Des rapports de l’industrie confirment que l’arrivée de médicaments de spécialité (10 000 $ et plus) dans le marché canadien s’est accélérée ces dernières années.

Dans la 8e édition du rapport Veille des médicaments mis en marché, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) révèle que le Canada a approuvé 43 nouveaux médicaments en 2021 et 46 en 2022, ce qui est supérieur à la moyenne sur cinq ans de 40. 

Et ils sont parfois très coûteux. Apparu sur le marché en décembre 2021, le Tecartus, de Gilead Sciences, se détaillait à un prix unitaire moyen de près de 540 000 $ au quatrième trimestre de 2022. Ce médicament biologique est utilisé pour traiter un type de leucémie récidivante. 

Dans son Rapport 2024 sur les tendances et références canadiennes en matière de consommation de médicaments, TELUS Santé révèle que les médicaments de spécialité à coût élevé ont représenté 31,2 % des dépenses des régimes en 2023. En 2008, ils ne représentaient que 10,4 % de leurs dépenses. 

Un assureur chiffre l’impact 

Éric Trudel

Beneva constate la pression qu’exercent les médicaments coûteux dans les régimes d’assurance collective de ses clients. L’assureur publiera pour la première fois cette année un bulletin sur les principales tendances qui ont marqué les résultats de ses régimes en 2023. Vice-président exécutif et leader de l’assurance collective à Beneva, Éric Trudel en a partagé les principaux constats, en exclusivité avec le Portail de l’assurance. Il a dit que le bulletin devrait être publié sous peu. 

En tête de liste, Beneva observe que les médicaments de 100 000 $ et plus accaparent une part croissante des remboursements d’assurance médicaments versés par l’assureur aux participants de ses régimes collectifs. Les statistiques qui seront publiées dans son bulletin révèlent une croissance moyenne annuelle de plus de 34% des prestations versées pour ces médicaments coûteux, comparativement à plus de 7,5% pour l’ensemble de ses prestations versées en assurance médicaments. 

Selon les données fournies par M. Trudel, la part des médicaments de 100 000 $ et plus a représenté 4 % des 938 millions de dollars (M$) de prestations de médicaments versées en 2020, soit 37,5 M$. En 2023, la part des médicaments de 100 000 $ et plus a atteint 9 % des 1,164 milliard de dollars (G$) de prestations versées en 2023, soit plus de 100 M$. Le nombre de patients remboursés pour des médicaments de 100 000 $ et plus est passé de 190 en 2020 à 440 en 2023. 

Multiplié par 25 

L’assureur observe que plusieurs vagues de nouveaux médicaments ciblant des conditions rares créent une pression sur les régimes. En 2023, les prestations de médicaments versées aux 10 plus grands réclamants ont été de 25 fois supérieures à celles versées aux 10 plus grands réclamants en 2003.

Selon une information qui sera divulguée dans le bulletin de Beneva, 80 % de la croissance des prestations de médicaments attribuables aux 10 plus grands réclamants s’explique par l’arrivée du Trikafta, médicament fabriqué par Vertex et utilisé pour traiter la fibrose kystique.

M. Trudel souligne que le coût annuel de ce médicament dans les régimes de Beneva a atteint 331 000 $ par certificat d’assurance (personne assurée, incluant conjoint et personnes à charge) en 2023. Il précise que le Trikafta est la plupart du temps distribué par lot de 84 comprimés, pour couvrir une période de 28 jours. Le Trikafta est une trithérapie qui combine les molécules ivacaftor, tézacaftor et éléxacaftor. « Les transactions sont souvent fractionnées, lors de la soumission dans le système. Sous ces paramètres, on parle de transaction moyenne de 16 370 $ », explique le vice-président exécutif et leader de l’assurance collective de Beneva. 

La nature des médicaments des grands réclamants a évolué au cours des 20 dernières années, rapporte Éric Trudel. « Nous sommes passés de médicaments pour des conditions plus communes à des médicaments pour des conditions rares et très coûteuses. Cette tendance se poursuivra », prévoit-il. 

Plus de l’aspirine 

Les maux de tête s’invitent dans le portrait de la hausse des coûts, selon les données partagées par M. Trudel. Beneva remarque que les adhérents souffrant de migraine se voient offrir de nouveaux traitements plus performants, mais plus coûteux. « Pour les grosses migraines, les traitements peuvent être assez dispendieux. Ce n’est plus de l’aspirine. Le coût moyen par réclamant a atteint 576 $ par réclamant en 2023, et le nombre de réclamants a crû en moyenne de 6 % annuellement, depuis 2019 », lance-t-il. 

Mitiger les coûts 

Pour mitiger l’impact des médicaments coûteux, Beneva dit appliquer des mesures de contrôle rigoureuses. Parmi elles, la préautorisation à la prise d’un médicament (pour déterminer si le médicament sera remboursable), le recours aux génériques et aux biosimilaires et le développement des ententes avec les compagnies pharmaceutiques. 

Éric Trudel rappelle que Beneva a rendu la transition vers les biosimilaires obligatoire dans ses régimes, en 2022. Une mesure qui a selon lui favorisé l’adoption de ces médicaments moins coûteux.