Par une note de service expédiée le 9 septembre, Gestion de patrimoine Dundee a officiellement révoqué le droit des conseillers de vendre des produits d’assurance individuelle, des fonds distincts et certains autres produits financiers par l’intermédiaire d’autres distributeurs, les agents généraux compris. Désormais, les conseillers devront traiter ces affaires avec Assurances Dundee ltée seulement. La politique entrera en vigueur le 1er janvier 2009.
« Les activités extérieures à Dundee génèrent un niveau de risque financier inacceptable et compromettent inutilement la réputation de la société. Par conséquent, toute nouvelle assurance vie individuelle, toute police à fonds réservés, toute police de prestations du vivant, tout CPG, toute rente de placement garanti et tout régime enregistré de placement doivent être placés chez Dundee », explique la note de service intitulée Relations d’affaires à l’extérieur de Dundee, et dont le Journal de l’assurance a obtenu copie. Seule une version anglaise a circulé jusqu’à maintenant.
En entrevue exclusive au Journal de l’assurance, le président d’Assurance Dundee, Ron Dick a affirmé que la nouvelle politique de « partenariat total » n’a pas encore été appliquée au Québec, sauf auprès des conseillers financiers qui sont encadrés par l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM), y compris ceux qui ont le double permis.
« Les dirigeants de notre centre de ressources au Québec ont requis jusqu’à la fin de 2008 pour peaufiner le programme auprès des plus grands groupes de conseillers, avec ou sans double permis. Nous avons donc décidé de procéder en deux étapes. »
La note de service qui circule stipule que certaines exceptions sont permises pour des ententes contractuelles existantes et « pour le moment, l’assurance collective ne doit pas obligatoirement être placée chez Assurance Dundee ltée ». La note ajoute également que les portefeuilles de contrats en vigueur peuvent demeurer chez l’agent général actuel. Cependant, si le conseiller choisit de consolider ses activités, « Assurance Dundee ltée essaiera de négocier l’achat des portefeuilles de contrats de l’agent général actuel ».
La nouvelle directive interdit aussi de transiger avec des fiducies comme MRS Trust ou B2B Trust pour les REÉR autogérés, explique la note de service. À quelques exceptions près, « tous les nouveaux comptes REÉR autogérés doivent être ouverts chez Dundee ». Même chose pour les certificats de placement garanti (CPG) et les rentes d’investissement garanti que le conseiller doit transiger par l’entremise d’une liste de compagnies pré-approuvées par le cabinet, ce qui inclut la Banque Dundee et des compagnies d’assurance de personnes.
Tel que le stipule la loi, un représentant en fonds communs est rattaché à son cabinet et ne peut exercer ses activités que par son intermédiaire. Le conseiller en assurance, pour sa part, peut transiger ses affaires d’assurance par plus d’un agent général. Les conseillers de Dundee avec double permis travaillaient donc occasionnellement auprès d’agents généraux autre qu’Assurances Dundee pour leurs activités d’assurance.
La nouvelle politique force maintenant ces conseillers à cesser leurs ventes d’assurance en dehors Dundee… ou à quitter le cabinet.
M. Dick a longuement expliqué les raisons qui ont motivé ce virage. Dundee a reçu au cours des dernières années des plaintes de clients liées à des produits financiers transigés à l’externe. Dundee n’était pas directement impliqué dans ces transactions problématiques, mais ses conseillers s’étaient présentés aux clients avec leur carte de Dundee, explique M. Dick.
Sans préciser, M. Dick a relaté avoir eu quelques cas très embarrassants. Certaines de ces situations seraient très fréquentes et ne sont pas uniques à Dundee. La plainte la plus courante des consommateurs porte sur la pertinence d’une recommandation d’un fonds commun de placement, d’un titre ou d’une assurance vie, par exemple. Si la transaction est conclue hors d’Assurance Dundee, la firme n’a aucun moyen de la superviser et de soutenir son conseiller de façon à mitiger le risque de pépin, allègue M. Dick.
Le côté sombre
Pire encore, il n’y aucun moyen de nous protéger ou de protéger les clients contre des agissements contraires à l’éthique, voire illégaux, commis à l’extérieur d’Assurances Dundee, a défendu M. Dick. Ce qu’il a d’ailleurs qualifié de côté sombre des transactions externes.
Lors d’une poursuite, le tribunal pointera du doigt la firme de courtage, ajoute-t-il. « Nous devons donc protéger la marque et la valeur de notre entreprise au nom de tous nos autres conseillers. »
La nouvelle politique de Dundee « aidera nos conseillers à maintenir le professionnalisme et la qualité de leurs activités et à assurer que nous faisons bien notre travail de veiller sur l’intérêt des clients que nous avons en commun », dit-il.
