Alors qu’un pourcentage élevé de Canadiens ne sont pas assurés et qu’il est difficile de recruter et conserver de nouveaux conseillers, des dirigeants de l’industrie pensent que les jeunes devraient entendre parler de finances et d’assurance vie plus tôt pendant leur parcours scolaire. La nouvelle génération serait alors plus sensibilisée à l’assurance et à la carrière de conseiller, estiment les participants à une table ronde des présidents d’assurance qui s’est déroulée au Congrès de l’assurance de personnes 2022, le 15 novembre à Montréal.
Parmi les trois panélistes invités, Denis Ricard a insisté sur l’importance de ne pas réglementer le secteur de la distribution au point de décourager les conseillers de rencontrer les clients moins nantis (voir ses propos dans le Journal de l’assurance de décembre 2022). Selon le président et chef de la direction d’iA Groupe financier, ces clients pourraient se tourner vers des plateformes en ligne s’ils n’ont pas de conseiller. Il serait illusoire de penser que ces clients achèteront leur assurance vie en ligne de leur propre chef, a-t-il dit.
Chef de la distribution et co-président de Plan de Protection du Canada (PPC), Michael Aziz croit que sensibiliser les jeunes aux finances personnelles tôt dans leur parcours scolaire pourrait être l’une des solutions. « Il devrait y avoir plus d’éducation financière à l’école primaire et secondaire. On y parle de tous sauf de nos finances (personnelles). Ma fille de 11 ans ne sait pas ce que sont les actions, les obligations, l’assurance… Si on en faisait plus dans les écoles, peut-être qu’en grandissant les enfants seraient plus intéressés et chercheraient de l’assurance d’eux-mêmes, comme ils le font pour un comptable ou un avocat », suggère M. Aziz.
Ou peut-être leurs parents voudraient-ils un jour voir leurs enfants devenir vendeurs d’assurance, comme d’autres veulent devenir médecins, a-t-il lancé avec une pointe d’ironie. « Combien d’entre vous ont commencé dans la carrière en disant qu’ils voulaient devenir vendeurs d’assurance », a-t-il demandé à son auditoire principalement composé de conseillers.
Une profession qui aide les gens
Michael Aziz a alors relaté comment il a amorcé sa carrière dans la profession, à l’Impériale Vie, une compagnie fusionnée à Desjardins en 2001. C’était après avoir lu une annonce dans le quotidien The Toronto Star… sans savoir dans quoi il s’embarquait. « Je me suis retrouvée dans un domaine où on aide les gens. C’est ce qu’on fait ! » M. Aziz a l’impression que la réputation du conseiller est parfois celle de vouloir vendre à tout prix.
Denis Ricard raconte avoir assisté à une grande évolution des perceptions à cet égard. « La profondeur des conseillers a tellement augmenté ! Au début de ma carrière, je les voyais comme des vendeurs. Maintenant, je les vois comme des conseillers », dit celui qui s’est joint à iA Groupe financier en 1985 à titre d’analyste en actuariat.
Le PDG d’iA a rapporté une anecdote pour appuyer ses propos. Elle témoigne aussi des bienfaits que peut procurer le conseiller financier aux plus jeunes. M. Ricard a recommandé un conseiller à ses propres enfants devenus professionnels, et pourtant inquiets de leur avenir financier. « Aujourd’hui, ils sont confiants et sécurisés face à leur avenir, parce que le conseiller les a écoutés, a préparé un budget avec eux et les a aidés à cheminer dans leurs besoins », explique-t-il.
50 % de Canadiens sans plan
Président et chef de la direction de Sun Life Québec, Robert Dumas, compte aussi sur l’éducation pour éveiller les consciences. « Plus il y aura de littératie financière tôt dans le parcours scolaire, plus la profession sera reconnue comme les autres. C’est une question de long terme », a dit M. Dumas. Il ne croit pas à une solution à court terme pour juguler la pénurie de conseillers. « Comme pour la pénurie de personnel dans les restaurants, il va falloir apprendre à vivre avec », ajoute-t-il.
Robert Dumas croit à l’approche globale. Selon ses observations, 30 % des Canadiens ne sont pas assurés. Mais il estime plus important de parler d’abord de plan financier, alors que 50 % de Canadiens n’en ont pas selon lui. « La base, c’est le plan financier. Après, ce seront peut-être des produits d’assurance ou des produits de placements. Il faut arrêter de parler d’assurance au départ, et plutôt demander “Avez-vous un plan financier ? Savez-vous où vous allez ?”. Ce sera la clé. Parce que quand j’arrive pour parler d’assurance, là j’ai l’air d’un vendeur. »
Rajeunir la force de vente
Pour sa part, Michael Aziz a signalé qu’il est important de rajeunir la force de vente. « L’industrie a besoin de conseillers plus jeunes », soutient le chef de la distribution et co-président de PPC. « Le client de 30 ans ne veut pas nécessairement faire affaire avec un conseiller de 60 ans. En premier, nous devons recruter plus de jeunes. Ils ont une mentalité et des moyens de communiquer différents, que ce soit par messages textes, Facebook, TikTok ou Instagram », croit-il.
M. Aziz dit qu’il faut aussi faciliter le mentorat, rappelant qu’il est dur pour les nouveaux conseillers de s’établir dans la carrière. « Il faut que les conseillers expérimentés, actifs depuis 20-25 ans, puissent partager leur bloc d’affaires avec de plus jeunes conseillers. Si le jeune conseiller a des clients à appeler en commençant, il aura plus de succès. S’il contacte des parents, il peut développer le marché des enfants, alors qu’on sait que les jeunes sont moins assurés », conseille-t-il.
Robert Dumas signale quant à lui que chez les moins de 40 ans, la recherche d’un conseiller commence avec Internet. « Il faut aider les jeunes conseillers à avoir leur marque de commerce sur l’Internet. Nous le faisons de manière soutenue, car cela deviendra une porte d’entrée », plaide M. Dumas.
Il croit que les conseillers présents sur le Web avec une marque solide pourraient créer un effet boule de neige. S’il en résulte une demande qui surpasse l’offre, la rémunération des conseillers augmentera inévitablement, selon lui. « Ces conseillers en attireront d’autres. Je suis optimiste et je ne vois pas une hécatombe », a-t-il dit au sujet du manque de relève.
Cet article est un Complément au magazine de l'édition de décembre 2022 du Journal de l'assurance.