Devant le constat du nombre grandissant d’agriculteurs en situation de sous-assurance ou non-assurés, l’Union des producteurs agricoles (UPA) a commandé à un actuaire un diagnostic du secteur de l’assurance commerciale des agriculteurs.

Son rapport confirme le resserrement du marché de l’assurance de dommages, encore plus accentué en assurance des entreprises. « Nous sommes dans un marché dur, avec peu d’assureurs et pas beaucoup de concurrence. On a aussi appris par les assureurs que les primes ont été maintenues un peu trop basses pendant trop longtemps », indique Marie-Andrée Hotte, directrice des affaires juridiques de l’UPA.

Dans son sondage mené en 2020, quelque 80 % des répondants disaient avoir reçu des hausses de primes allant de 2 à 14 %. La moyenne était de 7 %. « Mais ça laisse quand même un répondant sur cinq pour lequel l’augmentation de la prime a été de 15 % ou plus. C’est beaucoup. On nous rapporte aussi que la tendance n’est pas près de s’estomper », ajoute-t-elle.

L’UPA travaille à mettre en place un programme alternatif d’assurance dédié aux producteurs agricoles du Québec. « On veut le développer avec un courtier et plusieurs assureurs. On essaie de voir si on peut mettre ça en place. Ça se fait dans d’autres secteurs. On travaille là-dessus », indique Me Hotte.

Elle rappelle que les municipalités ont développé leur propre mutuelle. Les stations de ski ont fait de même pour regrouper leurs risques, tout comme certains ordres professionnels. Un programme d’autoassurance sera aussi considéré par l’UPA.

Des limites

Selon le courtier Maxime Poulin, vice-président du cabinet Ostiguy Gendron, le projet de l’UPA ne représente pas une bonne solution pour améliorer la situation des producteurs agricoles.

Si des assureurs comptant sur des centaines d’actuaires et des systèmes d’analyse de données n’ont pas réussi à rentabiliser le segment agricole, Maxime Poulin ne voit pas comment le regroupement des risques ou la police captive permettrait de le faire. « Dans une police captive, si la rentabilité n’est pas là, la police ne durera pas longtemps », explique-t-il.

De nombreuses autres industries sont confrontées aux hausses de primes et mènent des études de faisabilité sur la création d’un programme d’autoassurance ou de police captive. Pour y adhérer, chaque membre doit investir dès le départ dans une réserve commune. « En plus, il va payer pour les sinistres des autres membres. Cela ne règle pas la problématique du secteur, qui est un manque d’entretien et de prévention au niveau des bâtiments dans cette industrie particulière », indique M. Poulin.

Chez Ostiguy Gendron, l’équipe spécialisée en assurance agricole ne fait pas de dossier d’assurance pour une ferme individuelle. « Ce n’est pas la même réalité, ça ne sera pas nécessairement les mêmes assureurs qui seront impliqués. La structure de risques est différente, ça ne sera pas les mêmes normes de prévention », précise Maxime Poulin.

Principe d’équité

Les analyses faites par l’UPA n’inquiètent pas beaucoup Stéphane Bibeau, PDG de la mutuelle Estrie-Richelieu. Selon lui, peu importe le nombre de personnes qui partagent le cout des sinistres, les primes doivent couvrir les pertes.

M. Bibeau estime que l’UPA ne peut obliger un assureur à couvrir les mauvais risques, car cela revient à faire payer les sinistres par les producteurs qui gèrent correctement leurs affaires. « C’est une simple question d’équité, si on comprend comment fonctionne l’assurance. On met l’argent des primes de tous les assurés dans un pot commun, et si tout le monde représente le même risque, c’est équitable », explique-t-il.

« Si l’UPA fait valoir qu’il faut assurer tout le monde et que ça ne doit pas couter plus cher, ça ne marche pas. Si on assure tout le monde, ça va couter plus cher, pas moins cher. Je le dis en tout respect », insiste M. Bibeau.