Certains agents généraux comprennent la position de Dundee. D’autres s’indignent et la considèrent comme une menace à l’indépendance du réseau. (Voir pages 36 et suivantes.)
M. Dick est en désaccord avec ce point de vue. Il allègue qu’Assurances Dundee offre à ses conseillers une indépendance grâce à ses contrats avec 18 fournisseurs qui couvrent de l’assurance vie aux produits d’investissement, en passant par les prestations du vivant.
Dundee sait que ses conseillers entretiennent des relations d’affaires de longue date avec certains agents généraux, et qu’ils ne sont pas heureux d’y mettre fin, a-t-il ajouté. En même temps, la plupart d’entre eux comprennent que c’est dans les meilleurs intérêts de Dundee et de son réseau de conseillers, soutient M. Dick.
Cette nouvelle politique est une occasion de resserrer le contrôle du risque : une priorité en ces temps de crise financière. « Pas besoin d’être un génie pour constater que des contrôles de risque proactifs sont judicieux », insiste-t-il.
M. Dick a ajouté qu’avec les services, la gamme de produits et la rémunération qu’elle offre à ses conseillers, Assurance Dundee mérite d’obtenir les affaires des conseillers. « Nous avons l’impression que nous avons mérité le droit d’agir ainsi et nombreux sont nos conseillers qui nous ont demandé de le faire. »
Outre la gestion du risque, la nouvelle politique vise aussi à accroître les activités d’assurance de la firme par l’entremise d’Assurance Dundee.
M. Dick n’avance pas de chiffres quant au volume d’affaires qu’il souhaite voir transférer d’autres agents généraux. « Nous abordons des conseillers individuellement et nous évaluons s’il y a possibilité d’un transfert qui soit dans l’intérêt du client et du conseiller. »
De longue haleine
Les discussions chez Dundee sur la nouvelle politique ont commencé en 2006. Déjà, la société l’exigeait de ses nouvelles recrues dès 2007.
Dundee dit avoir consulté les conseillers financiers. Deux commissions consultatives de 12 membres sélectionnés chez les conseillers ont livré leurs réactions sur la question. Bien que ceci puisse sembler un petit nombre de consultations, M. Dick estime que chacun de ces conseillers en représente plusieurs autres lorsqu’ils se présentent à la table. Ces personnes sondent leurs collègues avant de répondre, explique M. Dick.
Les conseillers de Dundee n’étaient pas tous favorables au changement et la firme ne s’attendait pas à en être remerciée, admet M. Dick. Le fait de dire quoi faire à des entrepreneurs provoque obligatoirement de la résistance. Or, à titre d’entrepreneurs, les conseillers comprennent qu’adopter ce modèle d’affaires est nécessaire, a-t-il ajouté.
À l’occasion d’une réunion régionale tenue à Niagara Falls, en septembre, à laquelle 400 conseillers ont assisté, M. Dick a dit que les réactions directes de la majorité des conseillers avec lesquels il avait parlé se résumaient comme suit : « Bonne décision. Il était grand temps. J’ai toujours été un partenaire à part entière et j’apprécie que ceux qui arrivent adhèrent aux mêmes standards. »
D’autres ont par contre exprimé une inquiétude. Certaines habitudes ou relations professionnelles ne sont pas faciles à changer, convient M. Dick. Il croit toutefois que tous ont compris les enjeux commerciaux à la base de la nouvelle politique.
Dundee cherche à accroître ses activités avec les conseillers dans un partenariat réciproque. Dundee investit dans leurs activités et recherche en même temps des conseillers qui investiront dans Dundee, a dit M. Dick. Il s’attend à ce que ce partenariat résulte en une relation d’une qualité supérieure.
De l’autre bout de la lorgnette, les conseillers ne consentiraient pas à s’exposer aux risques qu’entraînent les activités externes, estime M. Dick. Quelle entreprise consentirait à endosser des transactions dont elle ne sait rien et sans recevoir de contrepartie pour assumer ce risque, demande-t-il. Pourquoi Dundee se placerait-elle dans cette situation?
Au moment de l’entrevue en septembre, M. Dick a dit qu’il était trop tôt pour évaluer combien de conseillers pourraient choisir de quitter Dundee en raison de la nouvelle politique. M. Dick prévoit qu’ils seront un « petit nombre ».
Qu’arrivera-t-il si un conseiller de Dundee choisit de rester, mais qu’il fait des affaires à l’externe, en catimini? Il n’y a aucune façon de s’assurer que ceci ne se produira pas, admet M. Dick. « Nous le demandons à nos conseillers à titre de professionnels et, comme ils sont très professionnels, ils tiendront parole. »