Sous la pression du Nouveau Parti Démocratique (NPD), le gouvernement libéral de Justin Trudeau remet de l’avant l’idée de créer un régime national d’assurance médicaments. L’objectif ? Couvrir quelque 2 % de Canadiens qui ne sont pas assurés et faire de même avec les quelque 10 % qui n’ont pas une couverture adéquate, selon les estimations des deux partis.

Au sein du NPD, le dossier est mené par le député Don Davis, de Vancouver. Il défend le projet d’une assurance médicaments pour tout le monde dans le but de couvrir les plus démunis, d’améliorer les couvertures et de réduire les coûts des médicaments pour les Canadiens.

Dans cet enjeu, la position du gouvernement libéral est intimement liée au soutien que le NPD lui accorde dans les grands dossiers et projets de loi qui correspondent aux valeurs sociales que défend le parti. Briser ce lien de confiance pourrait mettre en péril le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau.

Dans l’industrie de l’assurance, particulièrement au Québec, le projet ravive les craintes et les critiques. Pour beaucoup, ce sont aussi des souvenirs parce que la province a vécu la naissance d’un régime universel d’assurance médicaments.

Ainsi, dans les années 1995 et 1996, le débat faisait couler beaucoup d’encre. Le Journal de l’assurance a couvert de près le cheminement du projet.

Pendant deux ans, les assureurs vie québécois ont vécu sous la menace de la création d’un régime étatisé d’assurance médicaments universel qui, si elle se réalisait, avait le pouvoir d’anéantir l’industrie québécoise de l’assurance collective, selon les commentaires de plusieurs dirigeants, à cette époque. Devant cette réalité, une douzaine d’assureurs québécois avaient décidé de prendre les devants : ils ont conçu un modèle de régime d’assurance médicaments universel qui, au lieu d’écarter les forces en présence, faisait appel à toutes les ressources humaines et financières qui œuvrent déjà dans le domaine de l’assurance maladie, tant du public que du privé. 

Deux dirigeants d’assureurs ont pris le taureau par les cornes pour contrecarrer le projet : Richard Bell, vice-président assurance collective chez SSQ Vie, devenu Beneva, et André Vincent, premier vice-président réseau collectif Groupe Vie Desjardins-Laurentienne, devenu Desjardins Assurance. Ils étaient tous deux membres de l’équipe derrière la proposition du Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec (RACQ) au ministère. Le RACQ y est allé de nombreuses propositions :

  • Établissement d’une liste de médicaments établie par des spécialistes sur la base du rapport prix/efficacité. 
  • Une coassurance fixe ou variable selon le type de médicament pour sensibiliser la population aux coûts et une exemption ou une diminution de la franchise pour les ménages à faibles revenus. 
  • La tenue de sessions de formation pour les médecins relativement au régime et aux coûts des médicaments. 

Au bout du compte, le gouvernement a décidé de confier la couverture du million de Québécois non assurés à la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ). En contrepartie, le champ d’action des assureurs privés en assurance médicaments allait se limiter aux régimes collectifs. 

Dans un article paru dans le Journal de l’assurance en août 1996, on apprenait que « toute personne qui a la possibilité d’adhérer à un régime employeur/employé, à un régime collectif en vertu d’une profession ou d’une occupation doit obligatoirement le faire. Tout autre individu devant invariablement s’assurer auprès de la RAMQ ».

Certains dirigeants d’assureurs avaient découvert la chose dans les heures suivant l’adoption de la loi. En entrevue au Journal de l’assurance, la sous-ministre adjointe au ministère de la Santé et des Services sociaux, Sylvie Dillard avait confirmé, après vérification auprès des avocats du ministère, la nouvelle de l’exclusion des assureurs de ce segment. 

Qu’en sera-t-il du régime national au Canada ? Les craintes et les critiques reprennent.

Il en va ainsi de l’Institut canadien des actuaires vient de publier un mémoire à ce sujet. L’organisme estime qu’il est possible d’atteindre l’objectif de couvrir tous les Canadiens de façon plus efficace et plus rapide que ne peut le faire un payeur gouvernemental unique.

Plusieurs assureurs ainsi que des actuaires viendront débattre de ces enjeux lors du Congrès Collectif 2024, organisé par le Journal de l’assurance le 20 février 2024, au Palais des congrès de Montréal.

Le fédéral se rapproche du Régime national 

Le gouvernement fédéral a fait un pas supplémentaire dans son cheminement de créer un régime national d’assurance médicaments. Ainsi, le 18 décembre, le ministre de la Santé, Mark Holland a annoncé la création de l’Agence canadienne des médicaments (ACM). Son objectif ? Améliorer le système pharmaceutique au Canada.

L’annonce a été accompagnée d’un lien direct vers le régime. Le communiqué de presse faisait ainsi mention de « La création de l’ACM s’appuie également sur d’autres récents progrès accomplis par le gouvernement fédéral en vue de la création d’un régime national d’assurance-médicaments, dont l’initiative Améliorer l’accès abordable aux médicaments sur ordonnance ».