Plutôt que de constituer un réseau parallèle d’agents, AXA Assurances veut couper l’herbe sous le pied des assureurs directs en s’imposant comme acheteur de dernier ressort à l’entrepreneur qui a décidé de quitter le courtage.En novembre dernier, durant le congrès du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), Bernard Boiteau, vice-président exécutif opérations IARD chez AXA Assurances, a affirmé que sa compagnie était prête à acheter des cabinets et à les transformer en cabinets d’agents. Il avait fait cette sortie vu la recrudescence d’offres d’achat à des cabinets par les assureurs directs Promutuel, TD Meloche Monnex et La Capitale. La déclaration de M. Boiteau a créé une onde de choc à travers le Canada.

« En disant que nous sommes prêts à acheter des cabinets et à les transformer en cabinets d’agents, les courtiers auront maintenant le choix de venir frapper chez AXA et non d’aller uniquement du côté des directs. Nous voulons faire opposition aux directs. AXA veut devenir un acheteur potentiel, bien que nous n’ayons reçu aucune demande jusqu’à maintenant. C’est une avenue de dernier ressort que nous prenons », concède-t-il.

La sortie de M. Boiteau vise également à faire cesser la surenchère concernant la vente de certains bureaux de courtage. Selon lui, il est complètement faux que des cabinets de courtage se fassent acheter à un prix dépassant 50 à 60 % de leur valeur.

« Ce n’est pas vrai que les assureurs directs achètent des bureaux de courtage à un prix quatre fois et demi plus élevé que ce qu’ils valent vraiment. Ce sont des gens d’affaires eux aussi. Ils ont des comptes à rendre. La réalité est toute autre que ce que certains courtiers laissent entendre », assure-t-il.

Décroissance des courtiers

Selon le vice-président exécutif d’AXA, une des raisons principales des ventes de cabinets de courtiers aux directs est qu’aucun courtier n’est capable de rivaliser avec les moyens financiers des mutuelles. C’est pourquoi AXA veut aider les courtiers à acquérir des cabinets.

« Nous avons lancé ce débat pour freiner l’acquisition de cabinets de courtage par des assureurs directs. Notre intention n’est pas de créer un réseau parallèle, mais on doit prendre des mesures. Je suis d’ailleurs sûr qu’on devra acheter un cabinet pour éviter qu’il se fasse acheter par un direct. C’est extrêmement défensif ce qu’on fait, mais c’est aussi progressif pour le réseau de courtage », indique M. Boiteau.

À ceux qui objectent que ce genre de scénario ne se produit qu’en région, M. Boiteau répond qu’il considère que la Montérégie n’est pas loin de Montréal!

AXA veut ainsi mettre fin à la décroissance du secteur du courtage avec sa proposition. Les parts de marché des directs augmentent de 1,5% par année depuis vingt ans, rappelle M. Boiteau.

« C’est une frustration de voir la décroissance qui existe dans le réseau des courtiers et de voir la croissance des directs. Nous dépensons énormément d’argent pour aider les courtiers à mieux vendre. On voit tout de même le marché des directs prendre une croissance énorme et posséder 50 % du marché », souligne M. Boiteau.

AXA veut également que le réseau de courtage évite de revivre ce qui s’est passé en 1988, alors que Desjardins s’est lancé en assurance.

« Tout le monde croyait que Desjardins ne durerait pas. Les directs achètent encore plusieurs cabinets par année et La Capitale fait encore des offres. Va-t-on simplement regarder cela? Va-t-on attendre que le Groupe Promutuel ait 50 % du courtage? Non. Pas question », tempête M. Boiteau.

Celui-ci précise que l’objectif premier d’AXA est de faire affaires avec des courtiers.

« Nous ne voulons pas que le réseau du courtage s’effrite aux mains des directs. Nous ne baisserons pas les bras comme l’industrie l’a fait avec Desjardins en 1988. Nous voulons agir », lance M. Boiteau.

Entreposage temporaire

Celui-ci ne cache pas que sa proposition est complexe. AXA envisage-t-elle de transférer éventuellement ces cabinets achetés à des courtiers? M. Boiteau souligne cependant qu’AXA ne veut pas s’engager à transférer obligatoirement ces cabinets à d’autres courtiers, mais affirme que c’est probablement ce qu’AXA devra faire.

« Ce n’est pas facile ce que nous proposons. Nous ne voulons pas créer un réseau d’agents. Si AXA est obligé de concurrencer les prix des mutuelles, c’est parce qu’un autre courtier ne sera pas en mesure d’acheter », précise-t-il. Et ces cas seront marginaux. M. Boiteau estime qu’à peine 2 à 3 % des cabinets recevront des offres d’achat du réseau des directs au cours des cinq prochaines années. AXA veut être là dans ces cas là.
Du côté d’Aviva, on se dit également prêt à acheter des cabinets.

« Aviva désire voir le réseau de courtiers indépendants prospérer. C’est pourquoi nous sommes disposés à intervenir dans l’arène des acquisitions et des ventes, explique Patricia St-Jean, vice-présidente de l’exploitation pour Aviva au Québec, dans une note distribuée à ses courtiers et dont le Journal de l’assurance a obtenu copie.

L’assureur préfère cependant participer au jumelage des acheteurs et des vendeurs, mais se dit prêt à acquérir un cabinet pour le garder temporairement.

« Nous sommes également prêts à acquérir un cabinet de courtage pour le garder de façon temporaire. L’objectif est ensuite de le revendre à un courtier Aviva dans les meilleurs délais. C’est ce que nous nommons l’entreposage temporaire. Il ne s’agit pas de notre démarche préférée, mais pour protéger nos activités et pour aider le réseau des courtiers à demeurer indépendant, nous sommes prêts à jouer ce rôle », ajoute Mme St-Jean.

M. Boiteau esquisse un sourire devant cette offensive. « Cela fait 15 ans qu’on le fait », dit-il. Ainsi, AXA a un budget pour aider des courtiers à en acheter d’autres. Et quelques fois, AXA essuie une perte sur la vente. ING fait de même, dit-il.