Regroupement de La Capitale et de SSQ Assurance, Beneva amorce un projet pilote avec l’assurtech MedHelper, en offrant son application mobile MédAide à certains groupes en assurance collective.

Eric Trudel

L’utilisateur de MédAide peut se servir de l’application mobile pour planifier ses dosages, établir des rappels, suivre l’inventaire de ses médicaments et savoir quand renouveler sa prescription.

Vice-président exécutif et leader, assurance collective chez Beneva, Éric Trudel estime que le projet permettra de mieux comprendre les impacts de la non-observance de traitements sur la santé des assurés. « Cela nous permettra de mettre en place des stratégies pour augmenter le taux d’utilisation de l’application et, par le fait même, la santé des participants », précise-t-il.

Ciblage de maladies

Le projet pilote de SSQ Assurance ciblera les assurés aux prises avec des problèmes de santé précis tels le diabète, l’hypertension, l’hypercholestérolémie, la santé mentale ainsi que ceux qui prennent plusieurs médicaments.

« Nous avons créé cette cinquième catégorie pour cibler les assurés qui prennent plus de trois médicaments prescrits », a révélé Éric Trudel, en entrevue avec le Portail de l’assurance. Un premier projet pilote avait été réalisé par La Capitale en 2020. Il visait uniquement les quatre premières catégories, explique M. Trudel. Le projet de la Capitale avait ciblé les assurés en vertu des quatre premières catégories seulement.

Identifier les assurés qui se classent dans l’une des cinq catégories est probablement l’élément le plus important du projet pilote de SSQ, ajoute M. Trudel. « Nous commençons en recueillant de l’information pour ensuite offrir l’application à ces assurés plutôt que de connecter tout le monde. »

À plus grande échelle

Autre différence avec le projet de La Capitale, celui de SSQ Assurance sera déployé à plus grande échelle, souligne le leader de l’assurance collective. La Capitale avait ciblé à peu près 2 500 assurés lors du premier projet, relate-t-il. « Il est plus difficile de tirer des conclusions avec un échantillon de cette taille, mais nous avons tout de même obtenu des résultats intéressants. »

Cette fois, SSQ Assurance élargit la cible : « Nous avons sélectionné des groupes qui nous permettent d’inclure 20 000 assurés dans ce test. Cela augmentera nos taux », dit M. Trudel.

SSQ Assurance marchera dans les traces de résultats intéressants, estime-t-il. « Lors du projet de La Capitale, 200 assurés ont téléchargé l’application MédAide sur une possibilité de 2500 assurés, soit un taux de 8 %. Nous avons réalisé que ceux qui étaient encore dans l’application au bout d’un mois y restaient. Des 200 qui se sont inscrits, une soixantaine sont restés, soit un taux de 2,5 % par rapport au groupe de départ. Si ce taux de 2,5 % permet de prévenir une soixantaine d’invalidités, c’est déjà mission accomplie. »

Or, Éric Trudel vise plus loin. Il aimerait que ce projet permette d’augmenter le taux d’adhésion de départ de 8 % à 20 %. Selon lui, cibler des personnes qui reçoivent plus de trois prescriptions aidera à augmenter ce taux.

Agir plus activement

Il croit que suivre les choses de plus près aidera aussi à augmenter le taux d’adhésion. « Lors du projet de La Capitale, nous avons vu le potentiel d’un deuxième test, au cours duquel nous agirons plus activement, dit Éric Trudel. Nous voulons y aller avec méthodologie et systématiquement. »

Par exemple, il n’y avait pas eu de suivi avec les assurés lors du premier test. Il y en aura un maintenant, annonce M. Trudel. Il y aura aussi plus d’échanges, ajoute-t-il. « Nous voulons avoir une série de communications avec les assurés sur l’observance, des courriels d’invitation à l’application et une initiative en place avec l’employeur pour expliquer l’importance de l’observance. »

Nous procéderons avec méthode. Nous regarderons le taux d’ouverture des messages et le nombre de téléchargements de l’application. Nous suivrons combien il en reste à la fin du mois, ce qu’on appelle en marketing, le stickiness net ratio. Nous évaluerons aussi le taux net de recommandation (net promoter rate).

Impliquer les médecins

Un autre facteur de nature à favoriser le maintien de MédAide chez les assurés : MedHelper a maintenant un portail pour les professionnels de la santé, révèle Éric Trudel. « Par exemple, mon médecin pourrait s’inscrire et me suivre. On pense que cela est porteur pour le futur. Il fournit aux assurés un outil supplémentaire d’autocontrôle. »

Il donne l’exemple d’une personne ayant des problèmes de diabète depuis plusieurs années, dont les résultats se sont améliorés grâce à l’usage prolongé de l’application . « À partir du portail de MedHelper, l’endocrinologue a accédé à ses données de glycémie en temps réel », explique M. Trudel.

Il signale l’implication d’infirmières de Beneva dans le cadre des programmes d’accompagnement des patients qui prennent des médicaments de spécialité. « Nos infirmières qui gèrent le programme de médicaments de spécialité vont s’inscrire. Le défi de MedHelper sera que les professionnels de la santé s’y inscrivent aussi. »

Beneva se pose en outre deux questions : « Est-ce que la composante d’accès des professionnels à la plateforme aidera, et comment les utilisateurs s’autoévalueront-ils. Nous voulons obtenir des résultats quantitatifs là-dessus », s’interroge Éric Trudel. En ce qui touche l’ensemble du projet, il estime que Beneva sera en mesure d’obtenir des résultats « d’ici la fin de l’année 2021 ».

Un problème endémique

Quel est l’impact de la non-observance thérapeutique sur les assurés de Beneva ? « Nos statistiques sont similaires à celle du marché », répond M. Trudel. Dans son communiqué, Beneva a cité Sondage Sanofi Canada 2020 sur les soins de santé, une étude de Sanofi Canada publiée en 2020. Cette dernière révèle que 43 % des assurés qui ont une prescription d’au moins un médicament disent omettre parfois de le prendre. Ce pourcentage passe à 61 % chez les 18 à 34 ans. L’oubli est de loin la principale raison pour laquelle ils ne prennent pas leurs médicaments comme prescrits, selon l’étude.

Le rapport sur les tendances et références canadiennes en matière de consommation de médicaments 2021 de TELUS Santé révèle pour sa part que 27 % des réclamants ne prenaient pas leurs médicaments contre le diabète. Cette catégorie représente 11,4 % du total des coûts admissibles dans les régimes collectifs privés.

Le rapport révèle également que les taux de non-observance ont augmenté au cours des cinq dernières années pour toutes les catégories de médicaments, sauf celle du diabète. En ce qui touche par exemple les médicaments destinés à traiter la dépression, le nombre de réclamants non observants est passé de 20,9 % en 2016 à 24,3 % en 2020. Ces médicaments ont compté pour 5,2 % des coûts totaux des régimes. L’échantillon de TELUS Santé représente 13 millions d’assurés et 150 millions de demandes de remboursement de médicaments sur ordonnance au sein de régimes collectifs privés.