L’élaboration du plan de succession de GPL Assurance a amené ses dirigeants à considérer différentes options pour assurer la viabilité de l’entreprise. Au final, l’acquisition de GPL par Arthur J. Gallagher s’est avérée être la meilleure option.

« Lorsque nous avons décidé de faire notre plan de succession il y a plusieurs années, nous avons établi des critères. Notre préoccupation première était la continuité de l’entreprise telle qu’on l’a bâtie depuis 10 ans », explique Louis-Thomas Labbé, président et chef de la direction de GPL, en entrevue avec le Journal de l’assurance.

Parmi ces critères, M. Labbé nomme une forte présence internationale et aux États-Unis, des spécialités et une culture entrepreneuriale qui rejoint celle du cabinet, entre autres. En tenant compte de toutes les exigences, une entreprise leur est venue à l’esprit : Arthur J. Gallagher.

« Le choix nous est apparu assez facilement et la chimie était bonne. Pour eux aussi, c’était le bon moment. On a tout de même considéré d’autres alternatives. Après avoir fait ma diligence appropriée, on ne s’est pas trop posé la question. Les gens de Gallagher devaient être prêts. Ils l’étaient ! Ils ont dû se rendre compte qu’un bureau comme nous, ça ne passe pas souvent. Ils ont saisi l’opportunité. C’était un peu comme un mariage de raison », ajoute-t-il.

Si GPL n’avait pas nécessairement une pancarte À vendre affichée sur le marché, M. Labbé affirme que les gens ne sont pas dupes. « Quand les dirigeants arrivent à un certain âge, ce serait illogique et immature de ne pas parler de succession. Ça se parlait dans l’industrie. Plusieurs nous demandaient quand nous nous retirerions. Ça faisait quelques années que ça nous trottait dans la tête », dit M. Labbé, qui dirige l’entreprise avec Charles Proulx et Louis Proulx.

D’après M. Labbé, c’est la clientèle prestigieuse, des bureaux solidement implantés, un mélange d’employés jeunes et d’autres une bonne expertise qui ont charmé Gallagher. « On leur donne une entreprise qui a de la relève, avec des directeurs de division âgés de 42 à 47 ans qui ont de l’avenir, des expériences antérieures riches et des processus budgétaires et financiers bien établis. Ils ont une entreprise clé en main qui présente moins de risque pour eux », souligne-t-il.

Pour Arthur J. Gallagher, cette acquisition signifie l’entrée du cabinet sur le marché québécois, une étape importante pour leur expansion au pays. « Une entreprise se doit d’avoir une présence au Québec, la deuxième province en importance au Canada. Surtout que ces temps-ci, le chômage est à son plus bas et la croissance économique atteint des sommets qu’on n’a pas vus depuis longtemps. Le timing est bon pour Gallagher », soutient M. Labbé.

Consolider ses niches

Et le travail est déjà commencé entre GPL et Gallagher. Moins de deux semaines après l’acquisition, une rencontre avec Gallagher s’est organisée pour discuter d’un nouveau programme national dont GPL pourra bénéficier.

« Il existe déjà dans le reste du Canada. Il lui manque une partie importante, soit le Québec. Avec nous, ils sont surs d’aller chercher le marché. On va travailler à ce que ça marche », précise M. Labbé, sans donner plus de détails sur la nature du programme.

De plus, l’accès à davantage de spécialistes et à un réseau international important permettra à GPL de consolider sa position dans quelques-unes de ses niches. Louis-Thomas Labbé en a identifié cinq dont les perspectives pour le futur sont positives.

D’abord, l’industrie de la construction, pour laquelle GPL a une équipe d’une dizaine de personnes qui y sont dédiées à temps plein. « Le Canada sera le cinquième marché en importance au monde dans les cinq prochaines années. Tout est à refaire. Nous voulons être positionnés comme un joueur important à ce moment-là », indique M. Labbé.

L’ingénierie est la deuxième industrie à surveiller selon lui. « Un de nos gros clients est un important bureau d’ingénieurs. Pour nous, l’objectif est de continuer dans cette veine afin de bien les appuyer. »

Le troisième secteur sur lequel GPL veut se concentrer est celui des énergies renouvelables, dans lequel le cabinet compte plusieurs clients. « Il s’agit d’un domaine du futur dans lequel Gallagher a une bonne experte », précise M. Labbé.

