La situation actuelle de la santé mentale au Canada est jugée « alarmante », avec des conséquences importantes pour les individus et leurs employeurs.

Parallèlement, aucune province ou territoire au pays ne consacre des montants suffisants à la santé mentale, même selon leurs propres standards obsolètes. Ce sont donc les individus (et leurs assureurs) qui doivent financer leurs traitements. 

Aujourd’hui, l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) affirme que les provinces et territoires consacrent en moyenne seulement 6,3 % de leur budget global en santé à la santé mentale. 

« Ce pourcentage n’atteint même pas la cible des dépenses fixée par le gouvernement fédéral dans sa propre stratégie désuète en matière de santé mentale », écrit l’ACSM dans un communiqué sur son rapport L’état de la santé mentale au Canada 2024. La stratégie nationale Changer les orientations, changer des vies : Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada remonte à 2012. 

« Le rapport L’état de la santé mentale au Canada 2024 révèle que les gens reçoivent des soins radicalement différents selon leur province ou territoire de résidence », poursuit l’ACSM. La situation est particulièrement préoccupante dans le Nord et parmi les populations autochtones et racisées. 

Comment en sommes-nous arrivés là ? 

L’ACSM demande au gouvernement fédéral d’intégrer les soins en santé mentale dans la législation fédérale, soit en modifiant la Loi canadienne sur la santé pour inclure explicitement la santé mentale et les soins liés à la consommation de substances, soit en adoptant une législation parallèle avec un mécanisme de transfert de fonds et des mesures de reddition de comptes pour les provinces et territoires. 

À l’heure actuelle, le régime d’assurance maladie ne couvre pas explicitement les soins en santé mentale, les dépendances et la consommation de substances. « Bien que la Loi canadienne sur la santé couvre les services de santé mentale offerts dans les hôpitaux et par les médecins, elle n’exige pas que les provinces et les territoires assurent l’accès à d’autres services en santé mentale, de dépendances et d’utilisation de substances », souligne l’ACSM. Ce cadre est problématique puisque ces soins sont souvent offerts par des professionnels qui ne figurent pas sur cette courte liste. En outre, les ressources publiques consacrées à la santé mentale sont souvent insuffisantes pour répondre aux besoins. 

L’ACSM recommande aussi au gouvernement d’augmenter les investissements afin que les services de santé mentale, dépendances et consommation de substances représentent 12 % de l’ensemble des dépenses en santé. 

Elle appelle également le gouvernement à collecter des données clés sur la santé mentale en fonction d’un ensemble adéquat d’indicateurs. « On ne peut pas corriger ce qu’on ne mesure pas », écrit-elle. 

Les auteurs du rapport proposent en outre l’instauration d’un programme de revenu de base universel pour lutter contre la pauvreté et l’adaptation de la Prestation canadienne pour personnes handicapées afin que les troubles liés à la santé mentale soient également admissibles. 

« Dans l’état actuel des choses, l’accès aux soins de santé mentale au Canada est souvent un privilège, alors qu’il devrait s’agir d’un droit fondamental », soulignent les chercheurs. « L’une des conclusions du rapport L’état de la santé mentale au Canada2024 est qu’aucun des gouvernements provinciaux et territoriaux ne consacre assez de fonds à la santé mentale, en partie parce que ce n’est pas obligatoire. » 

Les régimes d’avantages sociaux couvrent une grande partie des coûts 

Un deuxième rapport, publié par Dialogue, révèle que, hors du milieu de travail, les Canadiens rencontrent des obstacles qui limitent leur accès aux services de santé, comme l’absence d’un médecin de famille, les longues listes d’attente et les contraintes financières. Par conséquent, 47 % des Canadiens dépendent fortement des avantages sociaux offerts par leur employeur. 

