Le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime canadien d’assurance médicaments, qui avait été mandaté en juin 2018 par le gouvernement de Justin Trudeau, a dévoilé le 6 mars son rapport provisoire qui était très attendu.

Produit à la suite d’une série de consultations menées à travers le pays auprès de gouvernements, des assureurs, de pharmaceutiques, de pharmaciens, de cliniciens et de groupes intéressés par le prix et l’accessibilité aux médicaments, ce rapport admet que les couts des médicaments augmentent à un rythme insoutenable et que sans réforme, le système sera bientôt au point de rupture. Il ne se prononce toutefois pas sur une question essentielle : le futur régime canadien d’assurance médicaments sera-t-il mixte comme au Québec ou 100 % public et universel ?

L’exception canadienne

À quelques jours du dépôt des premiers avis du Conseil, sept syndicats et groupes québécois se sont rendus à Ottawa pour réclamer à nouveau la création d’un régime public et universel qui couvrirait l’ensemble de la population. En dépit de cette position, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) reste ouverte au maintien de régimes collectifs complémentaires privés dans les entreprises capables de se les offrir.

Exception faite des États-Unis, le Canada est le seul pays de l’OCDE qui dispose d’un régime de santé publique, mais ne possède pas un régime d’assurance médicaments public. Le Québec est la seule province canadienne à bénéficier d’un tel régime, mais il est hybride et l’État partage la couverture avec les assureurs privés. La mise en place d’un régime canadien d’assurance médicaments pourrait devenir un enjeu majeur de l’élection fédérale prévue à l’automne, mais la forme qu’il pourrait prendre reste inconnue à ce jour et le rapport rendu public le 6 mars ne donne aucune indication.

La CSN, la FTQ, la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), l’Union des consommateurs, la Centrale des syndicats du Québec et plusieurs autres organisations sont fortement en faveur de la création d’un régime d’assurance médicaments au Canada pour autant qu’il soit public et universel. Elles ont réitéré le 1er mars à Ottawa leurs craintes que le fédéral ne soit tenté de reproduire le régime mixte public privé québécois lancé en 1997, qu’elles jugent couteux et inéquitable. Selon elles, cette formule a entrainé une explosion des couts ainsi que de profondes iniquités et Ottawa commettrait une grave erreur en voulant reproduire le modèle québécois même s’il fait l’envie de plusieurs provinces canadiennes.

Le cas québécois

Quand le Dr Jean Rochon avait lancé le régime québécois il y a 20 ans, il avait permis provisoirement, affirment les syndicats, la création d’un régime hybride où les travailleurs seraient couverts par des assureurs privés. Selon des chiffres de l’Union des consommateurs, une association qui milite depuis 2009 pour un seul régime public et universel, 43 % de la population québécoise est assurée par la partie publique du Régime général d’assurance médicaments (RGAM) et 57 % par des régimes privés d’assurance collective. C’est donc un marché extrêmement important pour les assureurs.

Depuis quelques années, Jean Rochon a rejoint le camp de ceux qui réclament un seul régime, public et universel. Devant l’Union des consommateurs en 2014, il avait déclaré : « Il n’est plus temps de se demander si un régime entièrement public d’assurance médicaments est pertinent, mais bien quand il doit être implanté ».

L’explosion des primes

Au Québec, les couts des régimes d’assurance médicaments augmentent au rythme de 5 à 8 % par année depuis vingt ans. Avec le résultat que même si tous les citoyens au Québec sont couverts par l’un ou l’autre des deux régimes, 12 % des assurés du régime public et 6 % des assurés des régimes d’assurance collectifs privés ne se procureraient pas les médicaments qui leur sont prescrits parce qu’ils n’ont pas les moyens financiers de le faire.

Le Canada, soutient Caroline Senneville, vice-présidente de la CSN, est l’un des pays où les médicaments sont les plus chers au monde, fait pour lequel le Conseil consultatif vient de lui donner raison. Les Québécois dépensent en médicaments beaucoup plus que les citoyens d’autres pays. Alors que la médiane des dépenses en médicaments par habitant est de 603 $ par année pour les pays de l’OCDE, elle est de 1 087 $ au Québec.

Les dépenses en médicaments prescrits atteignent aujourd’hui près de 9 milliards de dollars annuellement au Québec seulement. Les honoraires des pharmaciens seront nettement supérieurs s’ils sont facturés à un assuré d’un régime privé que du régime public, une situation qui est dénoncée de toutes parts, même parfois des pharmaciens eux-mêmes comme on l’a entendu le 5 mars à l’émission La Facture.

Obtenir un meilleur rapport de force

Les centrales syndicales allèguent qu’un régime unique public et universel qui négocierait pour l’ensemble des Québécois donnerait à l’État un meilleur rapport de force face aux pharmaceutiques et aux pharmaciens et lui permettrait d’obtenir des médicaments à moindre cout. Cette baisse des prix entrainerait également, d’après les calculs syndicaux, des économies s’élevant entre 1 et 3 milliards de dollars, selon la liste des médicaments qui seraient couverts ou pas.

Le président de la FTQ, Daniel Boyer, rappelle que l’ancien ministre de la Santé, Gaétan Barrette, avait obtenu 300 millions de dollars d’économies en négociant le prix des génériques pour le seul régime public québécois. Après l’instauration d’un seul régime public en Nouvelle-Zélande, dit Caroline Senneville, de la CSN, les prix de certains médicaments sont devenus dix fois moins chers qu’ils ne l’étaient.

Les syndicats n’entrent cependant dans les détails et ne s’aventurent pas sur la couverture qui serait offerte dans un régime public et universel au Québec. Ils ne disent pas si la liste des médicaments payés par l’État dans un tel régime devrait être de même niveau que celle qui est offerte par les assureurs privés et qui est actuellement supérieure à celle du régime public.


Le cout des médicaments : un fardeau constant  
Les pressions ne cessent de s’accumuler sur les régimes d’avantages sociaux des entreprises. Le cout des médicaments est l’un des facteurs qui expliquent cette situation. Des solutions existent, mais la volonté pour les appliquer ne suit pas... Cette problématique est celle qui fait la Une de l’édition imprimée de mars 2019 du Journal de l’assurance, disponible exclusivement à nos abonnés à compter du 19 mars. Pour ne pas manquer ce dossier exclusif et recevoir à temps votre copie, assurez-vous que votre abonnement est valide d’ici le mercredi 13 mars !

column

Le cout des médicaments