Le 31 octobre dernier, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a déclaré la culpabilité des intimés Steve Gauthier (certificat no 176 986) et Mélodie Lévesque (certificat no 200 434) pour l’ensemble des chefs de leur plainte respective. Ils connaîtront leur sanction à la suite d’une prochaine audience.
La même consommatrice de Saint-Rémi est concernée par les deux plaintes et les gestes reprochés ont eu lieu de janvier 2016 à avril 2018. Toutes les infractions sont proscrites par divers articles du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
Le contexte
Au moment des faits, les intimés détiennent tous les deux un certificat en assurance de personnes. M. Gauthier exerce pour le cabinet d’un grand assureur depuis novembre 2009 ainsi que pour son propre cabinet depuis mars 2014.
Les intimés sont en couple depuis 2012. L’intimée Lévesque commence à exercer de juin 2013 à juin 2019 pour le même assureur ainsi que pour le cabinet de son conjoint depuis août 2014. Elle devient la co-actionnaire du cabinet en 2018.
La consommatrice est la nouvelle conjointe d’un client de l’intimé Gauthier. Ils achètent une maison en septembre 2015. Le représentant rend visite à ce dernier en décembre 2015 et revient en janvier 2016 pour lui livrer une police d’assurance.
À cette occasion, il prend connaissance de la police d’assurance émise par un autre assureur en décembre 2015 pour la consommatrice. Il lui fait souscrire en remplacement une proposition d’assurance vie avec l’assureur qu’il représente, pour laquelle la cliente verse la première place afin de profiter d’une assurance provisoire.
Elle procède ensuite à un arrêt de paiement de la prime payable pour le premier contrat, qui est annulé le 21 février 2016.
L’intimé Gauthier commet une première infraction en omettant de recommander à la cliente d’attendre l’émission du nouveau contrat d’assurance avant de résilier le contrat existant, créant ainsi un découvert d’assurance (chef 1). Le comité a retenu la version de la cliente et non celle soumise par l’intimé.
Le 29 juillet 2016, le deuxième assureur refuse la proposition souscrite par la cliente avec l’intimé le 28 janvier précédent.
Autre contrat
Une nouvelle proposition est souscrite avec un troisième assureur en août 2016. Les deux intimés participent à cette transaction et, encore une fois, les versions des intimés et des consommateurs diffèrent.
L’intimé a fait signer en blanc une « lettre d’engagement » (chef 2) et une « analyse financière personnelle » (chef 3). Il a également omis de divulguer à l’assureur qu’il avait agi à titre de conseiller auprès de la cliente pour la souscription d’une assurance vie (chef 4).
L’intimée Lévesque a signé à titre de conseillère la proposition d’assurance vie souscrite auprès de l’assureur en août 2016 sans avoir agi à ce titre (chef 1).
Elle a également attesté faussement avoir été témoin de la signature de la cliente sur ladite proposition (chef 2).
La police émise est mise en vigueur le 17 août 2016, mais la date de naissance de la cliente qui est indiquée au contrat est erronée. La consommatrice demande la correction, laquelle n’a toujours pas été effectuée en avril 2018. L’intimé Gauthier est coupable de ne s’être pas acquitté du mandat confié par la cliente (chef 5).
Versions divergentes
Lors de leurs représentations, les procureurs reconnaissent que le sort des plaintes repose entièrement sur la crédibilité que le comité accordera aux témoignages des consommateurs et des intimés. En conséquence, le comité consacre quelques paragraphes aux règles de droit concernant l’analyse de la preuve de même qu’à la crédibilité des témoignages.
Selon l’intimé Gauthier, la cliente n’était pas présente lorsqu’il a rendu visite à son conjoint en décembre 2015 lorsque ce dernier désirait un nouveau produit d’assurance en lien avec l’achat de la nouvelle maison.
La consommatrice affirme au contraire qu’elle y était. La proposition avec le premier assureur n’avait pas encore été traitée. Selon la cliente, l’intimé lui a même dit qu’une longue attente laissait présager un refus. Il lui aurait recommandé d’annuler la demande afin de ne pas avoir à déclarer le refus auprès d’un autre assureur.
Dès le lendemain de cette rencontre tenue le 3 décembre 2015, la cliente a demandé à son représentant auprès de l’institution financière d’annuler la proposition. Elle réitère cette demande le 21 décembre 2015, mais elle apprend le même jour que le premier assureur a émis la police.
Il s’agit d’une assurance vie sans examen médical. La police est assujettie à des limitations pour les affections préexistantes pour les 24 mois précédant la prise d’effet. Si le décès survient dans les 24 mois en raison d’une affection préexistante, aucune indemnité ne sera payée. L’intimé Gauthier affirme pouvoir trouver une meilleure protection auprès du cabinet de son assureur.
