L’intelligence artificielle a pris d’assaut le monde de l’assurance. Celle-ci n’épargne pas les carrossiers et les vitriers. Or, les filiales canadiennes de ces entreprises accusent du retard par rapport à l’adoption de cette technologie ailleurs dans le monde.

Comme le dit Sindy Houle, directrice principale, assurance et projets stratégiques chez Uniban Canada, « l’intelligence artificielle est en pleine explosion dans tous les secteurs d’activités. C’est une belle occasion qui se présente à nous. En faisant partie de l’écosystème des assureurs, il y a une place pour que les vitriers puissent les soutenir. Les assureurs cherchent à améliorer les processus existants, l’expérience client, la rétention et la rentabilité. Nous avons un rôle à jouer dans cette démarche. »

Elle observe que les assureurs demandent une meilleure transparence de la part des carrossiers et vitriers et un meilleur contrôle sur les processus, ce que permet l’intelligence artificielle. Tout ça pour pouvoir mieux rejoindre les clients, que leur expérience de réclamation soit améliorée.

« Ces outils augmenteront le niveau de performance général de l’industrie grâce, entre autres, à une plus grande automatisation de certains processus. Les assureurs ont un intérêt à comprendre comment fonctionne le milieu pour avoir un meilleur contrôle sur leurs couts finaux. Cela leur permet de mieux connecter avec leurs assurés », précise Mme Houle.

Concours international

Au Royaume-Uni, Belron applique l’intelligence artificielle dans plusieurs aspects de ses opérations, que ce soit dans la gestion des réparations ou dans l’expérience client. Pour y arriver, l’entreprise a lancé en 2015 un concours international qui vise à établir des partenariats avec de jeunes pousses (startups) technologiques.

Le programme Drive with Belron est un accélérateur qui permet à trois startups de tester leur produit en étant jumelés à une filiale de Belron dans différents pays. La cohorte 2018 du programme compte d’abord bonobo.ai d’Israël qui utilise l’intelligence artificielle pour analyser toutes les interactions avec les clients afin d’améliorer la satisfaction de la clientèle et de personnaliser l’expérience. On y retrouve aussi l’entreprise britannique RightIndem, qui offre une plateforme où les clients peuvent envoyer les détails des dommages à leur voiture pour commencer le processus de réclamation, permettant ainsi d’économiser des couts au carrossier et à l’assureur. Finalement, Soft Edge de Pologne a conçu une plateforme qui détecte et mesure les dommages directement à partir d’une application mobile.

« Quelques membres de la direction de tous les pays où Belron est présent reçoivent un dossier avec 30 candidatures à analyser et à classer. Ces startups sont aussi invitées à faire une présentation au président de Belron. Au terme du processus, trois entreprises sont sélectionnées pour tester leur produit chez Belron », explique Sylvie Leduc, vice-présidente, gestion des marques et promesse client chez Belron Canada. Elle ajoute que Belron tire beaucoup d’apprentissage de ces startups dont les produits sont, au bout de deux ou trois ans, développés pour servir dans plusieurs secteurs de l’entreprise.

Des avantages indéniables

Si l’intelligence artificielle en tant que telle n’est pas encore utilisée chez Uniban Canada, le vitrier applique l’apprentissage par machine et l’intelligence d’affaire dans différentes opérations. Notamment, l’entreprise emploie une application qui permet de faire la comparaison entre les bons de commande envoyés aux fournisseurs et les factures afin de déceler les anomalies et les différences et produire un rapport afin d’optimiser les relations d’affaires avec ces fournisseurs. « Nous recherchons des technologies qui ajoutent de la valeur, qu’il s’agisse d’intelligence d’affaire, d’apprentissage par machine ou d’intelligence artificielle », résume Sindy Houle.

Elle se dit « optimiste » quant aux avantages que l’intelligence artificielle apportera à Uniban Canada. Mme Houle affirme qu’au bout du compte, ce sont les clients qui bénéficieront de ces technologies, puisque celles-ci permettront « de simplifier le processus global de gestion de réclamation ». « De notre côté, cela nous donnera un meilleur contrôle sur les réclamations et les couts, en plus de réduire le potentiel d’erreur. Pour nos partenaires assureurs, ils bénéficieront de plus de transparence et d’un meilleur contrôle. »

Le Canada en retard

Tant Sindy Houle que Sylvie Leduc ont affirmé que l’intelligence artificielle n’arriverait pas au pays de sitôt chez les carrossiers et vitriers, mais pour différentes raisons. La première mentionne les lois sur la protection des données et des renseignements personnels pour justifier ce retard.

« L’aspect technique nous limite un peu. Les lois et les contrats auxquels nous sommes soumis nous préviennent de partager des données à l’extérieur du Canada. Nous voulons aussi conserver les données à un très haut niveau. Nous devons nous tourner vers des partenaires ou des consultants canadiens pour bâtir des outils et le facteur de transport des données doit être considéré. Nous travaillons donc à l’interne avec notre équipe de développement pour façonner des outils technologiques », élabore Mme Houle.

Elle avance aussi que le développement de ce type de technologie prend beaucoup de temps. « Nous avons bâti nos outils d’apprentissage par machine sur une période de dix ans. Nous continuons constamment à faire des ajustements afin que les résultats soient les plus précis possible. »

Elle compare l’expérience d’Uniban Canada au processus d’apprentissage d’un enfant, qui part de zéro. « On doit inculquer aux outils des connaissances, corriger les réponses qu’ils donnent et les superviser en tout temps. L’intelligence artificielle peut se développer dans une certaine direction selon les modifications que nous y apportons. Le “bon sens” n’arrive pas dès le départ. Il suffit d’avoir la bonne équipe pour soutenir la technologie et suivre de près les données qu’elle offre », relate Mme Houle.

Pour l’instant, Belron Canada indique que ces technologies ne sont pas à point dans le domaine de la vitre pour en faire l’utilisation. La filiale canadienne œuvre uniquement dans la réparation et le remplacement de vitre. Mme Leduc souligne que les innovations faisant appel à l’intelligence artificielle sont plutôt appliquées en carrosserie et l’évaluation des dommages, des activités que ne pratique pas Belron Canada.

« Il y a une plus grande marge d’erreur lorsqu’on évalue les dommages en carrosserie qu’en vitre. Quand un parebrise est brisé, bien souvent il a une craque qu’on va soit réparer ou on va remplacer le parebrise. Il n’y a pas suffisamment d’éléments à analyser pour pouvoir justifier l’utilisation d’une telle technologie chez les vitriers », ajoute-t-elle. Mme Leduc mentionne toutefois que Belron Canada utilise des applications technologiques pour la prise de rendez-vous.