La ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, annonce une hausse du taux d’imposition pour les banques et les compagnies d’assurance vie pour les revenus au-dessus du seuil de 100 millions de dollars (M$). Ce taux général d’imposition fédéral du revenu des sociétés passera ainsi de 15 % à 16,5 %. Le budget 2022-2023 a été déposé le 7 avril.
De plus, un dividende temporaire est imposé aux mêmes institutions financières qui devront payer un impôt ponctuel de 15 % sur le revenu imposable au-delà d’un milliard de dollars (G$) pour l’année d’imposition 2021. Ce dividende sera payé en versements égaux durant les cinq prochaines années.
Ensemble, ces deux mesures rapporteront 6,1 G$ sur cinq ans. L’impôt permanent pour les groupes de banques et d’assureurs vie devrait générer quelque 445 M$ par année par la suite.
Mme Freeland justifie ces mesures en soulignant que les mesures de soutien direct du gouvernement fédéral pour soutenir et relancer l’économie canadienne en raison de la pandémie de COVID-19 ont coûté plus de 350 G$ au total. Alors que de nombreux secteurs sont toujours en voie de se rétablir, les grandes institutions financières canadiennes ont engrangé d’importants profits durant la pandémie.
Selon Ottawa, les mesures fédérales d’aide aux personnes et aux entreprises ont grandement contribué à réduire les risques dans les bilans financiers de ces institutions. Le gouvernement estime donc qu’elles peuvent désormais contribuer à la relance générale du Canada.
Des modifications seront aussi apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu en vue de limiter diverses échappatoires qui permettent à ces mêmes institutions et à leurs actionnaires de pratiquer l’évitement fiscal.
Réactions des milieux des affaires
Selon la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), « le gouvernement fédéral a malheureusement fait un choix simpliste d’augmenter la fiscalité des sociétés financières et des compagnies d’assurance vie », lit-on dans son communiqué.
« Ce n’est certainement pas la voie souhaitable de la perspective des entreprises qui ont performé dans les dernières années ou qui se remettent rapidement de la crise », indique Charles Millard, PDG de la Fédération.
La FCCQ estime plutôt que le gouvernement devrait réviser ses dépenses pour identifier les mesures budgétaires inefficientes, ce qui constituerait une meilleure stratégie pour récupérer des revenus pour l’État.
De son côté, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) affirme que « la surtaxe imposée au milieu financier risque d’affecter leur compétitivité et pourrait se répercuter sur les contribuables ». Le contrôle rigoureux des dépenses et la saine gestion des finances publiques sont importants, ajoute le CPQ.
Selon la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), cette mesure « amènera vraisemblablement les entreprises financières à hausser les frais chargés aux citoyens et aux entreprises, contribuant à créer des pressions inflationnistes sur les frais bancaires au Canada », indique Michel Leblanc, PDG de la CCMM.
Fiscalité des PME
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) se réjouit de l’annonce touchant la réduction de la fiscalité des petites et moyennes entreprises (PME). Celles-ci bénéficient actuellement d’un taux d’imposition fédéral de 9 % sur la première tranche de 500 000 $ de revenu imposable, alors que le taux général d’imposition sur le revenu des sociétés est de 15 %.
La PME n’a plus droit à ce taux réduit lorsque son niveau de capital utilisé au Canada atteint 15 M$. Le budget de 2022 propose d’éliminer l’accès au taux d’imposition des PME de façon plus graduelle. L’accent sera complètement éliminé lorsque le capital atteint 50 M$.
« La FCEI s’est battue pendant des années pour que le taux d’imposition des PME soit réduit », rappelle Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales de la Fédération. Les PME en pleine croissance n’avaient pas accès au taux réduit. Le relèvement du plafond à 50 M$ encouragera la croissance d’un grand nombre de petites entreprises, selon M. Guénette.
Les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) ont aussi exprimé leur approbation concernant ce relèvement du plafond du niveau de capital utilisé au Canada, tout comme la FCCQ et la CCMM.
La FCEI déplore cependant que le budget ne prévoie aucune réduction des frais de carte de crédit pour les PME. Ottawa promet cependant de tenir des consultations à cet égard. La Fédération souligne aussi l’absence de baisses des taxes sur la masse salariale.
IFRS 17
Le 1er janvier, les nouvelles normes comptables internationales IFRS 17 entreront en vigueur et elles modifieront de manière considérable la présentation de l’information financière par les assureurs canadiens.
Le budget 2022-2023 propose des modifications législatives pour confirmer l’appui à l’utilisation de la norme IFRS 17 aux fins d’impôt sur le revenu à l’exception d’une nouvelle réserve, à savoir la marge de service contractuelle, sauf certaines modifications. Sans cette exception, les bénéfices contenus dans la nouvelle réserve seraient différés aux fins d’impôt sur le revenu.
Cette mesure devrait augmenter les revenus fédéraux de 2,35 G$ au cours des cinq prochaines années, estime la ministre Freeland. Des règles d’assouplissement transitoires et les modifications afférentes pour protéger l’assiette fiscale minimale sont également proposées.
Encore des déficits
Dans son bulletin fiscal, Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) constate comme beaucoup d’autres observateurs que le gouvernement Trudeau ne planifie toujours pas le retour à l’équilibre budgétaire. Durant son discours livré à la Chambre des communes, la ministre des Finances n’a même pas parlé de l’ampleur du déficit budgétaire ni du fardeau de la dette, sauf pour annoncer la fin des mesures de soutien reliées à la pandémie.
Le déficit de l’année courante devrait atteindre 58,4 G$. Dans cinq ans, soit en 2026-2027, le déficit se chiffrerait toujours à 8,4 G$ selon la ministre Freeland, qui en reste au stade de la prévision sans en faire un engagement gouvernemental.
Le ratio de la dette sur le PIB devrait passer de 46,5 % en 2021-2022 à 41,5 % au 31 mars 2027. Le service de la dette coûtera 42,9 G$ au gouvernement en 2022-2023.