Selon la cliente, il lui recommande de cesser de payer la première police. Elle choisit l’option de l’arrêt de paiement pour éviter une mention négative à son dossier de crédit. Devant le comité, l’intimé affirme qu’il a dit à la cliente de conserver la police du premier assureur.
En mai 2019, il avait dit à l’enquêteur du syndic qu’il ne se rappelait pas les instructions données à la cliente concernant cette police avec le premier assureur. Comme son dossier ne comprend aucune note sur le sujet, le comité estime qu’il est invraisemblable que la lecture de son dossier lui ait permis de se rafraîchir la mémoire.
De plus, l’intérêt pour la cliente de posséder une note de couverture avec le deuxième assureur n’est pas démontré, comme elle est déjà couverte par un autre contrat. Cet aspect n’est pas documenté au dossier.
Considérant l’ensemble de la preuve entourant la souscription de l’assurance vie avec le deuxième assureur, le comité estime que la cliente a compris des représentations de l’intimé que la police serait souscrite par cet assureur. La version de la cliente a été constante durant l’enquête du syndic et le processus disciplinaire.
Les autres chefs
Les chefs 2 à 4 de la plainte portent sur la souscription de la proposition d’assurance auprès d’un troisième assureur en août 2016, qui découle du refus du deuxième.
Selon l’intimé Gauthier, il passe son temps sur la route tandis que l’intimée Lévesque gère ses rendez-vous, monte les dossiers et reçoit le résultat des propositions soumises.
Encore une fois, la preuve est contradictoire concernant la présence de l’intimée Lévesque à la rencontre du 3 août 2016 et sur l’identité de la personne qui fait signer cette nouvelle proposition.
Le comité rappelle que la cliente ne tire aucun avantage de cette affaire et que sa version des faits est sans équivoque. Elle fait confiance à l’intimé Gauthier qui représente son conjoint depuis plusieurs années.
« II a fallu un laborieux interrogatoire pour, tant soit peu, démêler les informations consignées par les intimés pour l’analyse des besoins financiers (ABF) de la cliente », précise le comité au paragraphe 99 de la décision.
Cette ABF a été construite à partir du dossier du conjoint créé en 2011 et mis à jour au fil des ans. Ce dernier témoigne et contredit l’intimé Gauthier sur la nature incomplète des documents signés ce jour-là par sa cliente. Si les documents avaient été complétés au préalable, comme le prétend l’intimé, elle aurait vu l’erreur commise concernant sa date de naissance.
Même si l’intimée Lévesque a préparé la documentation pour la proposition avec le troisième assureur, cela ne fait pas d’elle la représentante de la cliente, laquelle indique n’avoir jamais parlé ou rencontré cette représentante et ne la connaître que de nom.
L’omission reprochée au chef 4 de la plainte contre l’intimé Gauthier « permettait à Mme Lévesque de prétendre avoir agi comme représentante » de la cliente pour cette nouvelle police. La preuve montre que l’intimé Gauthier a expliqué le produit, s’est rendu au domicile pour lui faire signer les documents et lui a livré la police par la suite.
La date de naissance
Ce n’est qu’en juin 2018 que la date de naissance de la cliente sera changée sur le contrat du nouvel assureur (chef 5). La cliente communique elle-même avec l’assureur pour faire corriger son dossier, lequel sera par la suite confié à un autre représentant.
Étant donné qu’elle est plus âgée que ce qui était indiqué sur la proposition souscrite en août 2016, l’assureur informe la cliente que la prime est modifiée. La consommatrice laissera tomber ce contrat en déchéance et le contrat est annulé le 28 août 2018.
L’intimé affirme que la cliente ne lui a signalé cette erreur qu’en février 2018 et il minimise la conséquence de cette erreur pour la cliente, alors que ses capacités financières sont limitées.
« Le défaut de suivi de l’intimé ne surprend pas. M. Gauthier écrit très peu de notes au dossier », écrit le comité.
Concernant l’intimée Lévesque, la preuve confirme que la cliente a toujours été servie par l’intimé Gauthier. Les échanges de messages textes confirment la version de la consommatrice.
Elle ne peut avoir agi comme témoin de la signature de la cliente puisqu’elle indique dans son témoignage être restée dans la voiture pendant que l’intimé Gauthier faisait signer les documents.
Elle dit avoir trouvé dans ses notes qu’elle s’était assurée auprès de l’autre intimé qu’il s’agissait bien de la signature de la cliente. Le dossier de l’assureur est dépourvu de toute note à cet égard.