Les régimes de retraite canadiens à prestation déterminée ont connu en moyenne un recul de plus de 7 % de leurs rendements au premier trimestre de 2020, ce qui en fait le pire trimestre depuis la crise de 2008.
Elles sont ainsi deux autres firmes de services aux caisses de retraite à confirmer la déconfiture du premier trimestre de 2020. L'univers des régimes de retraite de RBC Services aux investisseurs et de trésorerie affiche un rendement médian de - 7,10 % au premier trimestre de 2020, par rapport au même trimestre l’an dernier. Il s’agit de la plus forte baisse depuis 2008 estime la filiale du Groupe RBC.
Service de suivi du fonds de Solutions de gestion du risque mondial de BNY Mellon, BNY Mellon Canadian Master Trust Universe affiche un rendement moyen de -7,23 % au terme de la même période de comparaison. Au 31 mars 2020, le rendement médian sur un an enregistré par BNY Mellon a été de -1,13 %, alors que le rendement médian annualisé sur 10 ans a été de +7,24 %.
La croissance devance la valeur
Au premier trimestre de 2020, l'indice MSCI Monde a cédé 13,3 % par rapport au premier trimestre de 2019. « Les actions de croissance ont considérablement devancé les actions de valeur au sein de l'indice », rapporte l’univers des régimes de RBC. Le gestionnaire ajoute que l’énergie a été le secteur le plus pénalisé, tandis que la technologie a ouvert la marche. Le dollar canadien a reculé par rapport au dollar américain. Les régimes aux placements boursiers non couverts en devise ont échappé aux pertes de change correspondantes, explique RBC.
« Avec des pertes de marché sans précédent au cours des trois premiers mois de l'année et un déclin économique mondial, la performance de toutes les classes d'actifs en actions était en territoire négatif », a déclaré pour sa part Catherine Thrasher, responsable des solutions stratégiques pour les clients et des solutions de risque global pour CIBC Mellon et BNY Mellon.
Pas seulement la COVID-19
« L'indice composé S&P/TSX a chuté de 20,9 % pour le trimestre et ainsi effacé les gains engrangés en 2019, en plus d'avoir sensiblement tiré de l'arrière par rapport au marché mondial », révèle l’univers des régimes de RBC. Il attribue principalement ce recul à la crise du coronavirus. Son indice montre toutefois que le conflit sur le gazoduc et la guerre des prix du pétrole entre la Russie et l'Arabie saoudite ont aussi joué un rôle.
BNY Mellon note de son côté que l'indice S&P 500 a affiché un recul de -11,75 % au premier trimestre de 2020, comparativement à la même période l’an passé. Au terme du même exercice de comparaison, BNY Mellon signale que le rendement de l'indice MSCI EAEO a subi un recul de -15,17 %, et celui de l'indice MSCI des marchés émergents de -16,11 %.
Les statistiques de BNY Mellon sur son échantillon de régimes de retraite révèlent toutefois une excellente tenue des catégories d'actifs non traditionnels, en les circonstances. Toujours au premier trimestre, les actions privées ont affiché un rendement médian de 9,64 %, l'immobilier de 3,30 % et les fonds de couverture de -1,47 %.
Fuite vers la qualité
Autre source de consolation, l'indice des obligations universelles FTSE Canada a avancé de 1,6 % pendant le trimestre, révèle RBC Services aux investisseurs et de trésorerie. Cette performance a permis aux régimes d'atténuer les reculs liés aux marchés boursiers, ajoute RBC.
« À la suite des réductions de taux d'intérêt opérées par la Banque du Canada, la pente de la courbe de rendement s'est accentuée, et les obligations à court terme ont devancé celles à long terme. Il s'est visiblement produit une fuite vers la qualité : les investisseurs ont vendu des placements plus risqués », indique l’univers de régimes analysé. Ainsi, l'indice des obligations globales à haut rendement FTSE Canada a régressé de 9 %, et celui des obligations du gouvernement fédéral FTSE Canada a progressé de 5,1 %.
Période extrêmement difficile
« Il s'agit d'une période extrêmement difficile à traverser pour les régimes de retraite canadiens, car l'ampleur de la volatilité des divers marchés de titres est sans précédent », selon David Linds, chef, administration d'actifs pour le Canada, RBC Services aux investisseurs et de trésorerie.
Il se dit toutefois optimiste en raison d’importantes mesures prises par les autorités en matière de politiques monétaire et budgétaire, partout dans le monde. « Même s'il est difficile de prévoir ce que demain nous réserve, nous espérons que ces mesures ramèneront notre économie sur la voie de la croissance dans un proche avenir », dit M. Linds.
Le cas Produits Forestiers Résolu
Des régimes font directement les frais de cette volatilité sans précédent. La Presse + a fait écho au cas du régime de retraite Produits Forestiers Résolu, fortement ébranlé par la crise actuelle.
Son régime affiche actuellement un déficit de plus de 1,5 milliards de dollars (G$). Il a trois fois plus d’employés retraités que de participants actifs. Frappé par les rendements et les taux d’intérêts très bas, le promoteur du régime vit une décroissance économique accentuée par la crise de la COVID-19.
Des régimes distraits par les marchés
Nouvellement promu au titre de directeur général principal, relations avec la clientèle et innovation, solutions PD de Financière Sun Life, Mathieu Tessier observe pour sa part que deux types de régimes de retraite se distinguent sous l’effet de la crise de santé publique. « Il y a ceux qui en arrachent avec la volatilité actuelle et ceux qui ont les moyens de songer à une solution », dit l’habitué des transactions de rentes collectives qui visent à sécuriser les régimes de retraite à prestation déterminée.
Les promoteurs de régimes vulnérables aux conditions de marché font partie du premier groupe. Ce sont ceux qui étaient déjà significativement exposés aux actions et aux changements de taux d’intérêt, « parce qu’ils n’avaient pas assez d’obligations de longue durée dans leur portefeuille », signale M. Tessier. « Ces promoteurs en sont peut-être plus à mesurer l’impact des marchés sur le provisionnement de leur régime. »
D’autres sautent sur les occasions de rentes à rabais
D’autres ont été moins touchés parce qu’ils avaient moins d’actions et « une belle couverture de taux d’intérêt avec suffisamment d’obligations longues », observe M. Tessier. « Ces promoteurs veulent discuter tout de suite d’achat de rentes et d’autres solutions de réduction des risques. »
Une des raisons : les rentes collectives recèlent des occasions parce la hausse des taux d’obligations corporatives a creusé un écart avec les taux des obligations fédérales, dans les dernières semaines. « Pour ajouter à notre portefeuille d’obligations fédérales, nous achetons des obligations corporatives moins chères et nous sommes en mesure d’avoir des prix compétitifs pour les rentes collectives », explique Mathieu Tessier. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, le détenteur d’une obligation à un taux inférieur ne peut plus s’en départir à des conditions de marché aussi avantageuses qu’auparavant, d’où la baisse de sa valeur.
M. Tessier se dit par ailleurs toutefois optimiste de voir les rendements des régimes se redresser, en ce qui touche le volet en actions. « Le creux du premier trimestre 2020 a été le plus profond enregistré depuis 2008, mais avril a été un très bon mois; il y a eu une reprise », rappelle-t-il.