Le 23 mars dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré Jean-François Salvail (certificat no 130 180, BDNI no 1825271) coupable des quatre chefs de la plainte. La sanction sera déterminée à la suite d’une prochaine audience.

À Repentigny en octobre 2008, l’intimé n’a pas recueilli tous les renseignements et procédé à l’analyse complète et conforme des besoins financiers (ABF) de son client et de son entreprise alors qu’il faisait souscrire une proposition d’assurance (chef 1). Ce geste contrevient à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentant.

Envers le même client, entre les mois d’octobre 2015 et février 2016, l’intimé ne s’est pas acquitté du mandat confié par son client en ne transmettant pas les renseignements demandés par l’institution financière (chef 2). L’intimé a ainsi contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre.

L’infraction mentionnée au chef 3 est la même que celle admise au chef 1 et concerne une ABF faite en mai 2011 pour un autre client et son entreprise de Candiac, et toujours en contrevenant à l’article 6 du Règlement sur l’exercice des activités de représentant.

Puis, en décembre 2011, l’intimé a contrefait ou permis que soit contrefait la signature du même client sur un « Reçu pour police livrée » et sur une « Acceptation des modifications » pour la police d’assurance (chef 4). Ce geste contrevient à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Le comité ordonne l’arrêt conditionnel des procédures sous chacun des chefs d’infraction quant aux autres dispositions invoquées à leur soutien.

La preuve

L’intimé a reconnu sa culpabilité aux deux premiers chefs de la plainte. L’audience tenue le 9 janvier 2020 a servi à entendre la preuve sur les deux autres chefs.

Le client mentionné aux chefs 3 et 4 a témoigné à cette occasion. Il est conseiller en système de gestion intégré et chef de projet pour l’entreprise dont il est l’unique actionnaire. Il se paie en dividendes à même les revenus de consultation et de loyer de deux immeubles à revenus détenus par l’entreprise. L’un de ces immeubles est grevé d’une hypothèque en faveur de la Banque Nationale.

Le client a rencontré l’intimé alors qu’il atteignait l’âge de 55 ans en vue d’une offre de service en planification financière. Il planifiait alors prendre sa retraite à 65 ans.

L’annexe A de l’ABF signé par l’intimé comprend l’inventaire des contrats en vigueur, où il est indiqué que le client n’a aucune police d’assurance en vigueur. Le client ne se souvient pas de cette annexe et affirme avoir indiqué à l’intimé qu’il détenait deux polices d’assurance vie auprès de l’Industrielle Alliance, pour un capital de 550 000 $. Les primes mensuelles totalisaient environ 700 $. Le client a résilié les deux polices en janvier 2012 en suivant les conseils de l’intimé.

Lors de leur première rencontre, l’intimé aurait suggéré au client de contracter une police d’assurance vie pour réduire ses impôts à la retraite et utiliser cette police afin de garantir ses emprunts. La police est souscrite auprès de Sun Life du Canada. Elle prévoit un capital assuré de 500 000 $ sur la vie du client, le bénéficiaire étant son entreprise.

La prime était de 2 354 $ par mois, montant qui était déduit d’une marge de crédit hypothécaire de 25 000 $. Lorsque la marge a été épuisée, le client a décidé de ne pas poursuivre les paiements de la prime, et la police est devenue caduque environ un an après son entrée en vigueur.

Quant aux deux documents mentionnés au chef 4, le client ne se souvient pas avoir rencontré l’intimé en décembre 2011 et il ne reconnait pas sa signature sur l’un ou l’autre de ces documents.

Contre-interrogé par l’avocate de l’intimé, le client reconnait qu’il était entre deux contrats au moment où il a cessé de payer la prime de la police souscrite par l’entremise de M. Salvail. Il connaissait le cout de la prime et les fluctuations de sa situation financière n’étaient pas nouvelles. Le client reproche tout de même à l’intimé de lui avoir « pointé directement » une police d’assurance vie qui lui coutait de 15 à 20 % de son revenu net.

