Plus d’un rapport révèlent une hausse importante de l’utilisation de médicaments pour traiter des problèmes de santé mentale en 2019. Celui de TELUS Santé s’y ajoute alors que le dernier indice mensuel de santé mentale de Morneau Shepell révèle que la tendance s’accentue en 2020.

Le Rapport 2020 sur les tendances et références canadiennes en matière de consommation de médicaments publié par TELUS Santé le 8 juillet révèle que l’année 2019 a connu la plus forte augmentation des cinq dernières années au plan des coûts moyens pour les régimes privés d’assurance médicaments.

Il révèle aussi qu’un des principaux facteurs de la hausse est l’utilisation accrue de médicaments pour traiter les problèmes de santé mentale, et qu’il s’agit de l’une des plus importantes conclusions de son rapport.

Antidépresseurs : plus utilisés mais moins chers

Les antidépresseurs représentent le plus grand nombre de demandes de règlement. TELUS Santé dit tirer les données de son rapport d’une base de plus de 13 millions d’assurés, qui ont effectué plus de 150 millions de demandes de règlement de médicaments d’ordonnance en 2019.

Selon l’analyse que fait TELUS Santé des 10 principales classes thérapeutiques en 2019, les médicaments contre la dépression représentent la plus forte proportion de demandes de règlement, soit 9,5 %. Leur part des coûts pour les régimes d’assurance collective privée atteint 5,1 %, ce qui reflète selon TELUS Santé un niveau de prix moyen relativement faible en raison de la prédominance de médicaments génériques à prix moins élevé. Le taux de non observance du traitement se situe à 23 %. En guise de comparaison, deux extrêmes : celui des traitements contre l’asthme atteint 65,8 %; celui des traitements cardiovasculaires et contre le cholestérol se situe à16,2 %.

Tendance lourde chez les jeunes

Le rapport de TELUS Santé observe également une utilisation croissante de médicaments pour des problèmes de santé mentale par les assurés âgés de 29 ans ou moins. Les régimes privés ont enregistré des hausses d’au moins 10 % des coûts admissibles des demandes de règlement de Canadiens assurés de moins de 29 ans en 2019. « Nous voyons davantage de demandes de règlement liées à des problèmes de santé mentale, ainsi qu’au trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité dans cette cohorte d’âge », explique Jason Kennedy, directeur, services de consultation pour le secteur de la santé chez TELUS Santé.

Plusieurs rapports pointent dans la même direction. Parmi eux, celui de la firme de paiement direct des réclamations de médicaments Express Scipts Canada avait livré un constat frappant sur les troubles mentaux des jeunes Canadiens : la tranche des patients âgés de 19 à 35 ans a dépensé plus en médicaments de spécialité en 2019. La dépression se classe au premier rang des dépenses chez les 19 à 35 ans. Le trouble déficitaire de l'attention est en tête des dépenses chez les enfants de 18 ans et moins, et les dépenses demeurent élevées dans cette classe thérapeutique chez les 19 à 35 ans.

Le Sondage sur les soins de santé 2020 de la pharmaceutique Sanofi Canada a révélé que les jeunes sont plus stressés. Les participants âgés de 18 à 34 ans sont beaucoup plus susceptibles de prendre des congés de maladie ou de connaître une diminution de leur productivité au travail en raison du stress et de problèmes de santé chroniques. Chez les 55 ans et plus 23 % ont ressenti un niveau de stress si accablant qu’ils se sont sentis physiquement malades. Cette proportion passe à 42 % dans le groupe des 18 à 34 ans, soit presque le double.

Santé mentale à la baisse en 2020

Dans son rapport, TELUS Santé signale que la COVID-19 pourrait exacerber ces problèmes en raison des mesures de distanciation et d’isolement social mises en place depuis le début de la crise. Il suggère que les employeurs et les assureurs devront trouver de nouvelles façons de favoriser le maintien d’une bonne santé mentale chez les travailleurs.

L’Indice de santé mentale de Morneau Shepell suit à la trace l’évolution de la santé mentale des Canadiens. Son indice de juin 2020 révèle une chute de 11 points par rapport au score de référence de 75 établi avant la pandémie, ce qui représente un score de -11. Il s’agit d’un troisième mois consécutif avec un résultat négatif en matière de santé mentale au pays.

Mince consolation, la chute fait un point de moins. « Les résultats montrent que bien que la majorité du pays amorce de nouvelles phases de réouverture, les Canadiens baignent encore dans l’incertitude découlant de la pandémie et ont plus que jamais besoin du soutien de leur employeur », a affirmé Stephen Liptrap, président et chef de la direction de Morneau Shepell.

Les employeurs écorchés

En outre, 34 % des répondants indiquent que durant la pandémie, leur employeur a répondu à leurs besoins en santé mentale de façon incohérente, médiocre ou très médiocre. Ce groupe obtient un indice de loin inférieur au score moyen de -11, allant de -17,2 à -26,3 selon le degré d’incohérence ou de médiocrité. En comparaison, ceux qui ont indiqué que la réponse aux besoins en santé mentale était relativement bonne ont affiché un score de -10,4, et ceux qui ont déclaré qu’elle était très bonne, un score de -1,0.

