Le gouvernement libéral s’est trouvé de nouveaux adversaires dans ses démarches pour faire adopter le projet de loi 141. L’ancien ministre Alain Paquet, Bertrand Larocque, professionnel bien connu dans l’industrie et Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services financiers, ont joint leurs forces pour faire entendre leur voix.

Leur liste de récriminations contre le projet de loi 141 est longue : élimination de règles importantes, assouplissements inquiétants, préférence à des vendeurs plutôt qu’à des professionnels et absence d’imputabilité n’en sont que quelques-unes.

Les consommateurs sont les grands perdants

« C’est un projet de loi qui fait de grands gagnants, les institutions financières ainsi que les assureurs, et de grands perdants, les consommateurs. C’est très inquiétant. Ces aspects du projet de loi proposent un retour en arrière de près de 30 ans, époque où les intérêts commerciaux primaient sur ceux des citoyens. Le ministre doit poursuivre les consultations et accepter d’écouter ceux qui ne pensent pas comme lui. Nous lui tendons la main », a lancé M. Paquet.

Refus de les entendre

En entrevue avec le Journal de l’assurance, ils ont confié qu’ils auraient voulu les faire entendre au ministre Carlos J. Leitão. Or, on ne les pas invités à le faire. Le tout a de quoi surprendre lorsque l’on considère que M. Paquet est un ancien ministre délégué aux Finances pour le Parti libéral du Québec. Il a même présidé la Commission des finances publiques, qui a tenu les audiences du projet de loi 141. Il en a fait partie de 2003 à 2014.

Qu’à cela ne tienne, il s’est invité à la table, témoignant en compagnie des représentants d’Option consommateurs et de la Coalition des associations de consommateurs du Québec. Il ne cache pas que sa présence a causé une certaine surprise lors des audiences de la commission parlementaire.

On ne voulait pas les entendre

Les trois hommes sont catégoriques. S’ils n’ont pas été entendus en commission parlementaire, c’est parce que le gouvernement ne voulait pas entendre leur voix. M. Paquet se dit surpris que seulement 29 groupes aient été entendus dans le cadre de cette commission parlementaire qui porte sur un projet de loi qui comporte 700 articles. Ils affirment qu’ils seraient appelés si quelqu’un se désistait. Ce ne fut pas le cas, disent-ils.

M. Larocque s’est par ailleurs dit dubitatif face au fait que l’Institut québécois de la planification financière (IQPF) se soit fait remplacer dans l’agenda de la Commission des finances publiques par l’Association de l’industrie des guichets automatiques ATM. « On l’a trouvée bonne. Ça montre qu’on ne voulait pas nous entendre », dit-il.

Pas de planification à long terme

M. Gauthier dit s’inquiéter du manque de planification à long terme face au dépôt du projet de loi 141. « Nous voulions être entendus sur ces points. J’ai du respect pour le ministre et pour le processus de consultation. Malheureusement, nous n’avons pas eu ce même respect. C’est pourquoi nous nous sommes regroupés et que nous nous sommes donné ce droit de parole », dit-il.

Les trois hommes assurent qu’ils n’ont pas de plan pour la suite. Ils disent ne pas vouloir aller plus loin que donner leur point de vue sur la question si on le leur demande.

Rosaire Bertrand aussi préoccupé

M. Paquet a aussi fait la démarche de joindre Rosaire Bertrand, ancien ministre péquiste et ancien président de la Commission des finances publiques. M. Bertrand n’a pas pu se joindre au trio pour des raisons de santé. M. Paquet a toutefois obtenu la permission de M. Bertrand de faire savoir qu’il partageait leurs préoccupations face aux dispositions du projet de loi 141.

D’ailleurs, un point qui les préoccupe particulièrement est qu’à leurs yeux, le projet de loi 141 parle de produits et non pas de conseil. « C’est aberrant ! », clament-ils.

« La Terre va arrêter de tourner »

Les trois hommes se demandent pourquoi le gouvernement est si pressé de faire adopter ce projet de loi. M. Gauthier lance d’ailleurs que le gouvernement donne l’impression que la Terre cessera de tourner s’il ne l’est pas, un argument que reprennent les grandes institutions financières, dit-il.

Les trois hommes lancent un avertissement aux institutions financières empressées de voir le projet de loi être adopté. « Elles ne sont pas contre les consommateurs. Toutefois, elles agissent toujours dans leur intérêt premier. Ont-elles bien réfléchi aux implications qu’aura le projet de loi 141 dans cinq ou dix ans ? Je n’en suis pas convaincu », dit M. Paquet.

Comment juger un règlement qui n’est pas écrit ?

Maxime Gauthier ajoute que le projet de loi 141 vient avant tout remplir des trous, ce qu’il juge anormal. « Ce n’est pas ce que doit être un projet de loi », dit-il.

Il donne pour exemple la vente d’assurance par Internet. Le projet de loi 141 indique que l’Autorité des marchés financiers érigera un cadre pour la règlementer. « Comment peut-on s’assurer qu’il sera adéquat ? On ne l’a même pas vu ! »

M. Gauthier dit avoir beaucoup de respect pour l’Autorité et son PDG Louis Morisset. Il juge toutefois délicat que ce dernier ait eu à témoigner devant le ministre des Finances, qui en fin de compte, est son patron. « Est-ce sain ? », se questionne-t-il.