Pour des raisons évidentes de productivité et d’optimisation, l’intelligence artificielle (IA), en particulier l’IA générative, est devenue un investissement incontournable dans plusieurs secteurs, y compris celui de l’assurance. 

Ce point est abordé dans l’Indice de santé mentale d’avril 2024 de Telus Santé, qui s’est penché sur l’accueil réservé à l’IA dans le milieu des entreprises, et son impact sur la santé mentale des travailleurs.

Sur les 3000 personnes interrogées, 80% n’en ont pas encore eu l’utilité et quand on les questionne sur leurs appréhensions face à l’IA au sein de leur entreprise, 57% des travailleurs n’ont pas vraiment de « préoccupations » à ce sujet, disposant alors d’un score de santé mentale de 69,3, contre 64 (moyenne nationale) pour ceux qui s’interrogent sur les effets de l’IA dans leur entreprise.

Toutefois quand la question leur est posée au sujet de l’impact de l’IA sur le stress professionnel, si près de la moitié (45%) considèrent que celle-ci ne saurait avoir d’incidence particulière, le reste semble un peu plus préoccupé avec 26% de répondants craignant que leur emploi change, et 14% craignant que leur emploi soit supprimé, ces derniers obtenant le pire score de santé mentale (51,8). 

Un accueil varié 

Le rapport met en lumière les cinq grands secteurs d’activité où l’on utilise le plus l’IA, incluant celui des services financiers et assurances.

Les travailleurs questionnés sur leur statut au sein de l’entreprise, leur âge et leur revenu annuel appréhendent plus ou moins différemment l’utilisation de cet outil et son incidence sur le stress professionnel.

L’étude permet d’établir que les travailleurs dont le revenu annuel du ménage est inférieur à 100 000 dollars sont 50% plus susceptibles de craindre que leur emploi soit supprimé, comparativement aux travailleurs dont le revenu annuel du ménage est supérieur à 100 000 dollars.

Parmi les travailleurs, les plus jeunes sont plus susceptibles de craindre pour leur emploi (70% pour les moins de 40 ans). Enfin ce sont les gestionnaires qui sont pour 40% plus susceptibles de craindre de voir leur emploi changer. L’utilisation de l’IA varie également en fonction de l’âge des employés puisque les moins de 40 ans sont trois fois plus nombreux que les travailleurs de plus de 50 ans à l’avoir utilisée.

Quand Telus mesure l’indice de santé mentale des travailleurs qui utilisent l’IA, celui-ci est de 63,2 contre 64,4 pour ceux qui n’en font pas usage. Encore faut-il pouvoir déterminer clairement si cette différence est due ou non à la seule utilisation de l’IA ou si d’autres facteurs interviennent. 

Impacts sociétaux

Dans une étude de 2024, l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (Obvia) évalue les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique. Si l’enjeu pour les travailleurs est de savoir si l’IA peut représenter une menace ou non pour leur emploi et/ou leur rémunération, l’Obvia indique que le problème se pose sous plusieurs aspects, à commencer par la reconnaissance de son utilisation.

Il explique que quand on observe l’utilisation des technologies de pointe au sein des entreprises du Québec, par exemple, l’IA ne représente qu’une part de 5%. Ce constat peut s’expliquer par une difficulté à mesurer les réels impacts de l’IA dans le milieu du travail, peut-on lire. Par ailleurs, si l’IA est génératrice d’espoir et de craintes à la fois, c’est que les travailleurs peinent à identifier son utilisation, sûrement en raison de son déploiement graduel au sein des entreprises.

À cela s’ajoute le manque de recul pour calculer et déterminer le nombre d’emplois supprimés et le nombre potentiel d’emplois générés par l’utilisation de l’IA.

L’Obvia insiste toutefois sur la nécessité de continuer d’évaluer les enjeux sociétaux – qui diffèrent selon les secteurs dans lesquels l’IA peut être utilisée – sur le long terme et à large échelle. Les chercheurs pointent à cet égard les enjeux éthiques et la nécessité d’une régulation en fonction des axes sous lesquels ces enjeux sont observés, qu’il s’agisse du droit d’auteur par exemple, ou encore de l’encadrement juridique de l’IA, dans son utilisation (ex. respect de la vie privée) comme dans sa réception (dans les médias).

Enfin, les chercheurs insistent sur cette nécessité pour le bien-être et la santé mentale des travailleurs qui doit rester une priorité selon eux, en particulier au moment de déterminer les effets de l’utilisation de l’IA au travail : conduit-elle, par exemple, à une amélioration des conditions de travail ou au contraire à un manque de reconnaissance ?

Si les investissements privés dans l’IA dépendent encore des secteurs dans lesquels elle est clairement utilisée, les gouvernements eux, soutiennent son développement, indique-t-on, avec notamment près de 700 millions de dollars versés depuis 2017 au Québec dans la recherche et le développement de l’IA, dont 164 millions ont été attribués à « des partenaires clés » pour l’intégration de l’IA dans les entreprises, et 81 milliards de dollars investis dans la formation professionnelle au Québec.