Un jugement de la Cour du Québec rendu à la fin d’avril est venu rappeler aux assureurs qu’ils doivent s’assurer que l’information qu’ils transmettent à leurs clients soit bien comprise, et ce, qu’ils aient lu leur contrat d’assurance d’un bout à l’autre ou non.
SSQ Groupe financier s’est ainsi vu obligé de verser près de 50 000 $ à l’un de ses assurés pour cette raison, reliée à une cascade d’évènements faisant en sorte que son client Gérard Scheubel a décidé de prendre le chemin des tribunaux pour faire valoir ses droits.
La cause
Celui-ci avait souscrit à une assurance collective auprès de son employeur de 1996 à 2016.
En janvier 2016, M. Scheubel prépare sa retraite prévue pour le mois de mai. Sachant qu’il ne pourra plus bénéficier de la couverture d’assurance de son employeur. Il décide alors de se renseigner sur les produits d’assurance-santé individuelle.
SSQ étant le preneur de risques de son employeur, il contacte donc l’assureur, qui lui fait parvenir une trousse d’information, contenant divers dépliants présentant deux produits d’assurance. Par la suite, M. Scheubel joint une conseillère financière, Mélissa Noël, pour acheter une police d’assurance individuelle.
Se fiant aux dépliants, il choisit l’option la moins chère, qui, de ce qu’il comprend, vient avec une protection d’assurance voyage de 180 jours et d’un montant de réclamations maximal de 5 millions de dollars par voyage. Comme il passe ses hivers en Floride, il souhaitait avoir une couverture le protégeant lors de ses séjours. La police entre ainsi en vigueur en mai 2016.
En février 2017, M. Scheubel a un malaise, nécessitant un transport en hélicoptère. Avec les examens qu’il subit, la facture s’élève à 42 367,44 $. Il soumet la réclamation à SSQ, qui la refuse. L’assureur affirme que la protection pour les voyages n’était pas incluse dans la protection achetée par M. Scheubel.
Le détail du litige
Le litige a alors pris le chemin des tribunaux. Le juge Christian Brunelle tranchera le débat. Celui-ci s’est questionné sur l’interprétation donnée par M. Scheubel à son contrat.
Il apparaît en fait qu’il y avait une troisième option disponible pour M. Scheubel, mais que celle-ci n’était pas incluse dans les dépliants markéting qui lui ont été transmis. SSQ avait l’habitude de ne promouvoir que les deux autres options auprès des futurs retraités perdant la couverture de leur employeur. L’option de base choisie par M. Scheubel ne comprenait donc pas l’assurance voyage.
Comment se fait-il que M. Scheubel ait compris que l’assurance voyage était incluse ? Il l’aurait su s’il avait lu sa police d’assurance, se sont défendus SSQ et la conseillère Mélissa Noël. Il n’a donc pas rempli son devoir de se renseigner, selon eux.
Est-on obligé de lire son contrat d’assurance ?
Cet argument n’a pas convaincu le juge Brunelle. Il a écrit dans son jugement qu’il n’y avait pas de loi qui oblige un assuré à lire son contrat d’assurance.
« M. Scheubel est en droit de se fier à l’expertise et aux conseils de son courtier. Autrement, le courtier pourrait s’exonérer de sa responsabilité en reprochant au client de ne pas avoir trouvé et corrigé sa propre erreur », ajoute le juge Brunelle.
Ce dernier va aussi plus loin dans son analyse. « Quand la stratégie markéting d’une société d’assurance a pour effet de confondre la personne ordinaire plutôt que de la renseigner adéquatement sur les différences subtiles entre les diverses protections offertes, cela met en cause le devoir d’information et de conseil de cette société et engage sa responsabilité », a-t-il aussi écrit.
Maurice Charbonneau, avocat et président de Charbonneau, avocats conseils, a aussi analysé ce jugement. Il en tire la conclusion suivante.
« Il est vrai que le demandeur n’a pas lu la police d’assurance transmise une fois la souscription effectuée. Cependant, l’époque où les tribunaux exigeaient de l’assuré qu’il en prenne connaissance semble aujourd’hui révolue. »
Au final, la Cour a condamné SSQ à payer à M. Scheubel la somme de 48 290,58 $, plus un intérêt de 5 % calculé annuellement.