Un même sinistre naturel majeur, mais deux répercussions très différentes en assurance de dommages : les restes de l’ouragan Debby qui se sont abattus sur plusieurs régions en août 2024 ont fait mal au portefeuille des assureurs privés. Ils auront cependant eu peu d’impacts financiers sur le Fonds d’assurance des municipalités du Québec. Pourquoi ? Alors que des centaines de maisons avaient été endommagées, peu d’actifs municipaux ont été touchés.
Si les compagnies d’assurance n’oublieront pas 2024 en raison du passage de Debby et de la tempête de grêle à Calgary, la dernière année aura été au contraire excellente pour le Fonds québécois des municipalités : le nombre de réclamations a même diminué de 316, passant de 3127 en 2023 à 2811 en 2024.
De la Mutuelle au Fonds d’assurance
Le Fonds d’assurance qui a succédé à la Mutuelle des municipalités en 2022 assure un peu plus de 1 100 organisations municipales, dont 950 municipalités, ainsi que des municipalités régionales de comté (MRC) et des Régies. Environ 88 % des villes en sont membres. Les autres vont chercher leur couverture chez un assureur de leur choix.
Le contrat d’assurance du Fonds, La Municipale, couvre l’ensemble des actifs, immeubles, véhicules ainsi que la responsabilité civile. Les primes ne sont pas affectées par le nombre de sinistres annuels que peuvent faire ses assurés.
Une hausse moyenne des primes de 7 %
En raison de l’inflation, de l’augmentation des coûts de rénovations et de reconstruction et de la tarification des réassureurs, les primes exigées aux municipalités n’échappent pas aux hausses, mais elles sont contenues, a décrit son directeur général, Me Sylvain Lepage, en entrevue avec le Portail de l’assurance.
« Une partie de notre mission, précise-t-il, est d’éviter les chocs tarifaires de nos membres. L’autre objectif est d’éviter les fluctuations importantes des primes à la hausse, mais aussi à la baisse. Ce que veulent les municipalités, c’est de la prévisibilité. Depuis trois ans, nos augmentations se situent en moyenne à 7 %. »
« En général, commente-t-il, on peut dire que les assurés du Fonds ont des augmentations de primes inférieures à la moyenne de l’industrie de l’assurance de dommages. Quand on se compare, on se console. »
Vers un test du capital minimal de 500
Actuellement, les actifs du Fonds s’élèvent à environ 150 millions de dollars et son test du capital minimal (TCM) est d’environ 420. C’est suffisant pour faire face aux réclamations de ses membres et aux effets des changements climatiques. Le Fonds est loin d’être en péril au niveau financier.
« L’Autorité des marchés financiers exige un TCM de 150 %, dit Me Lepage. Nous sommes donc largement au-delà de ce niveau parce que nous avons mis en place depuis plusieurs années une stratégie pour tenir compte des changements climatiques et de l’augmentation des coûts de réassurance. »
« Un, explique-t-il, on injecte systématiquement depuis la fondation du Fonds 5 % de nos primes en prévention. On investit beaucoup dans l’inspection et l’analyse de risque. Deux, on a haussé de façon importante notre capitalisation et on continue afin d’être moins dépendant de la réassurance. On a aussi augmenté notre rétention, ce qui fait que l’on s’autoassure nous-mêmes pour des montants plus importants qu’autrefois, encore une fois dans un objectif d’économies et de capitalisation pour faire face aux changements climatiques. »
Un TCM de 420 n’est toutefois pas encore satisfaisant pour la direction du Fonds, qui vise au cours des prochaines années à le faire croître jusqu’à 500 % malgré l’ajout de risques causés par les effets directs et indirects des changements du climat.
Infrastructures moins touchées par les inondations
Il y a quelques années, le Fonds a imposé un moratoire sur l’assurance de nouveaux immeubles municipaux situés en zones inondables.
Les municipalités sont cependant moins touchées globalement que les autres assureurs au niveau des inondations en raison de la répartition géographique de ses assurés à travers 100 % du territoire québécois.
« Cette structure permet une répartition des risques à l’échelle du Québec, indique Me Lepage. Même si ça va mal en Gaspésie, cela ne veut pas dire que ça va mal en Abitibi. C’est à l’avantage des municipalités d’avoir un assureur qui couvre des risques sur toute la province. »
« Nous avons été touchés par Debby dans Lanaudière, mais dans l’ensemble, nous avons probablement été moins affectés par les effets de l’ouragan que les autres assureurs de dommages, qui pouvaient couvrir des quartiers complets, précise-t-il. Moi, dans le même territoire, j’ai peut-être un actif qui a été touché. »
Le ministère de l’Environnement doit faire connaître ce printemps sa carte révisée des zones inondables. Me Lepage croit qu’elle est susceptible d’avoir des effets importants chez les citoyens et pour les assureurs résidentiels, mais il ne s’attend pas ce qu’elle ait un grand effet sur les municipalités à l’échelle du Québec.
Incendies
Même si le directeur général du Fonds se fait prévoyant à l’égard des impacts des changements climatiques, le sinistre numéro un qui touche les municipalités au Québec n’est pas la crue des eaux, mais les incendies qui endommagent ou détruisent des immeubles et des équipements.
Le Fonds a reçu des demandes de réclamations pour des inondations, mais ce qui lui coûte le plus cher, précise Me Lepage, ce sont surtout les dommages aux biens par incendie. Ils ne sont pas causés par des feux de forêt comme ça s’est produit à Jasper, en Alberta. Ils sont pour la plupart d’origine électrique.
« Il y en a chaque année, dit Me Lepage. C’est la raison pour laquelle on investit beaucoup d’argent dans la prévention. » Le nombre de préventionnistes a été augmenté et en 2023, 6 614 bâtiments ont été inspectés afin de prévenir les incendies.
Même si son Fonds est en excellente santé, son directeur général reste aux aguets face à l’avenir. « Le coût de la réassurance et des changements sont toujours une préoccupation, réfléchit-il. On n’est pas à l’abri de ce qu’on ne connaît pas. Nous ne sommes pas différents des autres assureurs. »