture a presque doublé de 2022 à 2023. 

Dépenses annuelles en médicaments 

Le tableau des dépenses annuelles en médicaments prescrits et couverts réalisés par l’INESSS montre que dans l’ensemble, les assureurs privés ont déboursé trois fois plus en produits pharmaceutiques que les établissements hospitaliers.

De mars 2022 à mars 2023, les compagnies d’assurance auraient payé 3,04 milliards de dollars en médicaments, une hausse de près de 500 millions depuis 2018, mais les chercheurs soulignent que les dépenses des assureurs privés peuvent être sous-estimées, car seule une proportion des réclamations acceptées peut être captée par les données. 

Durant la même année 2022-2023, le montant en médicaments payés par le régime public s’est élevé à 4,19 milliards de dollars, en croissance de seulement de 2,5 % par rapport à l’année précédente. Sur 5 ans, l’augmentation s’est élevée à 4,5 %.