Alors qu’elle s’amorce avec l’entrée en vigueur de la nouvelle norme comptable des contrats d’assurance IFRS 17, l’année 2023 annonce aussi ses couleurs sous le sceau du conseil. Ainsi, les avancées numériques continueront de redéfinir le paysage de la distribution, et la profession de conseiller s’en trouvera renforcée plutôt qu’affaiblie. Une bonne nouvelle pour les conseillers accaparés par la charge de conformité qui a crû ces dernières années. 

Neil Skelding

Lors d’une entrevue avec le Portail de l’assurance qui portait sur l’annonce de sa retraite, le 31 janvier 2023, Neil Skelding, a parlé des défis qui se poseront aux assureurs en 2023. Selon lui, la nouvelle norme comptable IFRS 17 en vigueur depuis le 1er janvier sera le principal défi des assureurs en 2023. « IFRS 17 gardera les assureurs très occupés pour un moment, alors que ses implications à long terme restent à déterminer », dit-il. 

M. Skelding ajoute que le fardeau réglementaire et les exigences de conformité et de connaissance du client seront les enjeux principaux des agents généraux en 2023. Lors de sa participation à une table ronde des enjeux réglementaires lors du Congrès de l’assurance de personnes 2022 en novembre dernier, Éric Jacob, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’Autorité des marchés financiers, a d’ailleurs annoncé des allègements à la charge de conformité, tant pour les agents généraux que pour les conseillers. 

Éric Jacob

Taux d’intérêt 

Selon une étude Sigma 6 2022 récemment publiée par Swiss Re Institute, l’inflation demeure la principale préoccupation de l’industrie, tant en assurance de personnes qu’en assurance de dommages. Le réassureur suisse prévoit une forte inflation des coûts de reconstruction et des soins de santé.

Son étude signale en revanche que la hausse des taux d’intérêt soulagera les assureurs à mesure que l’inflation reculera, en 2023 et en 2024. « Des taux d’intérêt élevés créent un environnement plus attrayant pour les investissements qui y sont sensibles. Il s’agit d’un important coup de pouce à la rentabilité des assureurs, grâce à des revenus de placement nets plus élevés », peut-on lire. L’institut ajoute que ces revenus de placement additionnels aident à compenser l’effet de la hausse des réclamations. 

Conseils en succursale 

Neil Skelding est pour sa part revenu sur les points marquants de sa carrière. Celui qui a été président et chef de la direction de RBC Assurances pendant 18 ans en a profité pour livrer son point de vue sur l’avenir de la distribution des produits d’assurance de personnes.  

L’accomplissement qu’il retient le plus en cette matière ? « Lorsque nous avons ouvert nos premiers bureaux d’assurance à la clientèle individuelle en 2005. Cela a vraiment changé la donne. Nous avons eu beaucoup de succès avec le canal des conseillers indépendants et en avons toujours aujourd’hui. Mais nous avons constaté que des clients veulent obtenir des conseils en succursale. Nous pensions qu’il y avait une occasion de répondre à leurs besoins », se remémore-t-il. 

Le numérique en renfort 

Selon M. Skelding, il sera important de continuer à servir les clients de toutes les façons dont ils le souhaitent. En octobre 2021, RBC Assurances a lancé deux produits d’assurance vie entière avec proposition numérique. En pleine pandémie, ces produits ont connu un bon succès grâce à la souscription virtuelle et leurs ventes continueront de croître, dit le futur retraité. « Nous continuons d’investir dans les outils numériques pour améliorer les capacités des conseillers et de nos partenaires de distribution à interagir avec nos. C’est notre priorité », dit Neil Skelding. 

« Ce qui était vrai il y a 35 ans lorsque j’ai débuté dans l’industrie l’est encore aujourd’hui : le client doit recevoir de bons conseils lorsqu’il en a besoin. Ces conseils seront rehaussés par les outils numériques. Des clients, des conseillers et des partenaires de distribution mieux informés sont une bonne chose pour l’industrie et pour tout le monde », pense-t-il. 

Neil Skelding croit que le conseil humain sera intimement lié à ces outils. « Je prévois que la profession de conseiller demeurera essentielle. Nos produits sont compliqués et requièrent des conseils parce que les gens ne veulent pas faire d’erreur lorsqu’ils prennent des décisions à long terme », explique M. Skelding. 

Adoption numérique 

Dans son étude, Swiss Re Institute prédit que les primes chuteront en 2022, car la « crise du coût de la vie » réduira le revenu disponible des gens (pour acheter de l’assurance). « Mais nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt élevés et l’adoption du numérique entraînent une croissance des primes en 2023 et 2024 », ajoute Swiss Re Institute. 

Bruno Leduc

Vice-président adjoint, outils des conseillers, chez Equisoft, Bruno Leduc a témoigné de cette tendance lors d’une table ronde au Congrès de l’assurance de personnes 2022. Selon lui, environ 70 % des conseillers ont adopté les outils de gestion de la clientèle (CRM) et leurs dérivés. Pendant la pandémie, l’adoption de ces outils et de tous les autres destinés aux conseillers (propositions électroniques, visioconférence, etc.) a été fulgurante, rappelle-t-il. « L’adoption continuera d’augmenter. Les conseillers se sont rendu compte qu’ils pouvaient faire croître leur entreprise avec ces outils », ajoute M. Leduc. 

Lors de cette table ronde, Willie Savard a renchéri qu’une fois que les conseillers auront goûté à ces outils, ils réaliseront qu’ils peuvent devenir plus performants grâce à eux. « Dans notre cabinet, 98 % de nos rencontres avec les clients sont devenues virtuelles », révèle le partenaire d’Altura Groupe financier et président Tchat N Sign, assurtech qui offre un outil d’interaction virtuelle du même nom. L’adoption des outils numériques passe selon lui par une communication unifiée. « Le client s’attend à ce que l’on puisse communiquer avec lui à l’endroit où il veut bien être », ajoute M. Savard.

Willie Savard

Le président de Tchat N Sign prise particulièrement l’utilisation des messages textes pour proposer un rendez-vous. M. Savard soutient que 90 % des messages textes obtiennent une réponse en moins de 3 minutes, parce qu’ils sont plus directs et personnalisés qu’un courriel.