Matt Link

À l’ère des principes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), est-il de bon ton de mettre fin aux prestations d’invalidité de longue durée à 65 ans dans les régimes d’assurance collective des employeurs ? Oui, mais avec des solutions de rechange pour les plus de 65 ans, propose un énoncé de principe publié le 16 octobre 2024 par l’Institut canadien des actuaires (ICA). 

Auteurs de l’énoncé de l’ICA, Joe Nunes, actuaire et président exécutif d’Actuarial Solutions Inc., et Mathias Link, avocat associé à Fasken Martineau DuMoulin, ont étudié comment les limites d’âge en assurance invalidité de longue durée affectent l’équité et la parité en milieu de travail.

L’âge utilisé pour déterminer quand doit cesser la protection et les prestations d’invalidité de longue durée a récemment entraîné son lot de plaintes devant un tribunal des droits de la personne, signale l’énoncé de l’Institut canadien des actuaires. D’après l’énoncé, ces griefs allèguent que distinguer en fonction de l’âge est de la discrimination illégale.

La discrimination fondée sur l’âge n’a pas sa place dans notre société - Joe Nunes

Les auteurs remettent eux aussi en question la discrimination fondée sur l’âge. « La discrimination fondée sur l’âge n’a pas sa place dans notre société, en particulier dans les milieux de travail canadiens », soutient Joe Nunes dans un communiqué que l’Institut canadien des actuaires a fait parvenir au Portail de l’assurance.

Ils laissent toutefois entendre que l’assurance invalidité collective deviendrait hors de prix sans limiter l’âge de fin des prestations. Ils soutiennent que plusieurs tribunaux ont reconnu au fil des ans que la différenciation en fonction de l’âge est appropriée pour éviter que le coût des régimes collectifs d’employeur soit prohibitif. 

Solutions de rechange  

Le rapport propose toutefois des solutions de rechange pour accommoder une main-d’œuvre vieillissante en quête d’une protection du revenu après 65 ans. Intitulé Évolution des régimes d’assurance invalidité de longue durée parrainés par l’employeur, l’énoncé en propose trois : 

  • Maintien de la couverture et des prestations jusqu’à 67 ans 
    Prolonger la date limite de 65 à 67 ans aurait une incidence très modeste sur le coût de la protection d’assurance invalidité de longue durée, soutiennent les auteurs de l’énoncé. D’après leurs estimations, le coût augmentera d’environ 2 % pour une personne de 40 ans. La couverture coûtera toutefois 25 % de plus à un travailleur de 60 ans. 
     
  • Réduction des prestations à des âges avancés 
    Elle atténuerait la croissance annuelle du coût de la protection d’assurance invalidité de longue durée. Réduire la protection avec l’âge fait en sorte que le coût prévu n’augmente pas aussi rapidement ou pas du tout par rapport à la protection offerte aux travailleurs de 64 ans, précise l’énoncé. 
     
  • Maintien des prestations pendant au moins 24 mois 
    Le régime maintient l’âge limite des prestations d’invalidité : l’assuré les recevra jusqu’à 65 ans ou pendant 24 mois, selon la dernière éventualité. L’énoncé mentionne que les travailleurs de moins de 63 ans ne verront aucune incidence sur le coût de l’assurance. En revanche, il augmentera de façon importante pour les travailleurs de plus de 63 ans.
Répondre à tous 

Joe Nunes

M. Nunes croit qu’il faut tenir compte « des considérations particulières fondées sur l’âge » au moment d’offrir une garantie d’assurance invalidité de longue durée. « Les employeurs et les employés doivent comprendre le risque d’invalidité et les compromis en matière de coûts dans la conception et la tarification de la protection du revenu », ajoute-t-il. D’après lui, le régime doit répondre le mieux aux besoins d’un groupe complet de travailleurs. « Il n’existe pas de solution universelle », dit-il. 

Les auteurs de l’énoncé conviennent qu’il faut utiliser l’âge pour différencier l’admissibilité et la période de prestations. « Toutefois, il n’est pas nécessaire d’utiliser le même âge pour la fin de l’admissibilité à la protection d’assurance et la fin du versement des prestations. De plus, il n’est pas nécessaire que ce soit l’âge de 65 ans », ajoutent-ils. 

Longévité et normes sociales 

L’âge butoir de 65 ans en assurance invalidité de longue durée a beaucoup à voir avec les années 1960, d’après les auteurs de l’énoncé. « L’âge de 65 ans était considéré comme un âge cible raisonnable pour la retraite », peut-on lire. L’accroissement de la longévité et l’évolution des normes sociales au cours des 50 dernières années ont selon eux créé un clivage entre les travailleurs : certains prennent leur retraite bien avant 65 ans et d’autres plus tard. « On s’attend à ce que près de 90 % des travailleurs choisissent de recevoir des prestations à 65 ans ou plus tôt, et qu’environ 10 % d’entre eux diffèrent leurs prestations après 65 ans », soulèvent-ils en citant le 31e rapport actuariel du Régime de pensions du Canada, publié le 14 décembre 2022. 

Les auteurs de l’énoncé rapportent les constats d’observateurs qui s’attendent à une tendance vers des âges de retraite plus tardifs, pour des raisons comme une bonne santé, un travail valorisant et une épargne insuffisante pour la retraite. « Si une telle tendance se confirme pour un nombre important de travailleurs, au fil du temps, l’âge limite de 65 ans pour toucher des prestations pourrait ne pas couvrir la vie active prévue d’un plus grand nombre de travailleurs », concluent-ils.

Ils estiment que certains travailleurs de plus de 65 ans pourraient combler cette lacune par l’achat d’une police d’assurance individuelle, mais que la plupart assumeront eux-mêmes ce risque.