Témoignage de l’intimé

L’intimé explique avoir décidé de reconnaitre sa culpabilité aux deux premiers chefs parce qu’il n’a plus en main le dossier en question. En mai 2011, il était courtier d’assurance vie au sein du cabinet Services financiers Jean-François Salvail. La société de l’intimé avait alors une entente de référencement avec le Cabinet d’assurance Banque Nationale (CABN). L’intimé affirme s’occuper seulement des besoins de l’entreprise qu’on lui réfère.

Selon l’intimé, les besoins financiers exprimés par le client visaient à couvrir l’hypothèque des immeubles détenus par l’entreprise, à faire fructifier les revenus de l’entreprise à l’abri de l’impôt et à réduire l’impôt au décès. M. Salvail affirme avoir compris que son mandat portait sur les besoins de l’entreprise et non sur les besoins personnels de l’intimé.

Il ajoute n’avoir appris qu’en septembre 2012 l’existence des polices d’assurance vie détenues par le client, et ce, alors que celles-ci avaient déjà été résiliées. Il nie avoir apposé la signature du client sur les deux documents cités au chef 4. Une partie du contre-interrogatoire fait par la plaignante a consisté à analyser le processus de transfert des documents vers CABN.

Selon la plaignante, le témoignage de l’intimé contredit les déclarations qu’il a faites en 2015 à l’enquêteur du bureau du syndic. La version présentée en janvier 2020 n’est pas crédible, ajoute le procureur de la plaignante.

Selon la procureure de l’intimé, ce dernier indique que les documents visés par le chef 4 n’avaient même pas besoin d’être signés. De plus, l’un d’eux contenait également des erreurs. L’expertise du témoin de la plaignante n’a pas permis d’identifier l’auteur de la falsification, ajoute-t-elle. La procédure du CABN n’a pas été mise en preuve, souligne-t-elle, et c’est ce cabinet qui avait le contrôle des documents en litige lors de la falsification.

Analyse du comité

Le comité estime que la preuve prépondérante lui permet de conclure que l’intimé est coupable des chefs 3 et 4 de plainte. Le comité constate que le consommateur a une mémoire imprécise de certains faits entourant ses interactions avec l’intimé et qu’il a signé la proposition de la Sun Life dans laquelle il est indiqué qu’il ne détient pas d’assurance vie. Le témoignage de l’intimé est donc plus crédible sur cet aspect.

Selon l’intimé, la prime de la police souscrite par son entremise devait être payée à même des placements détenus par l’entreprise, mais le consommateur a utilisé une marge de crédit qui a été épuisée en moins d’un an. Le comité rappelle que l’intimé doit consigner par écrit les renseignements obtenus.

Comme le consommateur était le seul actionnaire de l’entreprise et que les revenus de celles-ci étaient sa seule source de revenus, les besoins de l’entreprise étaient indissociables de ceux du client, estime le comité. Le client a été rencontré pour planifier sa retraite. En se limitant à la seule situation de l’entreprise, l’intimé a contrevenu à l’article 6 du Règlement sur l’activité des représentants.

Même si la proposition visait notamment à garantir les hypothèques commerciales grevant les immeubles de l’entreprise, aucune documentation ne donne de détails sur ces prêts, son terme ou les versements. Les états financiers de l’entreprise sur lesquels l’intimé s’est basé pour effectuer son ABF sont incomplets.

Quant au chef 4, le comité conclut que les documents cités ont bel et bien été contrefaits. Le rapport d’expertise ne permet pas de conclure que l’intimé est l’auteur des fausses signatures. Celui-ci soutient avoir remis ces documents non signés au CABN. Cependant, cette version contredit la version antérieure donnée à l’enquêteur du syndic.

Le comité juge « particulier » que l’intimé ne se souvienne pas avoir reçu le courriel de l’enquêteur le 21 avril 2015. Par ailleurs, il affirme ne pas avoir consulté en détail les documents transmis, en étant certain à l’époque qu’il n’y avait pas de problème avec ceux-ci. Par ailleurs, la preuve soumise concernant l’étampe du CABN attestant la date de réception des documents ne permet pas de corroborer la version de l’intimé.