Par ailleurs, GPL est bien implanté dans l’industrie maritime, comptant cinq clients d’envergure, dont le plus important chantier au Canada, celui de Chantier Davie, implanté à Lévis. GPL souhaite consolider sa position dans ce segment.

« La stratégie du gouvernement québécois est d’exploiter les voies maritimes, les ports, afin de faciliter le commerce pour l’accès et la distribution. C’est en développant les infrastructures que les entreprises s’installent ici. Sinon, c’est un frein au développement économique. Nous y voyons-là une bonne occasion d’affaires. »

Finalement, un autre secteur important pour le cabinet est l’intelligence artificielle. Le cabinet compte d’ailleurs une division spécialisée dans l’économie de savoir depuis cinq ans, au sein de laquelle une dizaine de personnes s’y consacrent.

« Tout le savoir qu’on peut aller chercher avec Gallagher, on va l’utiliser comme levier et le mettre à profit pour notre clientèle. Nous sommes une entreprise très entrepreneuriale. C’est d’un grand attrait pour notre clientèle. On reste agressifs, on veut bien servir nos clients. Ils aiment sentir que quelqu’un est là pour les aider. Maintenant, nous allons avoir un grand frère pour nous donner un coup de main », indique M. Labbé.

Pas d’ambition hors Québec, mais ouverture à des acquisitions

Comme M. Labbé l’avait révélé au Journal de l’assurance en 2014, GPL n’a pas d’ambitions dépassant les frontières du Québec. Les entreprises québécoises ayant leur siège social ici, mais dont le rayonnement est de niveau national ou même mondial demeurent les clients cibles du cabinet.

« On a un partenaire qui a des bureaux à travers le Canada. Nous n’avons donc pas besoin d’aller chercher des clients de l’Ontario ou de la Colombie-Britannique. On va continuer à se concentrer sur les entreprises d’ici. On va le faire avec plus de succès parce qu’on va avoir plus de muscles avec Gallagher », spécifie-t-il.

Devenir le pilier de Gallagher au Québec permettra à GPL d’avoir les moyens financiers pour faire des acquisitions, indique M. Labbé. « Les acquisitions sont très envisageables. On a même des cibles. On n’est pas pressé de le faire. Il faut que ce soit d’un commun accord », révèle Louis-Thomas Labbé.

D’ailleurs, M. Labbé s’enorgueillit du fait que Gallagher accordera une certaine liberté à GPL, tant que l’entreprise livre la marchandise. « La mode n’est plus à la centralisation. Mon rôle est de protéger ce que l’on fait et de dire à Gallagher qu’au Québec, c’est un marché différent : on parle une langue différente, nos lois sont différentes, voici comment on opère, laissez-nous fonctionner avec ça. »

Pour les employés et les dirigeants de GPL, c’est « business as usual », dit le PDG. Il n’y aura pas de coupure de postes, pas de rationalisation, ni de synergie. L’impact sur les employés est mineur. « Plusieurs personnes qui travaillent pour nous sont venues d’autres boites. On voulait que ces employés continuent de croire dans le futur de leur carrière chez nous », dit M. Labbé. Plusieurs rencontres ont été organisées avec les employés pour s’assurer que chacun se sente bien et pour répondre à leurs questions, ajoute-t-il.

Pour les clients du cabinet, qui sont de moyennes entreprises, les impacts de la transaction seront « négligeables », puisque ceux-ci ont généralement des activités surtout au Canada. Or, pour les clients de plus grande taille à portée internationale, la force de Gallagher derrière GPL se veut rassurante.

« Ça les réconforte de savoir qu’on va continuer d’exister et qu’on va bénéficier de la force d’un grand joueur international », relate M. Labbé. Gallagher compte 66 bureaux aux États-Unis, 25 000 employés à travers le monde et couvre 156 pays. Ses revenus se chiffrent à 5,6 milliards de dollars (G$) et sa valorisation boursière est à 10 G$.

La réaction de la part des fournisseurs de GPL a été la même. « Leur rétroaction est très positive. J’ai reçu des appels d’assureurs avec qui on fait affaire depuis plusieurs années et ils se sentent en sécurité. Ils savent qu’on ne changera pas et que l’on continuera à faire affaire avec eux. Mais plutôt que d’avoir 5 ou 10 millions de volumes avec eux, on va en avoir 50 ou 100. Dans ce temps-là, la relation est toujours meilleure », ajoute-t-il à la blague.