Lors d’une allocution prononcée à la fin mars devant l’Association des MBA du Québec, Barry Lorenzetti, PDG de BFL Canada, a livré un vibrant plaidoyer en faveur de Montréal, du Québec et de l’entrepreneuriat. Il dit vouloir contribuer à faire du Québec une nouvelle Alberta et faire en sorte que Montréal s’inspire davantage de la ville de Québec. Il plaide aussi pour un plus grand soutien envers les entreprises québécoises que les entreprises internationales implantées ici.
M. Lorenzetti a commencé son allocution en affirmant que le succès entrepreneurial est plus que possible au Québec. « J’en suis la preuve. Nous avons ouvert nos portes en 1987, avec cinq employés. Aujourd’hui, nous en avons 500 à l’échelle du Canada, répartis dans neuf bureaux. Notre association avec Lockton Global nous permet d’être représentés dans 120 pays. »

Il dit avoir lancé BFL Canada pour prouver qu’au Québec et au Canada, les entrepreneurs sont aussi aptes qu’ailleurs dans le monde à bâtir de grandes compagnies pouvant se mesurer à la concurrence internationale, et qu’ils ne devraient pas se sentir coupables de réussir. « Et à voir notre croissance dans les deux chiffres, on doit faire quelque chose de bien. »

Pour M. Lorenzetti, plusieurs facteurs contribuent au succès d’un entrepreneur : l’audace, le leadeurship, la stratégie, et le talent pour saisir les occasions. « Il y en a eu deux autres qui ont joué un rôle majeur dans notre succès : la culture d’entreprise et le modèle d’actionnariat. Entrepreneuriat, intensité et excellence sont les moteurs de notre entreprise. Nous faisons toujours attention de choisir des employés qui collent à cette réalité. Mais la cerise sur le sundae, c’est notre modèle d’actionnariat parce qu’en plus de donner de la marge de manœuvre à nos employés, nous leur permettons de devenir actionnaires », dit-il.

Le PDG de BFL Canada souligne que les employés propriétaires du cabinet de courtage sont interpelés par tout ce que la société fait et les décisions qu’elle prend. « Ils se sentent engagés, et c’est naturel, puisque leur succès dépend du succès de la société, mais aussi du succès de leurs collègues. Du même coup, on vient d’implanter un incitatif au travail d’équipe important. On vient de leur donner le gout de l’entrepreneuriat et de régler un problème criant pour les PME : la succession », dit-il.

Soutenir l’économie locale

M. Lorenzetti juge aussi important pour un entrepreneur de soutenir l’économie locale. « On loue nos bureaux d’un propriétaire immobilier québécois, on choisit un assureur québécois pour le régime d’avantages de nos employés, on fait imprimer notre matériel par un client québécois, et ainsi de suite. Au fil des ans, BFL a reçu de nombreuses offres de plus grands concurrents américains et britanniques. Chaque fois, nous avons rejeté leurs avances. Bien que la politique fiscale du Québec me préoccupe, je suis ici pour y rester et y maintenir notre siège social », dit-il.

Plusieurs raisons poussent M. Lorenzetti à faire ce choix. « Je suis né à Montréal, et mon cœur est ici. Je suis un Québécois et je crois fortement à la créativité des Québécois. Les gens qui m’ont suivi dans l’aventure de BFL prouvent que j’ai raison », dit-il.

Il se demande aussi pourquoi autant d’entrepreneurs hésitent à rester au Québec, quittent la province ou vendent leur entreprise. « C’est tout simplement parce que l’environnement qu’on leur offre est hostile à certains égards : fiscalité et paperasse, pour n’en nommer que deux, mais ce sont deux facteurs importants. Quand un entrepreneur quitte la province, on perd de la richesse et plusieurs emplois. On perd un siège social et on continue de s’enfoncer. C’est difficile de laisser tomber son rêve, mais quand on n’a pas d’aide, que le climat économique est morose et qu’on étouffe sous les mesures fiscales et administratives, soit on abandonne, soit on s’en va, soit on vend à des étrangers », croit M. Lorenzetti.

