Le propriétaire d’un bâtiment de ferme qui s’était affaissé a obtenu gain de cause en cour contre son assureur. Le juge n’a pas retenu la version de Promutuel Vallée de l’Outaouais qui prétendait que le toit s’était écrasé sous le poids de la neige et a plutôt donné raison à l’homme qui se défendait seul (Gauthier c. Promutuel Vallée de l'Outaouais, société mutuelle d'assurance générale, 2021 QCCQ 9292). 

Une partie du toit de cette grange construite dans un endroit exposé aux grands vents s’était écroulée le 11 mars 2019. La police d’assurance en vigueur lors du sinistre stipulait que les dommages n’étaient pas couverts s’ils avaient été causés par le poids de la neige même si le vent agit comme cause concourante. D’après Promutuel, l’effondrement avait été provoqué par une accumulation de neige et avait donc refusé d’indemniser son client.

Selon l’assureur, la seule présence de neige avait pour effet d’exclure la garantie contre les tempêtes de vent. En s’appuyant sur la Cour suprême dans l’arrêt Derksen, a dit le juge Stéphane D.Tremblay, le Tribunal ne peut retenir cette proposition. Si un assureur désire écarter la garantie dans les cas où des périls couverts concourent à la perte avec des périls exclus, il n’a qu’à le dire expressément dans la police. 

« La question de savoir si une clause d’exclusion s’applique dans une situation où il y a des causes concourantes est une question d’interprétation. Elle doit être conforme aux principes généraux d’interprétation des polices d’assurance », a-t-il indiqué. 

Des arbres déracinés par les vents 

Même s’il n’avait pas été témoin direct de l’effondrement, le propriétaire de la grange l’avait attribué aux importantes rafales de vents qui balayaient la région ce jour-là. Des arbres situés à proximité avaient été déracinés sous la force des vents. De l’avis du Tribunal, s’ils ont soufflé suffisamment fort pour déraciner des arbres matures, il est raisonnable de concevoir qu’ils aient pu causer des dommages aux bâtiments environnants.

Refus d’indemnisation 

Promutuel avait dépêché un expert en sinistre sur les lieux dès le lendemain. En s’appuyant sur les quelques photos qu’il avait prises, l’assureur avisait son client moins de 48 heures plus tard qu’il ne serait pas indemnisé puisque l’effondrement aurait été causé par le poids de la neige et que ce risque était spécifiquement exclu par son contrat.

Dans son jugement, le Tribunal a reproché à Promutuel de ne pas s’être intéressé à la cause avancée par son assuré, soit des grands vents. Ce dernier était convaincu que la quantité de neige était insuffisante pour avoir causé l’effondrement. Ses propres photos prises dans les heures suivant le sinistre montraient qu’il y a très peu d’accumulation de neige sur la partie qui ne s’était pas écroulée. Même les images faites par l’expert de Promutuel sont nettement insuffisantes pour établir la présence d’une forte accumulation de neige ou d’une accumulation anormale sur la partie non effondrée du toit, relève le juge. 

« Quant aux photos des décombres, elles ne laissent pas présager qu’il y avait de grandes accumulations de neige sur la partie du toit qui s’est effondré, ajoute ce dernier. Au contraire, l’accumulation de neige semble, au mieux, mineure. Du moins, c’est ce que les photos révèlent. » 

Intervention d’un ingénieur 

Une semaine plus tard, l’homme se tourne vers la directrice de l’indemnisation de Promutuel. Il lui mentionne qu’il ne lâchera pas le morceau et évoque la possibilité d’un recours judiciaire. L’assureur mandate alors un ingénieur pour déterminer les causes du sinistre.

En mai suivant, même si son rapport n’est pas finalisé, Promutuel réitère son refus de l’indemniser pour les mêmes motifs. Le client exige de voir le rapport, mais l’assureur refuse. En juin, il s’adresse au bureau des plaintes de Promutuel. Sa responsable réitère que la structure de la toiture de la grange s’était effondrée sous le poids de la neige et qu’elle avait été affaiblie par le retrait de certaines pièces. 

La thèse de Promutuel rejetée en cour 

D’emblée, rappelle le juge, il est bien établi qu’il appartient au Tribunal de décider de la valeur probante d’un rapport d’expert. De façon générale, plus l’expert se fonde sur des faits qui ne sont pas établis par la preuve, moins la force probante de son opinion sera grande.

Dans le rapport de l’ingénieur, il est indiqué que la toiture du bâtiment s’est effondrée lors d’une tempête de neige. « Fort probablement que cette information lui a été révélée par le représentant de Promutuel, souligne le juge. À tout événement, cette information est contredite par M. Gauthier, témoin direct des événements. Il y avait une tempête de vent et non une tempête de neige. L’absence de précipitation rend moins probable la thèse de l’effondrement par le poids de la neige ». Le magistrat rejette aussi les prétentions de l’ingénieur à l’effet que la grange aurait été affaiblie par le retrait de pièces structurales.

Le juge Tremblay rappelle que l’homme avait marché avec l’ingénieur lors de sa deuxième visite pour lui montrer les arbres déracinés par les grands vents. Or, son rapport n’en fait pas mention. Il prétend au contraire que le vent a seulement un impact minime sur la structure et n’est pas la cause de l’effondrement.

« Cette affirmation laisse perplexe, commente le juge. Elle ne s’appuie sur aucune base factuelle ou analyse (…) Il y a absence de rapport météorologique permettant d’appuyer une telle affirmation. Dans ce contexte, comment M. Beaucage (ndrl : l’ingénieur) peut-il affirmer que le vent a seulement eu un impact minime sur la structure alors que son rapport ne fait pas état de la force des vents qui soufflaient dans le secteur le jour de l’effondrement? » 

Après avoir analysé les deux thèses, le Tribunal a retenu que l’effondrement a été causé par un risque assuré, soit une tempête de vent, et obligé Promutuel à verser à son client les 15 000$ d’indemnités qu’il réclamait, soit la somme maximale autorisée en cour des petites créances.