« Les répercussions à long terme d’une santé mentale précaire persistante ne préoccupent pas seulement les particuliers, mais également les organisations et les gouvernements en raison de la hausse des coûts liés à la santé et à l’invalidité, et aux retombées négatives sur la participation de tous à l’économie. C’est fantastique de voir que les organisations et les gouvernements offrent du soutien en santé mentale depuis quelques mois, mais notre Indice de santé mentale nous montre qu’il faut en faire plus », ajoute M. Liptrap.

Peur d’être contaminé

À mesure que le pays reprend ses activités, les répondants qui se sentaient mal soutenus ont cité des domaines pour lesquels leur employeur pouvait les aider, explique Morneau Shepell. Parmi eux, 27 % souhaitent avoir des consignes claires sur la façon d’éviter de propager ou de contracter le virus, et 23 % demandent de l’aide pour composer avec l’anxiété.

« La reprise de l’économie est un changement bienvenu et positif pour certaines personnes, mais pour d’autres, réintégrer le milieu de travail apporte son lot de nouvelles incertitudes quant à leur santé et leur sécurité. Les gens se demandent si un jour les choses redeviendront comme avant, et ils ne savent pas vraiment à quoi ressemblera leur travail et leur vie », souligne Paula Allen, première vice-présidente, recherche, analytique et innovation de Morneau Shepell.

Selon l’Indice, cette peur accompagnée de préoccupations liées à l’emploi et aux finances personnelles affectera les habitudes de consommation de façon durable. Parmi les répondants, 19 % reprendraient probablement leurs anciennes habitudes de consommation après la pandémie. De nombreux obstacles freinent les autres : 39 % craignent le risque d’infection dans des magasins ou des aires de service; 27 % pour cent s’inquiéteront de leur sécurité d’emploi pendant un certain temps; et 22 % indiquent que leurs revenus ont changé depuis le début de la pandémie.

« Notre Indice montre que les Canadiens sont beaucoup plus économes qu’avant la pandémie et qu’ils sont prudents quant à la manière dont ils dépensent leur revenu disponible. Nous devons surveiller de près les répercussions que l’économie actuelle a sur la santé mentale des Canadiens, pour assurer que leur bien-être physique, mental, social et financier demeure fort après la pandémie et dans les années qui la suivront », ajoute Mme Allen.

Obstacles au traitement

Un récent sondage commandé par l’Association médicale canadienne démontre que les Canadiens ont adopté les soins de santé virtuels, et que ceux qui les ont utilisés se disent très satisfaits des services rendus (91 %). Ombre à ce tableau, Financière Sun Life a révélé dans un autre sondage que les Canadiens ne savent pas comment trouver ces soins virtuels. Parmi les répondants à ce sondage ayant signalé une incidence néfaste de la COVID-19 sur leur santé mentale, à peine 21 % ont cherché de l’aide professionnelle.

De récents propos tenus virtuellement par des conférenciers lors du Forum 2020 organisé en juin par l’Institut canadien de la retraite et des avantages sociaux (ICRA) confirment ces résultats. Les Canadiens souffrent davantage de troubles mentaux que par le passé mais plusieurs ne consultent pas. L’accès difficile à un professionnel fait partie des obstacles, avec le sentiment de stigmatisation. Selon l’un des conférenciers, les soins virtuels permettent de réduire ces deux obstacles, en facilitant l’accès et en assurant une plus grande confidentialité.

Le rapport de TELUS Santé renchérit à ce sujet. « Le virus a manifestement précipité le point de basculement vers une révolution virtuelle, et il sera important d’en examiner l’incidence à long terme et les avantages pour les patients », peut-on y lire.

L’obstacle de la stigmatisation s’amenuiserait également, selon ce rapport. « La sensibilisation aux questions de santé mentale a augmenté au cours de la dernière décennie, et les sentiments de stigmatisation ont diminué considérablement. Contrairement aux générations précédentes, les jeunes d’aujourd’hui sont moins susceptibles de penser qu’ils sont invincibles et plus susceptibles de reconnaître qu’ils ont besoin d’aide », poursuit Jason Kennedy.

Les médicaments de spécialité demeurent un problème

TELUS a observé que les coûts des médicaments de spécialité continue d’augmenter pour les régimes privés. Ils incluent les produits biologiques et sont complexes. Ils engendrent des coûts d’environ 10 000 $ par réclamant par année, et représentent 78 % de tous les coûts en médicaments des régimes.

L’analyse de TELUS des 10 principales classes thérapeutiques en 2019 montre que pour la dixième année consécutive, les médicaments contre la polyarthrite rhumatoïde sont en tête du classement des coûts admissibles. Ils représentent une partie infime des réclamations (moins de la moitié de un pour cent), ce qui reflète leur prix élevé, dit TELUS. Le prix de la plupart de ces médicaments varie d’environ 20 000 $ à plus de 50 000 $ par année pour un médicament biologique.

Les médicaments contre le diabète se classent au deuxième rang en raison d’une combinaison de volume et de prix, note TELUS. Le volume est relativement élevé, avec 7,0 % des demandes, mais l’écart entre la part des demandes de règlement et celle du coût admissible (10,6 %) indique que le niveau de prix moyen dans cette catégorie est en hausse.