Il se dit « embarrassé » d’entendre l’Institut Fraser dire que la dette du Québec est inquiétante et qu’elle surpasse la croissance de la population ainsi que l’inflation. « Je veux que ça change. Je veux que nous ressemblions plus à l’Alberta qu’à l’Île-du-Prince-Édouard, sur le plan économique », dit-il.

M. Lorenzetti se dit triste de voir ce que Montréal est devenue. Surtout quand il la compare à la ville de Québec, qui arrive au deuxième rang des villes canadiennes en matière de produit intérieur brut et qui a un taux de chômage de 4 %.

« Québec a 10 sièges sociaux de sociétés financières ou de compagnies d’assurance. Pas mal pour une ville de cette taille! Elle a aussi utilisé l’Université Laval et ses chercheurs pour aider à créer de nouvelles entreprises et expertises, ce qui attire maintenant beaucoup de compagnies étrangères. Je ne peux pas croire qu’on ne peut pas faire quelque chose de similaire à Montréal. Mais il faut qu’on commence. Ça presse! », dit-il.

Le PDG de BFL Canada remet aussi en question l’aide apportée à des entreprises étrangères pour s’établir ici. En effet, quand une entreprise québécoise a du succès, les profits restent ici, ce qui n’est pas le cas pour une entreprise à propriété étrangère.

Impôt : une situation urgente

Pour M. Lorenzetti, le vrai problème du Québec est son niveau d’imposition trop élevé. « On peut bien accepter de payer un peu plus d’impôt par solidarité, mais vient un moment donné où c’est juste trop. Au Québec, une entreprise paie en moyenne 30 % plus d’impôt que dans les autres provinces, et le double des compagnies américaines. Ça tue l’enthousiasme! Bien que j’aie décidé de garder ma compagnie au Québec tout ce temps, je ne peux prédire ce que mon successeur fera, vu l’impact de la taxation sur sa situation personnelle et sur celle de sa compagnie. Ça me dérange juste d’y penser! », dit-il.

Quelque chose doit être fait, même si ça signifie que des services doivent être coupés, affirme M. Lorenzetti. « Il nous faut un gouvernement qui coute moins cher à opérer pour que nos gens et nos entreprises en aient plus dans leurs poches. Nous avons atteint le point de rupture, où des gens nous quittent ou trouvent d’autres moyens pour éviter le niveau d’imposition actuel. La situation est urgente », dit-il.

Le PDG de BFL Canada se demande même si ce n’est pas devenu un crime de réussir au Québec. M. Lorenzetti déplore qu’il y ait deux types d’employés : ceux qui travaillent pour le gouvernement et peuvent prendre leur retraite à 55 ans grâce à leur régime de retraite et les autres, qui doivent travailler jusqu’à 65 ans.

Solutions

Pour M. Lorenzetti, plusieurs solutions existent pour redresser la situation du Québec. Tout d’abord, éliminer l’écart du taux d’imposition avec les autres juridictions nord-américaines. Ensuite, arrêter de « sur-subventionner » certaines entreprises pour se donner les moyens d’aider plus d’entreprises du Québec. Il recommande aussi de récompenser les sociétés entrepreneuriales québécoises lorsqu’elles ont du succès, toutes tailles confondues, plutôt que d’investir seulement dans les entreprises en difficulté ou en démarrage.

« Si on investit dans des entreprises qui ont déjà du succès, elles sauront choisir comment transformer l’investissement en un succès encore plus grand, beaucoup plus efficacement qu’un programme gouvernemental. C’est la loi du marché. Les entrepreneurs sont le moteur économique. En les aidant, on leur permet de progresser plus vite dans leurs plans d’action, de prendre un virage technologique, de développer de nouveaux produits plus rapidement, de moderniser une usine, d’acquérir d’autres sociétés, de conquérir de nouveaux marchés, etc., tout en aidant l’économie », dit-il.