Selon un récent rapport publié par l’Autorité des marchés financiers, la bonne majorité des institutions financières ont pris des mesures pour considérer les changements climatiques dans leur gestion de risques.
Cette conclusion provient du rapport intitulé Les risques liés aux changements climatiques : le point sur les mesures mises en place par les institutions financières, daté de juin 2022 et rendu public le 7 juillet dernier.
On y présente l’analyse des réponses soumises par 230 institutions financières réglementées par l’Autorité dans le cadre d’un sondage mené au deuxième semestre de 2021. Le rapport traite aussi des enjeux liés à la gouvernance et aux processus d’affaires.
Le régulateur voulait évaluer leur niveau de préoccupation à l’égard des possibles impacts des risques liés aux changements climatiques sur leur institution et les mesures mises en place pour gérer adéquatement ces risques.
Dans les conclusions, on note que le niveau de préoccupation à l’égard des risques liés aux changements climatiques est plutôt faible ou moyen selon les institutions financières.
« Les risques liés aux changements climatiques constituent une menace importante pour le système financier », souligne Louis Morisset, PDG de l’Autorité. Le rapport brosse le tableau de la situation et aidera l’Autorité à déterminer ces prochaines orientations en la matière, précise M. Morisset.
Selon Patrick Déry, surintendant de l’encadrement de la solvabilité de l’Autorité, ces données permettront au régulateur « de préciser l’accompagnement nécessaire pour atténuer la disparité observée dans la capacité des institutions financières à mitiger ces risques », notamment en raison de leur taille.
Dans le rapport, on note que les institutions financières voient d’ailleurs d’un bon œil que l’Autorité exprime ses attentes sous forme de principes. Ceux-ci devront être alignés aux normes internationales tout en étant adaptés au marché québécois.
Points principaux
Parmi les grands points du rapport :
- les institutions ont déjà mis en place des rapports de gestion sur ces risques destinés à leur conseil d’administration (75 %) ou des politiques (71 %) comme instruments de gouvernance ;
- la haute direction et les membres du conseil sont bien conscients des risques climatiques et près de la moitié des institutions financières ont nommé un haut dirigeant responsable à cet égard ;
- le niveau d’investissement dans les actifs « verts » ou du type « ESG » est de plus en plus élevé chez les institutions financières (67 %). Les vérifications quant à la légitimité de ces qualifications sont en cours d’intégration dans les pratiques des institutions.
Quelque 187 assureurs, dont 117 en dommages, et 43 institutions de dépôts ont participé au sondage de l’Autorité.
Le questionnaire a été développé sur base de quatre axes distincts associés aux changements climatiques : l’importance accordée, l’évaluation des risques, la gouvernance et les processus d’affaires, l’encadrement et la divulgation des risques.
Inquiétude
Pour le premier axe sur l’importance accordée aux risques liés au climat, on note que des assureurs de dommages ont déserté des marchés, comme ceux des centrales électriques au charbon, des mines de charbon et des sables bitumineux.
Comme on peut s’y attendre, puisqu’ils sont les plus exposés aux risques physiques, ce sont ces assureurs de dommages qui affichent le plus haut niveau d’inquiétude (35 %) quant aux impacts possibles des risques liés au climat sur leurs activités.
Ce risque d’assurance peut être minimisé par le resserrement des règles de souscription, un ajustement de la tarification, une modification des couvertures offertes et par des programmes de réassurance.
De leur côté, les assureurs de personnes disent avoir lancé des analyses quantitatives des risques de transition associés à leurs portefeuilles de placement. Ils ont déterminé des pourcentages cibles pour des investissements dits « verts ». Seulement 7 % des répondants parmi les assureurs de personnes affichent un haut niveau d’inquiétude.
Évaluation
Pour le deuxième axe sur l’évaluation des risques, les assureurs de dommages visent à atténuer les risques physiques en modélisant les scénarios de risques climatiques.
De leur côté, les assureurs de personnes soulignent que les risques physiques pourraient générer une certaine augmentation des réclamations de décès liées à des problèmes de santé. Les canicules, la qualité de l’air et les pandémies liées aux zoonoses augmentent les risques de morbidité et de mortalité chez les populations les plus vulnérables.
Les assureurs de personnes sont exposés aux risques de transition, car leurs portefeuilles de placement sont vulnérables à la hausse de la volatilité de la valeur des actifs. On note aussi que des modifications à la fiscalité ou l’ajout de coûts de conformité liés aux nouvelles réglementations pourraient affecter la cote de risque et la probabilité de défaut de leur clientèle.
Gouvernance
Parmi les principaux éléments de gouvernance utilisés par les répondants pour intégrer les risques liés aux changements climatiques, 65 % ont produit des rapports de gestion sur les risques, 59 % ont adopté des politiques internes de gestion et de communication des risques et 57 % ont déterminé des orientations stratégiques.
La nomination d’un haut dirigeant responsable de la gestion des risques liés aux changements climatiques a été faite par 51 % des assureurs de dommages et par 31 % des assureurs de personnes.
Concernant les processus d’affaires, pour le secteur de l’assurance de dommages, on rappelle que certains d’entre eux offrent maintenant une couverture pour le risque d’inondation, même si celle-ci n’est pas disponible pour tous les propriétaires immobiliers.
Certains assureurs acceptent de payer une somme supplémentaire lors d’un règlement de sinistre afin que les réparations soient effectuées avec des matériaux écoénergétiques. Des rabais de prime sont aussi offerts aux propriétaires qui utilisent ces matériaux dans leur immeuble, de même qu’aux propriétaires de véhicules hybrides ou électriques.
Encadrement et divulgation
Parmi toutes les mesures possibles de mitigation des risques liés aux changements climatiques, les institutions financières estiment, à hauteur de 3,7 sur une échelle de 5, qu’une divulgation d’information au régulateur qui inclurait spécifiquement le risque climatique constitue la mesure la plus pertinente pour permettre une surveillance adéquate de ce risque par les régulateurs.
Quelque 45 % des institutions financières indiquent effectuer une divulgation publique de leurs risques liés aux changements climatiques, la plupart dans leur rapport annuel. Ce sont principalement les entreprises de plus grande taille (72 % des 105 de cette catégorie).
Sinistres naturels
Selon les institutions financières, les catastrophes naturelles sont susceptibles de causer une augmentation des coûts de sinistre associés en raison des changements climatiques. Les répondants ont indiqué que tel était le cas pour les inondations (90 %), les feux de forêt (89 %), les ouragans (86 %), l’érosion des berges (85 %), les grands vents (84 %), la grêle (81 %), les glissements de terrain (80 %) et les tornades (79 %).
Cette vulnérabilité aux catastrophes naturelles pourrait affecter particulièrement les biens immobiliers (91 % des répondants), les obligations municipales (80 %) et les dettes souveraines (71 %).