Faute de rentabilité, les assureurs ont perdu leur capacité à absorber plus de risques reliés aux exploitants agricoles. Ils doivent couvrir leurs besoins en passant par la réassurance.

Benoit Hénault, PDG de Hénault Assurance, souligne que la réassurance occupe une place plus importante dans la prime de l’assuré. « De ce côté-là, la tarification a été ajustée. C’est un élément important », dit-il.

Chez les assureurs, les profits découlant des revenus de placement sont en baisse en raison des taux d’intérêt très bas. « Ça met plus de pression sur les besoins du côté de la profitabilité technique de l’assureur », ajoute M. Hénault.

Les assureurs sont ainsi forcés de réduire leur capacité dans les segments moins rentables. « Avant, on pouvait placer un risque de 8 M$, mais les assureurs se limitent à 5 M$, et le reste est couvert par la réassurance. Ces 3 M$ en réassurance coutent beaucoup plus cher que si l’assureur le couvrait par ses capacités internes », dit-il.

Son cabinet compte au-dessus de 1 000 clients dans le secteur agricole. Depuis le début de 2021, les hausses sont variables d’un assureur à l’autre et d’une production à l’autre, mais les augmentations vont de 8 % à 19 %. Toutes les options sont analysées à l’avance avec le client, en incluant les protections, les franchises et la possibilité de sonder d’autres assureurs.

Benoit Hénault ne croit pas que les assureurs soient plus hésitants à renouveler les contrats dans certaines productions ou plus enclins à éviter les nouvelles affaires en relève agricole. « C’est sûr que si le client a été refusé par un assureur, il sera refusé chez nous aussi si on va voir le même assureur », dit-il.

« Je n’ai pas eu de cas où nous ne sommes pas arrivés à trouver une solution pour un client si son dossier ne comportait pas un problème particulier. Pour les clients normaux qui ont besoin d’une soumission, on trouve toujours quelque chose », affirme M. Hénault.

Quand il est question de nouvelles affaires, si le client a déjà fait deux réclamations en cinq ans, certains assureurs ne prendront même pas la peine de faire une soumission. « On conseiller alors au client de rester avec son assureur actuel et d’attendre que son dossier soit meilleur. On essaiera plus tard de lui trouver un assureur, parmi ceux avec lesquels on fait affaire », précise-t-il.

De son côté, le courtier Serge Gosselin, président de Gosselin Assurances, indique que les taux des réassureurs ont augmenté de 30 à 40 % depuis deux ans. Malgré cela, des assureurs semblent réticents à partager les risques d’une même exploitation agricole. « Pour les très grosses fermes, ça va devenir un problème, car la concentration de la valeur est importante », dit-il.

Plus de capital

L’assureur doit augmenter son capital pour affronter les changements dans le marché des produits agricoles, souligne Stéphane Bibeau, de la mutuelle Estrie-Richelieu. Il donne en exemple les récents accords commerciaux qui ont permis d’augmenter les importations de produits laitiers, ce qui affecte les producteurs du Québec. « L’autre raison pour laquelle on a besoin de capital, c’est que si on n’en a pas, ça nous prend de la réassurance », lance M. Bibeau.

Chez Promutuel, le vice-président Guy Lecours reconnait qu’il n’y aura pas une manière simple de rentabiliser le segment agricole. « Notre intérêt à nous, comme assureur, est d’offrir de l’assurance sur les biens. Notre intérêt n’est certainement pas que les gens se retrouvent sans couverture d’assurance. C’est une petite minorité qui en arrive là et qui vit cette situation extrême », dit-il.