Renouvellement d’un régime d’assurance collective rime souvent avec grincement de dents. Pour contrer les hausses de primes annuelles moyennes de 15%, des conseillers proposent de mettre la hache dans l’assurance invalidité courte durée. Une solution draconienne, mais efficace, disent-ils.Les hausses de primes agacent les clients. Cette année encore, elles oscilleront en moyenne autour de 15% et nombre de preneurs de régimes en ressentiront durement l’impact.
Rien ou presque dans l’économie n’augmente à une telle vitesse année après année. Par exemple, sur une prime de 200 000$, il faudra débourser quelque 30 000$ de plus en 2008. Si la tendance se maintient et si rien n’est mis en place pour contrer la hausse de coûts, cette même prime atteindra 264 500$ en 2009!
Pour remédier à la situation, parmi les solutions « canon » qui existent, c’est-à-dire des solutions à effet immédiat, figure l’abolition de l’assurance courte durée. Une alternative à évaluer consciencieusement avec le client, indique Michel Cyr, président du Regroupement des cabinets en avantages sociaux du Québec (RCASQ). M. Cyr est aussi propriétaire du cabinet Assurances Michel Cyr, en Gaspésie. C’est en effectuant l’analyse des besoins de son client que le conseiller pourra juger si un tel retrait de garantie cadre avec les stratégies de développement de l’entreprise, dit-il.La décision requiert effectivement une solide analyse soutient Robert Beauchamp, représentant autonome au sein de R. Beauchamp & Laplante, Courtiers d’assurances inc. Dans une ère de pénurie de main-d’œuvre, une entreprise à la recherche d’employés aux compétences rares devrait ainsi s’abstenir d’emprunter cette avenue, croit-il.
Quoi qu’il en soit, cette solution, note M. Cyr, permet des économies substantielles. On parle d’une baisse de la prime globale de l’ordre de 10%, soutient-il. « Et c’est ce que veulent employeurs et employés », constate-t-il.
En adoptant ce principe, un assuré qui se retrouve en invalidité de courte durée aura recours à l’assurance chômage pour 17 semaines, après une période de carence de deux semaines. L’assurance chômage lui versera 55% de son salaire brut. Le cas échéant, il bénéficierait de l’assurance longue durée par la suite.
Pour palier le délai de carence de 15 jours imposé par l’assurance chômage, Michel Cyr invite ses clients à payer le salaire à l’employé invalide la première semaine. Une manière de mieux faire accepter le concept.
Oui mais…
Là où le bât blesse, c’est que l’assuré ne bénéficie d’aucun suivi. Or, pour que le retour au travail se fasse dans de bonnes conditions, il est important que la personne invalide garde le contact, qu’elle ne se sente pas isolée. Difficile lorsque les employés ne reçoivent plus d’assurance invalidité de courte durée! « Le problème avec l’assurance chômage, c’est qu’elle paye tout le monde. Il n’y a pas de suivi ni de contrôle, comme avec un assureur », déplore Clément St-Laurent, vice-président principal, Réseau des ventes du Québec pour le Groupe financier AGA inc.
M. St-Laurent propose lui aussi l’abolition de l’assurance de courte durée lorsque les autres possibilités ont été exploitées et que l’option convient aux besoins de son client. Et pour s’assurer que les personnes en invalidité reçoivent un soutien adéquat, il offre d’emblée au preneur de régime la mise sur pied d’un programme d’aide aux employés (PAE). « Les économies sont vraiment réelles car les frais liés au PAE sont moindres en comparaison du coût de l’assurance invalidité dans un régime collectif », note-il.
En effet, selon M. St-Laurent, le groupe qui retire l’assurance invalidité de son régime verra une baisse du coût global de sa prime d’environ 15%. Quant au programme d’aide aux employés, il fonctionne sur une base d’utilisation. Les honoraires sont en moyenne de 100$ de l’heure. Or, les statistiques démontrent qu’il y a entre 7 et 12% du groupe qui l’utilise, à raison de trois heures par an, fait-il remarquer.
Autrement, afin que les assureurs gardent un œil sur les dossiers de courte durée, le président du RCASQ leur conseille de payer une partie de l’assurance salaire, soit environ 20%. L’assuré touche donc au total, 75% de son salaire. « Les économies sur l’assurance court terme peuvent atteindre 40% avec cette stratégie », poursuit M. Cyr.
Tous deux affirment que cette solution commence à gagner en popularité auprès des preneurs de régime, depuis que les primes grimpent à une vitesse constante. « Je l’ai encore proposée à un groupe la semaine passée », lance Michel Cyr avant de préciser que 25% de sa clientèle y adhère déjà. Clément St-Laurent parle plutôt de 15% de sa clientèle qui a opté pour cette option.
Les trois plus importants assureurs au Québec, soit Desjardins Sécurité financière, Groupe financier SSQ et Manuvie n’ont toutefois pas constaté d’engouement face à ce procédé pour le moment.
Il existe des méthodes plus douces pour réduire les hausses de primes. Ce sont celles préconisées en premier lieu avant d’arriver à l’abolition de l’assurance invalidité de courte durée. Le plus important, indiquent les intervenants interrogés par le Journal de l’assurance, c’est de bien connaître son client.
Ticket modérateur
Parmi les solutions offertes figure le ticket modérateur. Proposé de plus en plus depuis deux ans, il consiste à faire payer des frais à l’assuré pour chaque ordonnance ou pour chaque médicament prescrit. Les hausses de franchises font elles aussi partie de la solution.
Pour Michel Cyr, ces initiatives ont du bon car elles sensibilisent davantage les assurés au rôle de l’assurance. « Certaines personnes se disent que puisqu’elles payent, il faut qu’elles consomment. J’essaye d’inculquer aux gens que l’assurance c’est important quand on a un problème. Il faut les sensibiliser à ce concept-là », clame-t-il.
Ensuite, on peut aussi couper dans les soins paramédicaux, explique Clément St-Laurent. C’est souvent là que l’on coupe en premier, précise-t-il. L’impact n’est pas immédiat si on enlève un ou deux soins. « Cependant, s’il y avait beaucoup de réclamations, ça va se refléter au moment du renouvellement », note M. St-Laurent.
Quant à l’éducation et la prévention, elles devraient être faites dans tous les cas car à long terme, ce sont les saines habitudes de vie qui aideront à baisser les coûts.