Aux environs du 19 novembre 2019, une cliente de la courtière d’assurance Francine Gauthier (no de certificat 113993) quitte le Québec pour s’établir au Maroc. Durant sa période d’installation à l’étranger, les erreurs et les manquements se multiplient entre l’assurée et sa courtière.

Le 6 janvier 2020, la professionnelle prend l’initiative d’informer l’assureur que l’appartement de sa cliente est dorénavant occupé par un autre locataire, mais omet d’aborder avec lui la question du voyage à l’étranger. Or dans les faits, la situation est plutôt inverse : l’assurée, quoique résidant au Maroc, compte bien garder son appartement au Québec, dans la municipalité de La Pêche. 

Il ne s’agit pas du premier souci dans la relation de la cliente et sa courtière. Avant même qu’un changement de locataire ne soit mentionné, d’autres bévues apparaissent : à la mi-décembre 2019, Francine Gauthier a manqué d’informer la cliente des dates à respecter pour le paiement de sa prime ainsi que celle de son entrée en vigueur. Également, la courtière ne transmet pas à sa cliente les avis de non-paiement, envoyés par l’assureur, autour du 23 janvier 2020.

Le jugement indique que des tentatives ont été faites afin d’annuler rétroactivement l’assurance, mais, lorsque celles-ci ont échoué, Francine Gauthier n’en a pas informé sa cliente. La situation mène l’assureur à résilier le contrat et, le 8 février 2020, la cliente se retrouve avec un appartement sans assurance, toujours sans en être informée. Qui plus est, entre le 31 janvier et le 6 février 2020, la courtière admet qu’elle a cessé toutes démarches pour trouver un assureur de rechange. 

Renseignements d’usage et induction en erreur 

Plus tard, Mme Gauthier continue quand même d’interagir au nom de sa cliente, du moins jusqu’aux environs du 2 mars 2020, en souscrivant auprès d’une compagnie d’assurance tierce, pour la période du 17 avril 2020 au 17 avril 2021. Cependant, ce second assureur aura également des raisons de se plaindre du manque d’exhaustivité des informations fournies afin d’évaluer le risque représenté par la cliente.

Dans le cas de ses relations avec le premier assureur, il est reproché à Francine Gauthier de ne pas avoir donné à celui-ci « les renseignements qu’il est d’usage de lui fournir » (article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages), tant par l’omission du départ de sa cliente que par l’information erronée sur sa cessation de location.

Dans le cas du second assureur, c’est une « une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur », qui représente un agissement « à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession » (paragraphe 7 de l’article 37 du Code de déontologie) qui sera plutôt invoquée. 

Francine Gauthier sera également trouvée fautive par ses omissions de rendre des comptes à sa cliente dans l’exécution de son mandat, ce qui représente une autre offense à l’honneur de la profession (paragr. 4, art. 37). 

Recommandation  

Francine Gauthier reconnaîtra sa responsabilité envers ses trois interlocuteurs ainsi que sa culpabilité aux sept chefs d’accusation.

Cette reconnaissance donnera lieu à une entente commune entre le syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages, Me Pascal Paquette-Dorion, et la courtière. Pour chacun des chefs, Francine Gauthier se verra imposer une radiation temporaire de 15 jours, à purger simultanément, en plus de devoir payer tous les déboursés et les frais de publication de l’avis de radiation temporaire. 

L’entente épargnera cependant à la courtière les conséquences liées aux accusations de négligence et d’omission de communiquer des renseignements nécessaires à sa cliente concernant la cessation des recherches d’un nouvel assureur avant mars 2020, puisqu’un arrêt conditionnel sera proposé envers le chef d’accusation no 3.

Après 40 ans de pratique 

D’autres arrêts conditionnels seront prononcés, concernant des articles spécifiques, soit l’accusation de manque de transparence envers la cliente (art. 25) ainsi que, pour le second assureur, le manquement au devoir de fournir de l’information (art. 29) ainsi que l’article 25, qui invoque, tout comme l’article 37 (paragr. 7), la faute associée à « des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur ». 

Ces aspects seront toutefois repris parmi les facteurs aggravants à considérer. Les notions de manquement au devoir de transparence et de défaut d’informer adéquatement l’assureur, au cœur même de la profession, ainsi que l’atteinte à l’image de la profession y seront, en effet, mentionnées, en plus de la gravité objective de l’infraction et les quarante ans d’expérience de l’intimé. 

Le fait qu’il s’agisse de la première plainte d’un ou d’une assurée à son encontre, en 40 ans de pratique, fut cependant nommé parmi les facteurs atténuants. Son aveu de culpabilité et son absence d’intention malveillante joueront aussi en sa faveur.

Le devoir de rigueur

La distance et les difficultés de communication entre la cliente, au Maroc, et la MRC des Collines de l’Outaouais, où pratique la courtière, ont été mentionnées « à la décharge de l’intimée », dans les paragraphes précédant la justification de la recommandation commune. Mais il y sera ajouté que « cet élément n’excuse pas le comportement de l’intimée ». 

Finalement, ces difficultés d’accessibilité ou de communication ne se retrouveront pas parmi les facteurs atténuants. Par contre, « le fait que la cliente était à l’étranger et que l’intimée aurait dû redoubler de prudence » figurera au rang des facteurs aggravants. 

L’exercice du comité de la Chambre de l'assurance de dommages rappellera que, dans le cas d’une entente commune, son rôle n’est pas de « s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction ». Il ne détaillera donc pas davantage son avis sur la proposition commune, avant d’annoncer sa décision de l’entériner.