Robert Dutton a réfléchi un temps avant d’accepter l’invitation de Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la Chambre de la sécurité financière. Le défi : livrer une conférence sur le leadership devant quelque 450 conseillers financiers attendus à l’activité de formation ProLab, qui s’est déroulée à Montréal le 8 juin dernier.

Professeur à HEC Montréal et codirecteur du Pôle entrepreneurial HEC, l’ex-président de RONA s’est demandé ce que le parcours d’un garçon élevé dans la quincaillerie lavalloise de ses parents avait en commun avec celui des membres de la Chambre. 

Son premier réflexe passé, il réalise que le quincaillier et le professionnel en assurance ou en épargne collective partagent des réalités « bien semblables ». « Le leadership est inhérent à ce que vous faites, que vous dirigiez une équipe ou que vous soyez un représentant autonome », soutient M. Dutton. 

Puis-je vous aider? 

La ressemblance, Robert M. Dutton la retrouve dans ses souvenirs d’enfance. « “Puis-je vous aider?” est la phrase que j’entendais chaque fois que des clients entraient dans la quincaillerie lavalloise de mes parents. Ils saluaient une personne, pas un client. Pour qu’une personne devienne cliente, il faut qu’on l’aide à le devenir. Plutôt que de vendre à tout prix, mes parents préféraient voir quelqu’un sortir du magasin avec le sentiment d’avoir été bien traité et d’avoir reçu les bons conseils. Neuf fois sur 10, la personne revenait quelques jours, quelques semaines plus tard, cette fois pour acheter », se remémore Robert Dutton. 

Peu importe la discipline dans laquelle il exerce, le conseiller financier établit selon lui la même relation d’aide avec ses clients. « Vous mettez vos connaissances techniques au service de leurs projets. Les clients qui entraient dans notre quincaillerie ne recherchaient pas nécessairement des deux par quatre, des perceuses, des clous ou de la peinture. Ils recherchaient des solutions et des moyens de réaliser un projet, petit ou grand », relate le professeur à HEC. 

Pas plus qu’ils ne veulent acheter de l’assurance, poursuit-il. « Qui veut payer pour un produit totalement abstrait en espérant n’en avoir jamais besoin? Ce que les gens recherchent, c’est la tranquillité d’esprit. » Ils ne veulent pas non plus de fonds d’investissement. « Vos clients ne recherchent pas des produits; ils réclament la valeur ajoutée de vos services, dit M. Dutton. Ils veulent être accompagnés pour déterminer leurs besoins et avoir la conviction qu’ils ont les produits qui leur conviennent le mieux. » 

Le leader s’intéresse aux personnes 

Vous n’avez pas d’autorité sur le client, lance Robert Dutton aux conseillers dans la salle. Vous devez amener la personne à prendre la décision qui favorise le mieux ses intérêts, ajoute-t-il. « C’est l’essence même du leadership, que vous soyez gestionnaire d’une grande organisation, d’une petite équipe, ou même un planificateur financier qui travaillez seul. » 

Les patrons autoritaires n’ont pas de leadership, selon Robert Dutton, qui dit en avoir rencontré plusieurs durant sa carrière. « Ils exercent un pouvoir. Ils savent. Ils donnent des ordres et des instructions. Ils s’intéressent aux objectifs, aux tâches et à la coordination des activités qui mènent à un résultat », énumère M. Dutton. Il connaît des conseillers autoritaires. « Ils connaissent parfaitement les produits, comment les utiliser et ce qui est bon pour le client. Si le client n’est pas content, c’est qu’il est incompétent comme client! »

Au contraire, les vrais leaders s’intéressent d’abord aux personnes, poursuit M. Dutton. Il estime que ces conseillers « sont des leaders informels, et n’ont pas besoin d’autorité pour mobiliser les gens ». Ils s’intéressent aux personnes, même lorsqu’ils n’ont rien à leur demander, enchaîne-t-il. 

Les vrais leaders font aussi confiance aux jeunes, dit Robert Dutton. « J’ai beaucoup confiance aux jeunes, car ils sont en quête de sens, ajoute-t-il. Ils vont faire la différence. » 

Selon l’ex-président de RONA, les leaders authentiques présentent des traits communs. Pour l’expliquer, il y va d’une analogie avec le groupe rock Offenbach, icône de la scène musicale québécoise durant les années 1970 et 1980. Alors que son leader Gérald « Gerry » Boulet se sait atteint d’un cancer, son mal lui inspire une chanson qui sera un franc succès en 1988 : Les yeux du cœur

Selon Robert Dutton, le refrain de cette chanson décrit parfaitement les traits d’un leader :

Aujourd’hui, je vois la vie 
Avec les yeux du coeur 
J’suis plus sensible à l’invisible 
À tout c’qu’il y a à l’intérieur 

« C’est la version poétique de la première qualité d’un leader », lance-t-il.