Incapable d’augmenter les primes comme elle le souhaite, Aviva Canada se retire du segment commercial de l’assurance des copropriétés du Québec. L’environnement règlementaire encadrant la gestion des condominiums a aussi lourdement pesé dans la décision de l’assureur de quitter ce segment controversé.Aviva a amorcé sa réflexion au sujet des condominiums en mai dernier. L’assureur avait mis un moratoire sur les nouvelles affaires dans ce segment, ainsi que pour les restaurants. Finalement, l’assureur quitte les deux classes d’affaires, mais demeure présent dans le segment des propriétaires occupants de condominiums.

« Ces deux segments ne sont pas rentables depuis des années, et ce, même si nous y augmentons les tarifs. Nous n’arrivons pas à les rendre rentables. Nous avons cherché des solutions, cet été et cet automne, mais nous en sommes venus à la conclusion que ce n’était pas possible. Le marché des condominiums vit un problème profond, et ce n’est pas un problème d’assurance », a affirmé au Journal de l’assurance, Martin-Éric Tremblay, vice-président principal, Québec et Atlantique, d’Aviva Canada.

Pour M. Tremblay, le problème en est plutôt un de législation. « Au Québec, les syndicats de condominiums ne sont pas obligés d’avoir des fonds de réserve, au contraire de l’Ontario, par exemple. Ils sont insuffisants pour pallier les rénovations qui sont nécessaires. Ce sont les assureurs qui assument les réparations en ce moment quand survient une infiltration d’eau. Le marché du condo est au début d’une crise. Les propriétaires de condominiums ne sont pas assez vigilants pour créer les fonds de réserve nécessaires liés à l’usure normal de leur bâtisse », dit-il.

Une annonce attendue

M. Tremblay rappelle qu’une grande partie du parc de condominiums au Québec a été construite dans les années 1980 et 1990. Et pas toujours dans les règles de l’art.

Il ajoute que les courtiers n’ont pas été surpris par l’annonce d’Aviva, ayant eu le temps de la planifier vu le moratoire imposé aux nouvelles affaires. « On travaille avec eux pour qu’ils puissent replacer leurs clients. Ils peuvent encore le faire dans le marché normal ou dans le non-standard. Il y a encore beaucoup d’assureurs qui souscrivent ce type de risque », dit-il.

Il souligne que les condominiums représentent un marché mou en ce moment. « Il est difficile d’aller y chercher de la prime. Pour être rentable, il aurait fallu augmenter nos primes de l’ordre de 30 % à 40 %. Nous étions incapables d’aller chercher des hausses dépassant 5 % à 7 %., car il reste de la capacité dans le marché. D’autres assureurs vont souscrire nos risques », croit-il.

Beaucoup d’offres disponibles

M. Tremblay se dit en désaccord avec ceux qui prétendent qu’il n’y a pas suffisamment d’offre dans le marché de l’assurance condo au Québec. « Il y a encore beaucoup de marchés. Cependant, les assureurs qui y sont présents risquent d’en venir au même constat que nous et d’augmenter leurs primes. Ça devient un défi», dit-il.

Il ajoute que le segment commercial de l’assurance condo ainsi que celui des restaurants subventionnaient les autres classes d’affaires d’Aviva en assurance des entreprises. « Ces deux lignes nous empêchaient d’être plus concurrentiels dans d’autres segments », souligne M. Tremblay. Aviva cumule quelques millions de dollars en primes dans les deux segments délaissés, mais M. Tremblay sans en dévoiler le montant exact.

Le Québec n’est pas le seul marché où le parc de condominiums pose problème, ajoute M. Tremblay. En Colombie-Britannique, où les condos ont poussé comme des champignons, des failles de construction se révèlent après leur mise en marché. En Alberta, les assureurs se sont retrouvés avec une problématique de toitures vieillissantes.

« Il y a aussi un resserrement des normes là-bas. En Alberta, le marché est moins mou qu’au Québec. Des assureurs s’y sont retirés, et, chez Aviva, nous avons été capables d’aller chercher des augmentations de primes de 25 %. C’est probablement ce qui va arriver au Québec si la situation perdure. La règlementation au Québec devrait changer. Il n’y a pas assez d’argent dans les fonds de réserve », dit M. Tremblay. Est-ce qu’Aviva reconsidèrerait sa décision si jamais la législation québécoise venait à changer? « Oui, on reconsidèrerait le tout, affirme M. Tremblay. Ça règlerait un premier problème de fond. Il faudrait néanmoins que le marché soit capable d’aller chercher plus de primes. »