Le 29 novembre dernier, le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) a imposé à Michel Robillard (certificat no 1291453) une pénalité administrative de 5 000 $, en plus de suspendre son certificat en assurance de personnes pour une durée de cinq ans.
Le TMF a ainsi accueilli la demande de l’Autorité des marchés financiers, qui comprend plusieurs ordonnances, notamment l’interdiction d’agir directement ou indirectement comme dirigeant responsable d’un cabinet, et ce, pour une période de cinq ans.
De plus, on ordonne au cabinet Les Assurances Robillard & Associés d’informer l’Autorité, dans les 15 jours de la présente décision, des démarches que le cabinet entreprendra pour procéder au changement du dirigeant responsable. Le cabinet se verra accorder 30 jours de plus pour procéder à la nomination d’un nouveau dirigeant responsable en remplacement de M. Robillard.
Si le cabinet ne donne pas suite à cette ordonnance, son inscription en assurance de personnes et en assurance collective de personnes sera suspendue et le cabinet devra remettre tous les dossiers clients, livres et registres à l’Autorité ou tout autre cabinet autorisé par l’AMF. De plus, le certificat de l’intimé comme représentant de courtier en épargne collective (no 1716941) sera aussi radié pour une durée de cinq ans.
La plainte
L’Autorité demandait au tribunal de résoudre toute demande effectuée, toute demande de changement et tous les changements de propriétaire et de bénéficiaires effectués concernant le contrat d’assurance vie universelle d’Yves Morel, lequel est le client de l’intimé et de son cabinet, afin de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le 25 mars 2009.
Le contrat avait été souscrit auprès de l’Industrielle Alliance, assurance et services financiers. En mars 2009 et au début de 2010, l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts à quatre reprises : 1) lors du paiement de la valeur de rachat du contrat d’assurance de son client, 2) lors de la cession de propriété de ce contrat à son cabinet, 3) lors du transfert de propriété de ce contrat à son épouse qu’il a désignée bénéficiaire révocable et 4) lorsqu’il a procédé au changement de bénéficiaire pour se désigner lui-même comme bénéficiaire irrévocable pour recevoir la prestation de 200 000 $ au décès d’Yves Morel.
Selon l’Autorité, l’intimé aurait transmis de fausses informations à l’assureur. M. Robillard contestait les allégations. Le Tribunal confirme, par sa décision, que l’intimé a commis plusieurs manquements à divers articles de la Loi sur la distribution de produits et services financiers de même qu’au Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
Objection à la preuve
La décision du tribunal comprend un long exposé d’allégations concernant la prépondérance de la preuve. L’Autorité s’objectait à un élément de preuve soumis par le procureur de l’intimé, soit un extrait du dossier du client provenant de la base de données du cabinet et qui comportait des notes inscrites au dossier en mars 2009 par une adjointe administrative qui n’est pas celle qui a témoigné à l’audience.
Cette note rapporte que le client a communiqué avec le cabinet le 18 mars 2009 pour annuler son contrat d’assurance parce que la valeur du fonds de capitalisation baissait et qu’il n’avait plus besoin d’une assurance sur sa vie. Une autre note indique qu’à la suite de cet appel, un courrier incluant une capture d’écran montrant la valeur de rachat du contrat a été envoyé au client une semaine plus tard. Aucune note postérieure à la date du 25 mars 2009 n’apparaissait au dossier.
Le TMF considère que cette preuve offre des garanties raisonnables de crédibilité même si la personne qui a apporté cet élément en preuve n’était pas la personne qui avait parlé au consommateur ni celle qui avait ajouté cette note au dossier.
Le contrat
Le consommateur a témoigné qu’Industries Udaco avait souscrit ce contrat en 1997 pour assurer sa vie, parce qu’il était alors l’un de ses actionnaires. En 2003, le client reçoit un diagnostic de la maladie de Parkinson et met fin, peu de temps après, à ses activités professionnelles. Sa mémoire et sa capacité de raisonner ne sont pas affectées par cette maladie.
Il a vendu ses actions en 2004 et Udaco lui a transféré la propriété de son contrat d’assurance vie universelle. Le client a rencontré l’intimé Robillard le 25 mars 2009, mais les témoignages ne concordent pas sur la nature de la conversation. Le client affirme avoir donné instruction au courtier d’exercer la valeur de rachat et d’annuler le contrat. Selon lui, l’intimé ne lui a jamais demandé s’il pouvait prendre la propriété du contrat ou le transférer à son épouse.
Ce n’est qu’en avril 2019 qu’une enquêteuse de l’Autorité a communiqué avec le client Morel. C’est elle qui lui a appris que le contrat était toujours en vigueur et que l’épouse de l’intimé était la bénéficiaire irrévocable de la prestation payable à son décès.
Il se souvient avoir été surpris du fait que le chèque de près de 22 300 $ pour la valeur de rachat de son contrat provenant du cabinet et non de l’assureur. L’intimé affirme que le chèque a été tiré du compte en fidéicommis du cabinet parce que le client voulait son argent tout de suite. Son épouse aurait injecté environ 20 000 $ dans le compte en fidéicommis. C’est alors que l’intimé aurait décidé de lui transférer la propriété du contrat et de la désigner en tant que bénéficiaire révocable.
L’intimé allègue qu’il voulait maintenir le contrat en vigueur pour récupérer en temps opportun les sommes qu’il avait investies en payant la valeur de rachat au consommateur. Il a décrit ce paiement comme étant une forme de placement.
L’intimé a omis d’informer le client qu’il y avait cession et transfert du contrat. « Il ne s’agit pas d’une information banale qu’un représentant en assurance peut ne pas expliquer à son client. Il s’agit d’une information fondamentale qu’il avait le devoir et l’obligation d’expliquer », écrit le tribunal au paragraphe 102 de la décision.
Le témoignage de l’intimé comporte de nombreuses affirmations peu détaillées et aucune documentation ne les supporte, ajoute le TMF au paragraphe 123. Son explication sur le présumé lien d’affaire entre le client et son épouse manque de fiabilité, selon le tribunal. Les informations portant sur les coordonnées du client qui ont été transmises à l’assureur montrent qu’il s’agissait plutôt de l’adresse civique et du numéro de téléphone de l’intimé.
Après analyse, le TMF confirme que l’intimé s’est placé dans plusieurs situations de conflit d’intérêts et qu’il a manqué à ses devoirs d’honnêteté, de loyauté, de compétence, de professionnalisme, d’intégrité, de probité et de diligence envers son client.
Le tribunal déplore le fait que l’intimé ne perçoive pas le conflit d’intérêts dans lequel il s’est placé et dans lequel il a impliqué son épouse. Ces manquements sont d’autant plus graves que M. Robillard œuvre en assurance depuis 1973 et dirige son propre cabinet depuis 1979.
L’intimé n’a montré ni manifesté aucun repentir durant toute la durée de l’audience. « Pour lui, il n’est aucunement immoral de détenir un contrat d’assurance sur la vie de son client sans que ce dernier ne le sache », lit-on au paragraphe 196.
M. Robillard continue d’exercer ses fonctions de représentant en vendant quelques contrats d’assurance par année et est en fin de carrière.
Le consommateur entend rembourser la somme perçue en mars 2009 au cabinet. Le TMF considère juste la remise de cette somme en contrepartie de la récupération de son contrat d’assurance. Le client a 45 jours pour effectuer le remboursement.
Le tribunal ordonne aussi à l’assureur d’effectuer les changements et les inscriptions nécessaires au contrat d’assurance de M. Morel, à la réception de la preuve que la somme perçue par le client a été remise au cabinet dans le délai prévu.