En matière de vente de fonds d’investissement, les régulateurs en assurance au Canada ont décidé de faire bande à part de leurs confrères en valeurs mobilières. Si ces derniers ont banni les commissions à la souscription en 2021, les régulateurs en assurance ont plutôt opté, en mai 2023, de ne pas le faire sauf pour la vente de fonds comportant des frais d’acquisition reportés. Toutefois, ils ont estimé que la vente de fonds distincts et le versement de commissions devraient être encadrés de façon serrée. 

Louise Gauthier

C’est le message qu’a livré Louise Gauthier, directrice principale des politiques d’encadrement de la distribution à l’Autorité des marchés financiers devant un parterre de dirigeants d’agents généraux et d’assureurs, le 7 décembre dernier. La rencontre avait été convoquée par l’Association canadienne des agences indépendantes de courtage d’assurance vie (CAILBA), dans les locaux de UV Assurance, à Drummondville.

En valeurs mobilières, les commissions à la souscription ont été éliminées par le Règlement 81-105 en juin 2021. Les manufacturiers se voyaient alors interdire de verser des commissions aux distributeurs. Dès lors, les fonds comportant des frais d’acquisition reportés ont été interdits. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont jugé que ce mode de commission générait un conflit d’intérêts inconciliable entre vendeurs et clients.

Rappel des commissions 

Toutefois, dans l’univers de l’assurance, les régulateurs étaient conscients qu’il existe des différences dans les processus de vente. Par exemple, les assureurs exigent le remboursement des commissions versées au conseiller lorsque le client annule la vente d’une police à l’intérieur de deux ans ou, dans le cas des fonds distincts, veut récupérer son investissement. On appelle ce processus la reprise ou le rappel des commissions ou la rétrofacturation. Tout cela se décline en anglais par charge-back. Ce processus n’existe pas en valeurs mobilières.   

Dans ce dossier de vente de fonds d’investissement au Canada, l’Autorité des marchés financiers a une lecture différente des autres régulateurs au Canada puisque son mandat est déjà multidisciplinaire. Cela lui permet de couvrir tant l’assurance que les fonds communs et les valeurs mobilières. Dans les autres provinces, en matière de fonds distincts, il y a peu d’encadrement alors qu’au Québec, cela passe par la Loi sur la distribution des produits et services financiers (LDPSF) qui couvre tous les segments.   

L’Autorité a donc décidé d’amener la discussion au niveau national auprès des régulateurs en assurance, a affirmé Mme Gauthier. De septembre à novembre 2022, une consultation a été menée par le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) ainsi que les Organismes canadiens de réglementation en assurance (OCRA).

Un encadrement national  

Dix-neuf mémoires ont été déposés, a rapporté Louise Gauthier, ajoutant que les questions étaient précises. « Nous avons reçu des mémoires étoffés qui nous ont permis de poser un diagnostic éclairé en fonction des informations et données récoltées puisque le modèle de rémunération avec reprises de commissions existait déjà », a affirmé Mme Gauthier lors de la réunion. 

À la lumière des résultats, les régulateurs en assurance ont donc décidé, en mai 2023, qu’ils ne banniraient pas les commissions à la souscription en assurance, sauf pour les fonds comportant des frais d’acquisition reportés. Quant au modèle de rémunération avec reprise de commissions, les régulateurs en assurance estiment qu’il devrait être resserré parce qu’il y a possibilité de conflits d’intérêts. 

En ce moment, les régulateurs travaillent sur l’élaboration d’une norme nationale d’encadrement des ventes de fonds distincts. Elle va comporter des exigences de connaissance du client, de connaissance du produit, de convenance, de gestion des conflits d’intérêts. Ces exigences s’apparenteraient à ce qu’on trouve en valeurs mobilières.

Au début de 2024, les régulateurs en assurance devraient être en mesure d’avoir terminé un premier projet de norme nationale très étoffée. Ils amorceront une préconsultation, mais l’Autorité veut être claire, a précisé Mme Gauthier : ce ne sera pas pour revoir les grandes orientations puisqu’elles sont déjà arrêtées. Il s’agira plutôt d’évaluer comment les adapter en fonction de ce qui se fait sur le terrain. Par la suite, ils finaliseront une ligne directrice qui devrait être lancée en consultation publique vers la fin de 2024, pour application au cours de 2025.   

Une fois cette norme nationale mise en place, l’Autorité dit qu’elle pourrait ajouter d’autres mesures de contrôle si elle constatait encore des résultats inéquitables face aux consommateurs.