L’Autorité des marchés financiers a terminé sa consultation au sujet des véhicules automatisés et connectés (VAC). L’exercice a été conclu le 4 février dernier, après avoir été prolongé de deux semaines. Le régulateur réfléchit à la possibilité de mettre sur pied un comité consultatif sur ce sujet particulier. 

La consultation avait été lancée le 20 octobre dernier par la publication d’un document de réflexion sur les véhicules automatisés et connectés. L’exercice s’inscrivait dans le cadre du plan stratégique 2021-2025 de l’Autorité, sous l’objectif d’exercer un leadership de réflexion et d’action sur des enjeux actuels et émergents. 

« L’émergence des VAC sur nos routes nous rappelle que le développement des innovations technologiques s’étend à tous les domaines de l’activité humaine, avec des répercussions qui offrent une abondante matière à réflexion, notamment sur le plan de la responsabilité en cas d’accident », indiquait Louis Morisset, PDG de l’Autorité, dans le communiqué qui accompagnait le document de réflexion.

Résultats 

Sylvain Théberge, directeur des relations médias à l’Autorité, indique que le régulateur analyse actuellement l’ensemble des mémoires reçus afin de cibler les grands thèmes porteurs, les constats et les enjeux qui baliseront les prochaines étapes.

Il ajoute qu’un sommaire des commentaires faits sur les 34 questions posées dans le document de réflexion pourrait être publié. « Cela nous permettra de structurer les travaux du comité consultatif que nous envisageons de mettre sur pied », souligne M. Théberge dans un courriel. 

S’il voit le jour, ce comité consultatif « permettra dans un premier temps de discuter des constats qui se seront dégagés lors de la consultation », poursuit-il. Le comité tentera ensuite de faire évoluer la compréhension collective des enjeux reliés aux VAC. 

Le porte-parole de l’Autorité se dit satisfait de la participation à l’activité de consultation. « Le taux de réponse est très intéressant et plus intéressant encore, les mémoires proviennent d’intervenants non traditionnels, c’est-à-dire que nous avons rejoint une clientèle hors du domaine de l’assurance et cela apporte des points de vue différents », écrit M. Théberge. 

Des questions 

Le document de réflexion comptait quatre grands thèmes et posait 34 questions, dont les suivantes :

  • Le régime public d’assurance : on souligne notamment dans le document de réflexion que le Bureau d’assurance du Canada (BAC) s’est prononcé en faveur de l’approche en vigueur au Royaume-Uni en recommandant la mise en place d’une police d’assurance unique couvrant à la fois les erreurs humaines, les défectuosités des technologies automatisées et les dommages causés par le piratage informatique. Est-ce qu’une solution similaire est envisageable au Québec relativement au régime d’assurance sans égard à la faute ? Le maintien du régime est-il souhaitable pour tous les véhicules durant la période où les voitures conventionnelles continueront de partager la route avec les VAC ? 
     
  • Le régime privé d’assurance avec des sous-thèmes sur le régime de responsabilité, le Fichier central des sinistres automobiles (FCSA) et la convention d’indemnisation directe (CIR) : de façon générale, les polices d’assurance automobile reposent sur la responsabilité civile de la personne assurée du fait qu’elle est propriétaire du véhicule, qu’elle le conduit ou en fait usage. Cette notion de l’usage devrait-elle être revue dans les polices ? Faut-il adapter la notion de conducteur ? Comment se passe le partage de la responsabilité si un véhicule traditionnel est impliqué dans un accident avec un VAC, et si une erreur humaine de même qu’une défaillance du système sont en cause toutes les deux lors d’un accident ? 
  • Les nouveaux modèles d’affaires : l’assuré qui devient le passager d’un VAC pourrait ne plus être visé par la présomption légale de responsabilité en cas de dommages matériels causés lors d’un accident. Cette présomption est-elle reportée sur les constructeurs ou les fournisseurs de logiciels ? Dans quel ordre faudra-t-il faire intervenir les différentes polices ? Quels seraient les impacts pour les assureurs dits traditionnels de l’arrivée des constructeurs automobiles ou des géants de l’Internet sur le marché de l’assurance ? 
     
  • La cybersécurité et la protection des renseignements personnels : l’exposition des VAC aux cyberattaques constitue un facteur de risque additionnel à prendre en considération. Qui sera chargé de la gestion des données et des renseignements personnels ? Le BAC recommande de créer une convention de partage des données. Est-ce envisageable et réalisable ? Comment et par qui devraient être établies les normes en matière de cybersécurité dans l’industrie automobile ? 
Mémoire du BAC 

Dans son mémoire soumis à l’Autorité et dont nous avons obtenu copie, le Bureau d’assurance du Canada (BAC). Concernant le FCSA, le Bureau estime qu’il devra également inclure l’historique des sinistres du véhicule automatisé et connecté et de ses composantes, de même que des sinistres de l’opérateur et du fabricant. 

À la question 25 portant sur l’offre d’assurance par les géants de l’Internet, le BAC est d’avis que toutes les nouvelles entreprises qui souhaitent offrir de l’assurance ainsi que leurs réseaux de distribution doivent suivre le même cadre réglementaire applicable aux assureurs dits « traditionnels ». 

Le BAC souligne qu’il faut aussi réfléchir à l’accès aux données pour la souscription et le règlement de sinistre. L’obligation de déclarer les faits pertinents est importante pour ces deux activités d’assurance. La notion de « fait pertinent » à l’évaluation du risque devra évoluer avec l’arrivée des VAC. « Cette question est complexe et nécessitera que l’industrie et l’Autorité s’y repenchent tout au long des travaux », écrit le BAC dans son mémoire. 

« Une réflexion s’impose sur le risque systémique que peut poser une cyberattaque sur la solvabilité des assureurs, voire de l’industrie dans son ensemble », ajoute le BAC.

Le soutien du gouvernement en cas de catastrophe doit aussi être l’objet d’une réflexion en profondeur. Autrefois, l’incendie était le sinistre le plus fréquent pour les assureurs, souligne le Bureau. « L’article 2486 du Code civil du Québec puise sa source dans ce fait historique pour exclure du contrat d’assurance les incendies et explosions résultant d’un risque systémique comme une guerre étrangère ou civile, un cataclysme ou un mouvement populaire », conclut le BAC dans son mémoire.