« En l’absence de soins de santé mentale universels, les avantages sociaux financés par l’employeur couvrent la majorité (70 %) des services de santé mentale », écrivent les chercheurs dans leur rapport Rapport sur la santé et le bien-être : une référence canadienne. « Chez Dialogue, la santé mentale est le principal motif de consultation pour les membres. » 

Malgré cela, l’opinion des Canadiens sur leurs régimes d’avantages sociaux demeure faible : un Canadien sur deux estime que son régime ne répond pas à ses besoins globaux, et un sur trois considère ses avantages en santé mentale comme insuffisants. 

Des répercussions pour les employeurs 

Selon l’indice de santé mentale de TELUS, les travailleurs qui jugent insuffisant le soutien de leur employeur envers leur bien-être physique perdent 22 jours de productivité supplémentaires par an et affichent un score en santé mentale inférieur de 22 points à ceux bénéficiant d’un soutien jugé excellent. 

Seulement 26 % des participants à l’indice mensuel estiment que leur employeur offre un soutien adéquat ou excellent en matière de santé mentale. « Les employés qui perçoivent ce soutien comme excellent perdent 27 jours de productivité par an, comparativement à 54,9 jours pour ceux qui jugent ce soutien médiocre », indique TELUS. 

Les programmes d’aide aux employés sous-utilisés 

Alors que la hausse des coûts alimentaires et du logement pèse sur les Canadiens, le rapport de Dialogue signale que 49 % des Canadiens perdent le sommeil à cause de préoccupations financières. Selon TELUS, les employés sans fonds d’urgence sont deux fois plus susceptibles de déclarer un diagnostic d’anxiété ou de dépression. 

Malgré leur utilité, les programmes d’aide aux employés (PAE) demeurent sous-utilisés. Dialogue indique que « bien que les avantages sociaux évoluent, de nombreux Canadiens ne savent pas ce qui leur est offert ». Environ 53 % des participants ayant accès à un PAE ne l’ont jamais utilisé. 

TELUS rapporte que deux travailleurs canadiens sur cinq ignorent ce qu’est un PAE. « Le score en santé mentale des employés qui ignorent l’existence d’un PAE est au moins trois points inférieur à celui des employés ayant accès à un tel programme », écrit TELUS. 

Prévalence et productivité 

Les études offrent des statistiques variées sur la prévalence des problèmes de santé mentale. L’ACSM révèle que les Canadiens se déclarant en mauvaise ou moyenne santé mentale étaient trois fois plus nombreux en 2021 qu’avant la pandémie (26 % contre 8,9 % en 2019). Environ 2,5 millions de personnes affirment que leurs besoins en santé mentale ne sont pas comblés — soit l’équivalent des populations combinées du Manitoba et de la Saskatchewan. 

Dialogue indique que les Canadiens dans la vingtaine affichent les scores de santé mentale les plus bas (46,4), tandis que ceux âgés de 50 à 69 ans obtiennent les meilleurs scores (52,4). 

Selon TELUS, 32 % des travailleurs présentent un risque élevé en santé mentale, 44 % un risque modéré et 24 % un faible risque. Parmi les répondants au sondage de TELUS, 14 % déclarent un diagnostic de dépression, perdant en moyenne 66,9 jours de productivité par an et enregistrant un score en santé mentale inférieur de 28 points à celui des travailleurs sans diagnostic. 

L’anxiété touche 22 % des participants, entraînant une perte moyenne de 62,5 jours de productivité par an. Les travailleurs de moins de 40 ans sont deux fois plus susceptibles que ceux de plus de 50 ans de rapporter un diagnostic d’anxiété ou de dépression. 

Dialogue ajoute que 54 % des Canadiens interrogés signalent des symptômes négatifs tels que l’anxiété ou la dépression (38 %), des baisses de productivité (16 %) ou des tensions dans les relations personnelles (16 %). 

En conclusion, TELUS affirme que le Canada doit renforcer l’accès aux soins en santé mentale et soutenir les Canadiens. « Bien que la pandémie de COVID-19 ait mis en lumière l’importance de la santé mentale, les données montrent que cette prise de conscience n’a pas abouti comme il le faudrait à la mise en place des politiques nécessaires à un changement systémique », conclut l’ACSM.